Le 9 thermidor arrive et les physionomies changent. Les enragés font contre «mauvaise fortune bon coeur» et essaient de se trouver mille excuses pour justifier leur actes.
Le Comte Dufort sait qui l’a dénoncé, lui et ses amis :
celui qui veut se faire élire maire du village avec la complicité de Hézine contre
l’avis des villageois et qui n’est autre que Duliepvre en personne.
Dans ce
moment de léger relâchement, le Comte Dufort cherche à savoir quel est le motif
véritable de son emprisonnement et de celui de son ami Ranconne ? Son épouse et
son intendant Guyot font alors de nombreuses démarches auprès du Comité de
Salut Public et trouvent enfin la lettre qui les accuse ; en voici un
extrait daté du 24 floréal :
«J’instruisis le Comité que le ci-devant Comte
Dufort est toujours dans son ci-devant château de Cheverny où les signes
féodaux existent encore… À Herbault, un ci-devant, nommé Ranconne a sa mère à
Saint-Lubin, aristocrate et fanatique. Les deux nommés ci-dessus sont parents
d’émigrés et d’hommes punis par la loi. Sur proposition de Robespierre, le
Comité de Salut Public, par son arrêté du 30 floréal a ordonné l’arrestation».
Signé Lejeune, chef de bureau.
Insensiblement, les liens se desserrent sur
les prisonniers qui peuvent voir leur famille et des amis. Une personne leur
est envoyée peu de temps après pour régir les libérations. Il s’agit de l’ancien
évêque jacobin de Tulle, un nommé Brival qui vit publiquement avec la femme
d’un receveur de ses proches ! Les détenus commencent cependant à trouver le temps
long et adressent à l’évêque une lettre dans laquelle ils demandent justice sur
ces quatre mois d’incarcération injustifiée.
L’assemblée du peuple se
réunit enfin au Temple de la Raison, autrement-dit la cathédrale, le 23 fructidor,
soit le 9 mars 1794 ; cette journée paraît longue à tous mais vers la fin de la
journée, un nommé Averans, un peu saoul, chapelier à Blois, tient les propos
suivants au Comte Dufort et au quinze autres détenus :

La
première sortie du Comte Dufort a lieu une heure après pour aller respirer sur
les bords de Loire avec ses deux enfants. C’est alors pour lui le plus beau
clair de lune de sa vie !
Ensuite, entouré de ses amis, il revient à Blois,
chez lui, où il apprend que les habitants de Cour-Cheverny et de Cheverny
comptent venir à sa rencontre jusqu’à Clénord. Il est très touché de cette
marque de sympathie, mais refuse pour ne pas à nouveau attiser la jalousie ou
autres rancunes. Il décide de rester à Blois encore quelques jours avant de
regagner, la nuit, son château à Cheverny.
La vie reprend doucement, à
Cheverny. On compte ses morts, ses disparus. On remet en état la propriété
après tous les pillages. Beaucoup de relations ont disparu. Parmi elles, le
président local de Salaberry, le Duc de Saint-Aignan, le Vicomte de
Beauharnais, Monsieur Bimbenet, le prêtre Saunier, le Marquis de
Rome-Vernouillet, Monsieur Mesnard de Chousy, l’abbé d’Espagnac, le Marquis de
Favras, Marie de Grandmaison, actrice de comédie, guillotinée à 27 ans, etc.
En
plus de son chagrin, le Compte Dufort doit faire face aux nouvelles
réglementations du nouveau régime :
- destruction de tous les étangs ; il faut les assécher avant le 15 pluviôse ; il y en a alors 50 sur le domaine,
- abattage de la rangée de peupliers de la route de Contres qui «donne un air de féodalité»,
- tous les plus beaux arbres du parc et du domaine sont abattus pour la Marine,
- les grains sont réquisitionnés sur toute la propriété,
- tous les livres sont confisqués et les titres brûlés,
- enfin, toutes les églises sont fouillées, on abat les murs pour récupérer le salpêtre.
A suivre…
Sources :
- “Les Chanceliers
de Cheverny”, par le comte Henri de Vibraye, éditions Émile Hazan
- “Mémoires du
Comte Dufort de Cheverny : La Révolution”, éditions Plon, 1909
- “La terre de
Cheverny”, par Paul de Vibraye, éditions Lecesne, Blois 1866
- “Le Loir-et-Cher
de la préhistoire à nos jours”, par Croubois, Denis, Loisel, Sauvage,
Vassort, éditions Bordessoules, 1985
Le Colvert - La Grenouille n°13 - Octobre 2011
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