La vie difficile à Cour-Cheverny de 1939 à 1947 (suite)

La vie continue...


- Le conseil municipal demande à M. Buffet, plombier à Cour-Cheverny, l’étamage des ustensiles de la cantine.
- En octobre, suite à la cessation de fonctions du secrétaire de mairie, M. Hamonière, qui vient d’obtenir son examen, pose sa candida­ture pour le remplacer et est embauché.
La vie difficile à Cour-Cheverny de 1939 à 1947
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- En octobre 1942, Georges Bégé explique les difficultés pour l’approvisionnement en bois de chauffage pour certains habitants et fait connaître qu’il pourra peut-être en trouver. Il rappelle que les deux hivers précédents ont été très rigoureux. Le conseil l’autorise à acheter 300 stères de sapin qui seront répar­tis, après vérification des demandes des inté­ressés. Une commission de réception et de répartition sera instituée. En novembre, suite au manque de bois de chauffage pour les écoles et les plus démunis, le maire demande une imposition aux propriétaires de bois.
- En novembre, une collecte est faite auprès des conseillers municipaux et des habitants, qui recueille 1 500 francs pour l’achat du portrait du maréchal Pétain, qui ne sera livré et exposé dans la salle du conseil municipal qu’en mars 1943.
- En 1943, René Mollinger et M. Tessier, hor­logers de la commune, chargés du remontage et de l’entretien des horloges de l’église et de la mairie, obtiennent une revalorisation de leurs tarifs : les sonneries des horloges sont essentielles pour la vie économique du pays.
- Lors de cette séance, le maire, Georges Bégé, donne connaissance des difficultés rencontrées pour l’hébergement des réfugiés qui sont accueillis dans la commune. Henri Duru, ancien maire, propose, dans ces cir­constances, de le seconder.
- En avril 1943, le maire et le conseil répondent favorablement à une demande du préfet concernant une subvention au profit des communes sinistrées par faits de guerre : le conseil fixe cette subvention à 2 000 francs.
- En septembre 1943, le préfet communique que la commune martyre de Puilly (Ardennes) a été désignée comme localité dont notre commune pourrait assurer le parrainage avec le concours de communes des cantons de Contres et Herbault. Le conseil accepte de venir en aide à cette commune dans la mesure de ses possibilités. Le maire se met en rapport avec cette municipalité.
- En novembre 1943, Georges Bégé reçoit les remerciements du maire de Puilly pour la première subvention de 2 000 francs qui a été adressée à sa commune.
- En juillet 1943, le maire signale des plaintes concernant l’état des trottoirs avenue de la République. Il demande « qu’ils soient débar­rassés de tous ustensiles quelconques, maté­riels, machines, voitures, automobiles, etc., pour laisser les trottoirs libres pour l’usage des piétons et ils devront être tenus propres comme le fixe l’usage. Les intéressés devront prendre toutes dispositions pour assurer l’exécution de leurs travaux en dehors de ces lieux publics ».
- Par ailleurs, le nettoyage des rues est réa­lisé par un enlèvement régulier des boues et immondices. M. Duchet, fermier à Poussard accepte d’effectuer ce travail.

Les employés communaux : salaires et sanctions
En mars 1942, les cantonniers demandent une augmentation de salaire : ils gagnent 31 francs par jour. Le conseil municipal leur alloue 36 fr par jour, soit 900 francs men­suels pour 25 jours de travail, à partir du 1er janvier 1942. En contre-partie, il exige que leur travail soit exécuté de manière parfaite et que le temps de travail soit complètement employé au service de la commune. Le garde-champêtre est chargé de l’exécution de cette décision et devra surveiller d’une façon toute particulière les travaux qu’il commandera. Toute défaillance dans le travail sera réprimée par toutes les sanctions en cette matière.
En 1942, le conducteur du corbillard demande une augmentation, ainsi qu’une indemnité pour l’entretien du corbillard, qui lui sont accordées.
Le garde-champêtre sollicite aussi une aug­mentation, le conseil considère qu’en raison des circonstances actuelles le travail est deve­nu beaucoup plus important, une augmenta­tion de 150 francs par mois lui est accordée.

1942 : la municipalité de Cour-Cheverny décide d'augmenter les salaires des cantonniers, sous réserve...
- En juillet 1942, le maire rappelle à l’assemblée qu’il est l’objet de réclamations concernant le travail des cantonniers. Le conseil considère que les réclamations faites tant au maire qu’aux conseillers paraissent justifiées, en ce sens que les cantonniers n’exécutent pas leur travail de la façon qu’il convient ; que le garde-champêtre a été avisé à diverses reprises d’exiger d’eux le maximum de travail, et décide, vu la délibération du 25 mai 1942, que les 4 cantonniers seront mis à pied du 1er au 31 août 1942, sans traitement, ni accessoire au traitement, les vacances payées non prises ne pourront l’être qu’après le 31 août. Cependant, le cantonnier Chéreau devra assurer le service de l’entretien du bourg une journée par semaine, et se mettre à la disposition des familles pour les enterrements. Le cantonnier Chédé sera également à la disposition de la mairie en cas de besoin. Ces travaux seront payés à la journée. Un arrêté devra être pris pour ces sanctions et transmis à la préfecture.
- Le salaire du personnel auxiliaire de mairie, rémunéré à la journée, n’a pas bénéficié d’aug­mentation depuis 1939. En raison « des condi­tions de vie actuelles », le personnel adminis­tratif de mairie assure, depuis l’occupation, un système complexe de cartes d’alimentation et de ravitaillement. Le conseil accepte, à compter du 1er juillet 1943, que la journée de travail soit portée de 25 à 35 francs.
En 1945, les salaires du personnel titulaire sont augmentés, en particulier avec un supplément concernant l’indemnité pour « services perma­nents » de 2 fr par habitant, basé sur 1 684 habitants, ainsi qu’un supplément pour « ser­vices provisoires » de 4 fr par habitant. Puis, en 1946, ce sera l’instauration d’une indemni­té de « cherté de la vie ». En novembre 1945, une indemnité passe de 1 200 à 2 400 francs pour le cantonnier-chef, employé du service vicinal, suite à l’éloge concernant son travail.

Le budget communal
Les séances concernant l’examen des bud­gets primitifs et additionnels ont lieu deux fois par an. Tout au long des années, le souci constant de la municipalité est de trouver de nouvelles ressources.
Le conseil municipal est très attentif aux pro­blèmes financiers. Chaque année, l’équilibre du budget primitif nécessite le vote d’impo­sitions supplémentaires dues à l’augmenta­tion importante des demandes d’aide sociale, à l’augmentation des salaires du personnel communal qui n’ont pas été revalorisés depuis 1938, à l’insuffisance des revenus. Pour 1942, c’est un montant supplémentaire de 108 836 francs qui est nécessaire pour que les recettes ordinaires et extraordinaires couvrent les dépenses prévues.
En octobre 1943, le conseil substitue une taxe vicinale aux journées de prestation.
En juillet 1945, le maire a le souci permanent « de la création de ressources nouvelles en raison de l’embarras financier ». En novembre 1945, la taxe sur les chasses gardées est rétablie pour 1945 et 1946. À l’abattoir, la taxe d’abattage est augmentée.
En janvier 1947, il est voté une augmentation conséquente des impôts pour un produit attendu de 327 838 francs, afin de compenser les charges toujours plus importantes de l’aide sociale, des augmentations de salaires et pour l’insuffisance toujours problématique des revenus.              La vie difficile à Cour-Cheverny de 1939 à 1947

Photo ci-dessus : Denise Leloup, le 12 février 1941, route de Romorantin (Cheverny), près du carrefour de l’Orme. Photo envoyée à son mari (dit “l’oiseau gris”), prisonnier en Allemagne. Autorisation 85-Stalag IX A.

Les conséquences directes de la guerre
En mai 1946, le maire de Millançay demande une subvention pour l’érection d’un monument à la mémoire des 3 jeunes gens de Cour-Cheverny, victimes par représailles des Allemands le 23 août 1943 dans sa commune. Le conseil accorde 1 000 francs. La même demande est faite par la commune de Mont-près-Chambord : une sub­vention de 500 francs est accordée.
- Après une seconde occupation de la com­mune par les Allemands, du 20 septembre 1943 au 20 novembre 1943, avec trans­formation de la grande salle de la mairie en salle d’instruction pour les radio-télégra­phistes, le maire évalue la remise en état, pour les dégâts occasionnés aux bâtiments communaux à 15 431 francs, et transmet factures et mémoires à la préfecture. Après examen, le service des Dommages règle 5 523 francs, le complément restant à la charge de la commune.
En novembre 1944, un conseiller municipal émet le vœu « qu’il soit pourvu à la faiblesse de notre ravitaillement en viande de bouche­rie, par des prélèvements dans les contrées excédentaires, car notre région est très faible­ment approvisionnée en bétail, il s’ensuit un dérèglement absolu dans les attributions du public malgré les difficultés et les efforts faits pour remédier à cette situation ».
En novembre, le maire annonce que c’est la com­mune de Lamotte-Beuvron qui fournira du bétail.
- Une commission des fêtes est créée en novembre 1944, comprenant des élus et des membres de la Lyre de Cour-Cheverny. Elle permettra l’organisation de spectacles avec pièces de théâtre et concerts de la Lyre dans la salle des fêtes au rez-de-chaussée de la mairie.
- Lors de la séance du 22 septembre 1944, le président de séance Georges Bégé, conseiller municipal faisant fonction de maire, donne lecture de l’arrêté préfectoral du 13 septembre 1944 portant dissolution du conseil municipal de Cour-Cheverny.
Les membres du conseil municipal acceptent la décision préfectorale. Ils manifestent leur étonnement des mesures illégales prises à leur égard puisqu’ils n’ont jamais failli à l’honneur envers l’ennemi.
Le maire affirme qu’aucun homme n’est parti en Allemagne du fait des services municipaux.
À partir du 5 octobre 1945, la fonction de maire est assurée par Jean Huillet, en attente des élections.
La vie difficile à Cour-Cheverny de 1939 à 1947- Le 19 mai 1945 ont lieu les élections munici­pales. René Chéry est élu maire. Le 1er adjoint est Henry Mordelet et le second adjoint le docteur Jean Grateau.

Les « Kommandos* » de prisonniers alle­mands » à Cour-Cheverny
Un dépliant émanant du ministère du Travail et de la sécurité sociale a été adressé par la pré­fecture à toutes les municipalités et aux maires. Il précise les conditions de création de « kom­mandos communaux de prisonniers de guerre ».
Il est intitulé : « Faites relever vos ruines par ceux qui en sont responsables...
Faites travailler les prisonniers ennemis ».
« Municipalités :
Songez à tous les travaux d’entretien et d’aménagement différés faute de main-d’oeuvre et de crédits. Vous avez l’occasion, grâce aux prisonniers allemands, de les faire exécuter à des conditions exceptionnellement avantageuses. Pour votre commune et pour le pays, ne la négligez pas.
La France a obtenu des quantités importantes de prisonniers de guerre destinés principale­ment à la reconstruction du pays.../... Ils ne doivent, à aucun prix, rester oisifs dans les dépôts militaires. La seule solution est de les mettre au travail par petits kommandos orga­nisés dans toutes les communes de France où ils seront employés aux innombrables travaux de voirie ou de fossés et aux projets d’aménagement laissés en suspens depuis trop longtemps faute de main d’œuvre ».

Création d’un « kommando » dans les communes
Les demandes sont adressées au préfet. Indiquer le nombre de prisonniers demandés.
Distinguer si possible le nombre de prison­niers destinés à des travaux communaux et le nombre de prisonniers demandés pour être placés auprès de particuliers.
Le préfet transmet la demande à l’inspecteur divisionnaire du Travail siégeant au chef-lieu de la région qui émet un avis indiquant à quelle date et à quel dépôt militaire les prison­niers pourront être retirés.

L’organisation du kommando communal
Pratiquement, il s’agit de trouver un local où les prisonniers de guerre auront le moyen de préparer leurs aliments et où ils pourront être solidement enfermés pendant la nuit. Quant à la garde pendant le jour, elle pourra être assu­rée par les ouvriers ou chefs d’équipe français qui surveilleront les prisonniers de guerre en même temps qu’ils partageront ou guideront leur travail. Pour l’alimentation, les prisonniers de guerre ont droit aux mêmes rations que la population locale. C’est justice si l’on veut qu’ils travaillent. Dans le cas des kommandos (1) importants, les denrées contingentées pourront être fournies par l’intendance militaire. Le com­plément, principalement les légumes, devra être approvisionné par la commune. Un cuistot allemand sera chargé de la préparation.

Que coûtera l’opération à la commune ?
Pour les prisonniers de guerre utilisés à des travaux communaux, la commune sera dis­pensée du payement à l’État de l’indemnité compensatrice demandée normalement aux employeurs de prisonniers de guerre. Restent donc seulement :
- les frais d’alimentation ;
- les frais de logement et de garde ;
- les 10 francs par jour de travail qui doivent être versés au dépôt militaire au compte du prisonnier. Mais l’État remboursera la moitié de ces frais à la commune. Le budget com­munal ne supportera donc que des charges très réduites qui ne devront normalement pas dépasser 25 francs par jour et par prisonnier.

Placement de prisonniers de guerre auprès de particuliers
Il a été décidé d’autoriser les maires à mettre des prisonniers de guerre à la disposition des particuliers qui en feront la demande sans que des contrats réguliers soient passés entre ces particuliers et l’autorité militaire.
La commune sera tenue, dans ce cas :
- de s’assurer que les employeurs sont dans l’impossibilité de trouver de la main-d’oeuvre française ;
- de tenir un registre d’emploi des prisonniers ainsi placés.
À la fin de chaque mois, la commune adres­sera un relevé de ce registre à l’inspecteur divisionnaire du Travail qui réclamera direc­tement aux intéressés les sommes dues au Trésor (dans ce cas il n’y a pas dispense de l’indemnité compensatrice).
Dans le cas où les prisonniers de guerre ainsi utilisés par des particuliers continueraient à loger au kommando communal ou à y prendre leurs repas, la commune réclamera à ces particuliers une participation aux frais du kommando. Ces sommes seront versées au Receveur municipal et viendront en atténua­tion des dépenses de la commune.
Les employeurs ruraux peuvent demander au conseil municipal de faire ouvrir un kommando communal où ils trouveront la main-d’oeuvre nécessaire pour améliorer leurs entreprises et exploitations.

Ils ont détruit, qu’ils réparent !
C’est après un courrier du préfet que le maire, lors du conseil municipal du 9 juillet 1945, aborde la question des kommandos de prison­niers de guerre allemands.
Sur l’offre faite par l’administration militaire suivant les instructions préfectorales en vue de l’emploi de prisonniers de guerre alle­mands pour le besoin de la commune, il est décidé de profiter de cette main-d’oeuvre pour l’utiliser à l’extraction de pierres à la carrière communale des Prés Martin. Un kommando de prisonniers allemands est organisé en sep­tembre 1945. Les frais étant à la charge de la commune, il est envisagé de faire supporter ces dépenses par les crédits des chemins, étant donné que les pierres extraites sont destinées à l’entretien des chemins vicinaux et ruraux de la commune. L’assemblée approuve cette solution pour effectuer le paiement des dépenses de septembre à décembre 1945 et d’envisager cette même formule pour les dépenses de 1946.
Le conseil approuve aussi la prise en charge des frais accessoires d’exploitation de la car­rière (explosifs, outillage, etc) sur les crédits des chemins vicinaux et sur l’entretien des chemins ruraux à l’aide des prestations de la vicinalité. Pour 1946, les dépenses seront mandatées sur les mêmes crédits.
Marcel Audon, prisonnier rapatrié, est nommé gardien du kommando par arrêté à dater du 29 septembre 1945. Il est nommé régisseur des recettes et dépenses de ce service. Pour mémoire, Marcel Audon était régisseur de l’abattoir de Cour-Cheverny, avant d’avoir été prisonnier de guerre.
En septembre 1945, la commune souscrit une assurance accident du travail pour le com­mando allemand et le gardien. En août 1946, cette assurance, au départ, était « stipulée sans emploi d’explosifs pour l’exploitation de la car­rière », mais le maire précise que l’emploi des explosifs devient une nécessité pour assurer le travail. De ce fait, le taux d’assurance passe de 8 à 13 % pour les prisonniers de guerre.
En juin 1946, le maire confirme à la préfecture l’emploi de 10 prisonniers de guerre, départ des travaux le 29 septembre 1945 pour un total de 78 journées de travail.
Le 24 septembre 1946, le maire communique les renseignements suivants à la préfecture : nombre de prisonniers de guerre employés : 8 pendant 3 mois ½ ; 5 pendant 3 mois ; soit 163 journées de travail effectuées.
Aucune information ne précise le départ effectif du kommando des prisonniers de guerre allemands de Cour-Cheverny.
La vie difficile à Cour-Cheverny de 1939 à 1947Le préfet est « la main agissante... en place dans le département, utilisant conférences de presse, information de la presse écrite (La Nouvelle République, et autres journaux locaux), courriers aux maires, dépliants... » L’écho est faible auprès des édiles... mais il faut trouver une solution pour placer les mil­liers de prisonniers de guerre allemands.

L’État se décharge sur les communes
Nous l’avons vu : les maires doivent veiller à satisfaire les besoins fondamentaux des prisonniers, c’est-à-dire le confort matériel, les besoins vitaux et sanitaires et le confort moral. L’accent est mis sur le rôle d’un homme de confiance, qui sera armé, pour les superviser. Quand les kommandos sont au dépôt, on doit les emmener quotidiennement à leur canton­nement, à leur lieu de travail.
Les anciens prisonniers de guerre français, regroupés en association pensent, du fait de leur captivité passée, avoir le droit de contrôle sur les conditions d’emploi des prisonniers de guerre allemands.
Les conventions signées entre les pouvoirs civil et militaire laissent toute latitude aux municipalités pour leur hébergement : grange, hangar d’usine ou de gare... L’essentiel est que les Allemands puissent être solidement enfermés la nuit et faire leur cuisine sans difficulté. Pour le couchage, aucune indi­cation, seulement qu’il doit être assuré par l’employeur. Une politique du moindre coût est souvent adoptée. Une commune du Loir-et-Cher demande à la préfecture des couver­tures... C’est le général Delmas, commandant de la 5e Région militaire à la préfecture du-Loir et-Cher qui répond : « aucune décision du ministère n’est parvenue à ce sujet et, faute de ressources, il n’est pas possible de fournir aux prisonniers de guerre employés par les autorités civiles les couvertures nécessaires ».
Les communes font de leur mieux mais manquent de tout... Quant à l’habillement, les contrats oublient simplement le fourni­ment des prisonniers. Une note d’information précise seulement que « tout prisonnier de guerre doit être muni d’une paire de sabots aux frais de l’employeur ». En Loir-et-Cher, les consignes relatives à l’habillement sont insi­gnifiantes. Cependant, par mesure de sécu­rité, il est recommandé que les lettres « PG » soient peintes au dos des vestes. À Contres, elles doivent être écrites en rouge sur la veste et avoir 20 cm de haut, et sur le genou du pantalon. Ceci reflète la crainte d’une possible envie d’évasion.
Ainsi le confort, le logement, le couchage, l’habil­lement... ne sont pas, dans l’ensemble, source de préoccupations de la part des autorités. Les textes sont laconiques et engagent à peu de choses. Il n’est pas étonnant alors que l’organi­sation des kommandos, malgré les contrôles, forcément assez sommaires, soit aléatoire.

Les besoins vitaux : la nourriture et l’hygiène
La vie difficile à Cour-Cheverny de 1939 à 1947Ces questions attirent plus d’intérêt : si l’on peut vivre mal logé, mal couché et mal vêtu, ce n’est pas le cas si l’on est mal nourri. Là, une quantité de textes prévoit les conditions... L’employeur fournit l’alimentation mais c’est aux prisonniers qu’incombe la charge de la préparation des aliments, sur le lieu du can­tonnement. Quant à l’hygiène, elle ne fait pas partie des priorités. Pourtant, tout individu ne peut fournir un travail convenable que s’il est bien nourri et soigné... L’hygiène corporelle des prisonniers est entièrement à la charge des employeurs. Lavabos et lavoirs doivent être organisés. Veiller à ce que les prisonniers puissent prendre soin d’eux-mêmes est un minimum pour le respect de la dignité humaine.
Le seul intérêt manifesté concerne les acci­dents du travail, les maladies passant après dans les préoccupations administratives. Les petites blessures et les maladies doivent être traitées sur place, le service de santé militaire fournit à l’employeur une trousse de soins à sa demande, et le recours au médecin de la commune est possible.
À Cour-Cheverny, le kommando des prison­niers de guerre est installé dans un hangar situé au fond de la cour de l’abattoir. Des points d’eau existaient pour permettre les soins d’hygiène et la préparation des repas. Aux dires des rares témoins, le couchage était une paillasse. Le gardien, Marcel Audon, les accompagnait aux Prés Martin pour leur journée de travail qui consistait à extraire les pierres, les casser, les trier, entretenir les chemins vicinaux et ruraux de la commune.

Dès le début de la guerre et pendant toute la durée de l’occupation, les mouvements de Résistance réagissent et s’organisent à Cour- Cheverny, comme partout.
Raymond Casas témoigne (2) :
« Clénord était un secteur important pour les parachutages. En 48 heures, on vit 10 tonnes d’armes « éclatés » entre Cour-Cheverny, Cellettes, Mont-près-Chambord… Trois des libérateurs de la prison de Blois, aidés de deux patriotes, aideront toute une journée un vieux cheval poussif et son tombereau à acheminer une tonne de containers de Clénord à Saint-Dyé-sur-Loire. L’un d’eux, vêtu d’une vieille capote militaire jetée sur les épaules, cachant une mitraillette, est anxieux d’arriver à bon port. L’état du cheval nécessite de nombreux arrêts. La mission terminée, la pauvre bête mourra. Le lendemain, le groupe de Cour-Cheverny achemine deux tombe­reaux vers la ferme de Colombier, dans les bois de Cheverny. Les chevaux sont en bon état et tirent allégrement les lourds contai­ners recouverts de paille. Il y a là Antoine Lelièvre, prisonnier rapatrié, vétéran de 14-18, cultivateur aux Murblins, Rouillard, de Cour- Cheverny, les frères Mollereau de Blois (Bas- Rivière), Raymond Lemaire, le plombier du pays, Georges Château, le boucher, Maurice Besnard, etc. Beaucoup de monde pour si peu de paille. Alerte ! Dans le milieu du bourg de Cour-Cheverny, un groupe de cyclistes allemands double le transport. Deux soldats d’un certain âge et visiblement fatigués s’ac­crochent au dernier tombereau et se laissent tirer pendant quelques minutes. Leurs fusils sont attachés aux cadres des vélos et les deux « Fritz » semblent assez satisfaits de se reposer un instant des servitudes militaires, accrochés à ce charroi pacifique ».

La vie difficile à Cour-Cheverny de 1939 à 1947
Malgré l'occupation et les privations,
la vie continue. Cheverny, 10 avril 1944.
C’est une période difficile de la vie de Cour- Cheverny qui vient d’être évoquée. 75 ans après, rares sont les Courchois qui peuvent en parler, en particulier pour évoquer les réquisi­tions de logement, comme si une honte ou de la culpabilité existait encore pour avoir été obligé de loger l’occupant. Par contre, certains rares anciens se souviennent encore des samedis soirs où, dans un hangar perdu dans la cam­pagne, après avoir tout calfeutré, ils dansaient avec des passionnés de musique de la com­mune, « au nez et à la barbe des Allemands ! ».

Françoise Berrué

Sources
- Mairie de Cour-Cheverny : comptes-rendus des réunions des conseils municipaux de 1935 à 1950.
- Archives départementales du Loir-et-Cher.
- Merci aux Courchois qui ont accepté de faire ressurgir les souvenirs de cette période : Gilbert Desnoues, Marie- Thérèse Génies, Roger Gandon.
- Source INSEE : l’équivalence de la monnaie francs-euros : 100 francs en 1940 correspond à 118,42 F en 1941 ; 142 ,11 Fr en 1942 ; 176,32 Fr en 1943 ; 215,76 Fr en 1944 ; 318,42 Fr en 1945 et 41,36 euros en 2018.
Bibliographie
- Dominique Sommier : Les prisonniers de guerre alle­mands en Loir et Cher 1944-1945. Mémoire de maîtrise. - Université François Rabelais Tour - 1992.
- Lucien Jardel - Louis Casas La Résistance en Loir-et- Cher - Vendôme. Impression 2003.

(1) kommandos : orthographe utilisée dans tous les docu­ments d’époque.
(2) Raymond Casas : Les volontaires de la liberté ou Les F.F.I. du Loir-et-Cher- Jardel-Casas - PUF 1993.

La Grenouille n°46 – Janvier 2020

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