Début de carrière à Cheverny dans les années 60 pour Michel Bourgeois
Mes premiers pas dans la vie active à la CEIC
(Compagnie Electro Industrielle du Centre), la plus importante entreprise
industrielle de Cheverny, dans les années 60.

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Jacky Jollet et Michel Bourgeois |
Nous sommes le premier octobre 1959, c’est un jeudi,
le ciel est bleu. Il est 7 h 45 et le temps est quelque peu frisquet. Je suis
vêtu d’un jean et d’un blouson de drap bleu marine. Mon père m’accompagne pour
ma première journée d’une carrière professionnelle qui va durer 46 ans (dont 35
dans la forêt). J’ai quatorze ans et un mois et demi ; mon père me conduit
jusqu’à l’atelier de tôlerie-chaudronnerie situé au fond de la cour. Je suis
anxieux et impatient à la fois de découvrir le monde du travail. Là, dans le fond
de l’atelier où arrivent également d’autres ouvriers, le contremaître Marceau
nous attend. Mon père me présente, puis après un échange de quelques mots, me
laisse en sa compagnie en me disant : « Bon, et bien à midi ! ». Marceau me
demande alors : « Es-tu venu pour travailler ? ». Interloqué, je réponds : « Euh ! oui monsieur, pour
apprendre ». En fait, je ne savais pas du tout vers quelle activité professionnelle
me diriger à la fin de ma scolarité. Lorsqu’on me demandait : « Qu’est-ce que tu veux
faire plus tard ? » d’un air rêveur, je répondais : « Explorateur ! » J’avais sans doute trop lu Jack
London et James Oliver Curwood. Suite à cette réponse quelque peu fantaisiste,
mon père avait donc choisi pour moi… La CEIC (prononcer : la SEC) était chargée
de la partie technique des fêtes données au château de Cheverny et mon père, en
tant que garde-chasse au service du marquis Philippe de Vibraye, occupait une
fonction lors de ces festivités ; il connaissait donc bien le patron de cette
entreprise, monsieur Roy. C’est ainsi qu’il lui demanda un jour s’il n’avait
pas besoin d’un apprenti électricien. Il avait en effet pensé que c’était un
métier d’avenir et m’en avait informé. Cependant, à cette époque, l’entreprise
ne recrutait pas de personnel dans cette branche. En revanche, le travail ne
manquait pas dans la tôlerie. C’est ainsi que le 1er octobre, j’embauchai comme apprenti
tôlier-chaudronnier.
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Hotte d'aspiration réalisée par les chaudronnier : Michel Bourgeois, Didier Moreau, André Bessé, Jacky Jollet, Marcel Thomasson |
Les trois corps de métiers
René Louis Roy, né à Cour-Cheverny, était le deuxième
enfant de Charles et Henriette (née Petit), qui travaillaient tous deux pour la
famille de Vibraye, lui comme cocher et elle comme cuisinière, et les suivaient
dans leurs différents lieux de résidence (à Paris rue de l’Université et à
Cheverny). C’est ce qui explique que, lorsqu’il créa son entreprise en 1933,
René Roy installa ses ateliers et un bureau à Cheverny dans des bâtiments appartenant
au château. Le siège social était à Paris, rue Michel-Ange dans le 16e arrondissement. C’est en 1956 que « La maison Roy »
fut transformée en S.A. sous le sigle C.E.I.C. Cette société présentait alors
trois corps de métiers : les plombiers-chauffagistes (contremaître : Pierre
Ravelli), les électriciensbâtiment (contremaître : Maxime Brunaud) et les
tôliers-chaudronniers (contremaître : Marceau Beaufils).
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Jacky Jollet, Pierre Perdoux, Michel Bourgeois, Norbert Venon, Didier Moreau : fabrication d'une citerne de 10 000 litres |
Chaque corps de métier employait entre 6 et 8 ouvriers
et apprentis. La cour, encore visible aujourd’hui face à la place de l’église,
donnait accès aux bâtiments dévolus à chaque activité. Face à l’entrée, se
trouvait le bâtiment des plombiers-chauffagistes où étaient entreposés divers
matériels et un magasin de fournitures spécifiques. Les ouvriers, en dehors de
la préparation des départs sur les chantiers, étaient absents dans la journée, voire
même toute la semaine. Au-dessus du magasin des plombiers se trouvait
l’ateliermagasin des électriciens : entrepôt de petites fournitures électriques
et remise de matériels spécifiques à la profession. Comme pour leurs voisins du
dessous, le départ des électriciens vers les divers chantiers laissait ces
bâtiments vides dans la journée, et parfois pour plusieurs jours. L’atelier des
tôliers-chaudronniers se situait au fond de la cour. Aujourd’hui, le bâtiment a
été rasé et l’emplacement est occupé par la billetterie du château. D’autres
hangars aux toits translucides complétaient ce bâtiment, et couvraient une
partie de la cour audelà du puits encore visible de nos jours dans la cour du
restaurant le Grand Chancelier. Dans cet atelier affecté à la fabrication, les établis,
équipés de leurs étaux et d’une grosse chignole sur bâti, occupaient deux côtés
du bâtiment. Sous ces établis, de nombreux tiroirs servaient de rangement aux
marteaux et autres petits matériels de mesure et de traçage. Sur le mur du
fond, des étagères supportaient diverses machines électriques portables. Le
reste de l’espace était affecté aux grosses machines-outils : plieuse, rouleuse
et massicot. Entre ces machines, trônaient les grandes tables à tracer,
chapeautées d’une épaisse tôle sur laquelle on pouvait taper. D’autres machines
étaient disposées sous l’annexe au toit translucide. En cet atelier, les ouvriers
y étaient à demeure. Cependant, parfois, quelques déplacements en appui aux équipes
parisiennes nous étaient demandés. Le reliquat de la cour était réservé au
stationnement des divers véhicules d’époque : des Peugeot 203 camionnettes
bâchées et un camion Citroën, pour le transport des gaines de ventilation et
des citernes sur les chantiers.
Le personnel et la hiérarchie
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André Bessé, Jacky Jollet, Jean-Claude Touchain, Claude Girardeau, Jean Descombes, Michel Bourgeois : fabrication de gaines de ventilation complexes |
La main-d’oeuvre était locale. L’année de mon embauche,
en 1959, dans l’atelier des tôliers, nous étions tous relativement jeunes. À 14
ans, en qualité de dernier embauché, j’étais « l’arpette ». Il y avait aussi
(certains se reconnaîtront…) : Didier Moreau, 16 ans, aide tôlier ; Marcel
Thomasson, 17 ans, compagnon ; Jacky Jollet, 19 ans, ouvrier ; André Bessé, à peine
30 ans, ouvrier qualifié. Le plus âgé était Marceau Beaufils, à peine plus de
40 ans, ouvrier hautement qualifié, qui faisait office de contremaître. Le
travail ne manquait pas, les journées et les semaines me semblaient longues. 9
heures par jour, 6 jours par semaine et les années suivantes 10 heures et même,
pendant quelques temps, jusqu'à 11 heures par jour avec un samedi libre de
temps en temps. L’arpette était chargé des tâches les plus variées… : il
approvisionnait les ouvriers en cigarettes, et en boissons diverses. Il était
aussi chargé d’aller quérir les casse-croûtes et le journal. Les allers-retours
au bistro de Martial Leveau et chez madame Cayron, l’épicière, étaient fréquents.
L’arpette, à chaque fin de journée, devait balayer l’atelier et ranger les
outils, parfois aidé des ouvriers. Entre-temps, il aidait les uns et les autres
en fonction des besoins. Ainsi, il apprenait à tracer et à couper les tôles. Dès
qu’il le pouvait, il chaussait les lunettes à souder afin de comprendre le
principe de la soudure autogène. Voir le dard de la flamme du chalumeau
effleurer le métal en fusion alors qu’il se mélangeait à celui de la baguette à
souder était fascinant. L’arpette aidait aussi à la plieuse, à la rouleuse et
au massicot pour la coupe des grandes tôles. L’hiver, c’est lui qui allumait et
approvisionnait le gros poêle à charbon et qui mettait de l’eau à chauffer pour
le lavage des mains. Je ressens encore l’odeur agréable de ce savon pâteux qui
nous libérait de cette huile tenace. Souvent, il servait aussi de désinfectant
aux nombreuses coupures que les tôles nous infligeaient aux mains. Nous
n’avions pas de gants de protection, hormis pour la soudure à l’arc.
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Jacky Jollet, Pierre perdoux, Jacques Godet, Norbert Venon, Didier Moreau, Michel Bourgeois, Marceau Beaufils |
La seconde année, l’embauche d’un nouvel apprenti me
libéra des tâches de l’arpette. Ainsi, je fus promu aide tôlier. D’autres embauches
vinrent compléter l’effectif de l’atelier. Dès 1960, je vis arriver Jean
Descombes et plus tard, Claude Girardeau, deux camarades d’école. Puis, pour
pallier des départs sous les drapeaux et cette guerre d’Algérie finissante, sont
arrivés Jean-Claude Touchain, puis Yvon Marchand, eux aussi tout juste sortis
de l’école ou d’apprentissage. Et, un ou deux ans plus tard, Michel Sauger et
Pierre Guy vinrent compléter l’effectif. Enfin, dans les dernières années,
quelques ouvriers dont j’ai oublié les noms et qui venaient de Blois ou
d’ailleurs. L’ensemble du personnel était de ce fait relativement jeune et à
une certaine époque, l’entreprise comptait en tout environ 25 employés. Quand
le tintamarre des marteaux et des diverses machines cessait, ça sifflait et
chantait dans tous les coins. Ce qui avait fait dire à notre patron, monsieur
Roy, lors d’une visite en atelier : « C’est pas des clowns et des chanteurs que
je veux, c’est des tôliers ! ». À part cela, il nous appelait « ses petits amis
! » En fait, il était assez paternaliste. Il nous le prouva par un acte sympa
qui reste gravé en ma mémoire. En mai 1961, lorsqu’il maria sa fille Anne-Marie
à M. Jacques Lamare, il invita l’ensemble de ses ouvriers à un repas de noces
au restaurant des Trois Marchands. C’était bien évidemment la première fois que
le gamin de 16 ans que j’étais mettait les pieds dans un établissement de ce
standing. Les nombreux toasts que nous adressions aux jeunes mariés mirent une
ambiance bon enfant. Les convives, des gars du bâtiment, furent rapidement «
chauds ». En fin de repas, quelques chanteurs fortement sollicités se laissèrent
convaincre. J’entends encore l’ami Christian Ragot, qui avait rejoint les
plombiers à l’époque, nous interpréter la chanson à la mode en ce printemps :
Dalida en était l’interprète, où il était question d’un mini bikini rouge et
jaune à petits pois !...
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G à D: Didier Moreau, Jacky Jollet, André Bessé, Marcel Thomasson, Michel Bourgeois, et Maxime Brunaud. |
La noce est finie, reprise du boulot dès le lundi… En
ce début des années soixante, il y avait de l’animation sur la place de
l’église de Cheverny à l’heure de l’embauche. On arrivait de partout ; les plus
proches déboulaient en vélo, d’autres en mobylette… On comptait également une
ou deux motos et scooters et quelques rares voitures. Parfois, le midi, ceux qui
arrivaient tôt ou qui déjeunaient sur place entamaient un match de foot en
attendant que la cloche du château sonne l’heure de la reprise. Jacky Jollet
sortait un ballon de sa C4 et aussitôt tôliers, plombiers et électriciens
tapaient dans le ballon. Deux tilleuls servaient de buts face à l’esplanade où
la terrasse du café n’existait pas et où les touristes étaient bien moins
nombreux qu’aujourd’hui. En fait, il y avait beaucoup de sportifs à cette
époque dans ce monde ouvrier. De nombreux collègues jouaient au football : Jacky
Jollet et Jean Descombes défendaient les couleurs de Cormeray après que Jean
ait porté celles de Cheverny, Pierre Ogorzelec était le buteur de
Mur-de-Sologne ; Christian Brunaud, Jean-Claude Touchain, Claude Girardeau,
Yvon Marchand et moi-même défendions les couleurs de l’ESCCC. Le vélo était
aussi pratiqué en compétition. J’ai recensé, parmi les anciens : Maurice
Blanchet, Robert Blateau, les trois frères Beaufils (Marceau, Hubert et
Bernard), licenciés à l’ESCC et, les plus jeunes, dont je faisais partie, avec Michel
Sauger et Jean- Claude Dubois, licenciés à l’AAJB. Soit, pas moins de huit
coureurs cyclistes, dont trois en activité. Dans le contexte de l’époque, ces deux
sports étaient les plus pratiqués. Peu d’autres sports étaient proposés dans
les clubs. Par ailleurs, nous avions également deux sapeurs-pompiers
volontaires parmi les tôliers. Je revois encore, dès que la sirène de
Cour-Cheverny avait délivré son message, André Bessé et Pierrot Guy tomber les
outils et se précipiter vers la caserne.
La production en tôlerie chaudronnerie
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Une équipe de la CEIC sur un chantier |
Au départ, dans les années cinquante, l’activité était
plus axée sur la fumisterie. Par la suite, l’activité s’orienta vers des gaines
de ventilation. Les tôles utilisées alors étaient dites « tôles noires », c’est-à-dire
enduites d’un film d’huile de protection contre la rouille. Il fallait voir,
lors des soudures, les volutes de fumée bleutées que faisait l’huile en brûlant
sous la flamme du chalumeau ! L’odeur âcre de cette fumée s’imprégnait dans nos
vêtements et les résidus de combustion maculaient nos mains et nos bleus de
travail. Parfois, en fin de journée nous avions l’allure de mineurs de fond
!... Au cours des années soixante, l’entreprise se modernisa, de nouvelles
machines permirent la jonction des tôles par un procédé américain appelé «
lock-former ». Après le passage à la plieuse, les éléments de gaine de
ventilation étaient fermés par emboîtement à l’aide d’un maillet. Cette
évolution a eu deux répercussions heureuses pour nous : l’utilisation de la tôle
galvanisée, beaucoup moins salissante ; la seconde, de ce fait, finies les
longues séances de soudure. Parallèlement à cette activité principale, de temps
en temps, nous avions un chantier de grosse chaudronnerie à effectuer. Nous
fabriquions aussi des citernes à fioul. La tôle utilisée pour une citerne de 10
000 litres faisait cinq millimètres d’épaisseur. La coupe et le passage à la
rouleuse des tôles faisaient appel au trois-quarts de l’effectif de l’atelier.
Il s’agissait alors d’un vrai travail d’équipe. La soudure à l’arc de
l’ensemble des différents éléments et des fonds se faisait par un soudeur et un
aide. La pollution sonore qu’engendraient les coups de marteaux lors des
différentes phases d’assemblages était subie par l’ensemble des ouvriers, et les
soudeurs étaient directement affectés par les fumées dégagées par les
électrodes en fusion. Ces travaux étaient relativement pénibles. Mais il nous
arrivait parfois de réaliser des tâches plus agréables. Nous pouvions tout
faire à la CEIC.
Les travaux annexes et les préparations des fêtes
du château
Ainsi, nous allions parfois en renfort auprès de nos
collègues électriciens, notamment pour divers travaux dans le parc du château
de Cheverny. Quelquefois, nous avions la visite en nos ateliers du régisseur :
M. de Berthier et plus tard de M. de Sigalas, venant nous informer qu’une tonte
du gazon était programmée pour le lendemain. Aussitôt, la dépose et la remise
en place des balisages étaient organisées, et les volontaires ne manquaient pas
!... Il s’agissait de guirlandes qui illuminaient les bordures du gazon. Ces
petites lampes coiffées d’un chapeau en guise d’abat-jour étaient disposées de
la grille d’honneur jusqu’au pied du château. Aussi, à chaque tonte, il fallait
les enlever puis les remettre en place dès le travail fini. Un alignement
impeccable était demandé. Pour cela, deux ouvriers étaient nécessaires : un en
bout de ligne qui, à genou, visait, tandis que l’autre rectifiait l’alignement des
lampes. Dès l’automne venu, il fallait retirer ces guirlandes que nous
stockions dans une pièce de l’orangerie. Cette dernière était affectée à
l’époque à l’entrepôt de divers matériels : vieux meubles, torchères de la curée
aux flambeaux, rouleaux de câbles, projecteurs, tubes et piquets divers, etc.
Le château confiait aussi à la CEIC la préparation technique des fêtes et
réceptions diverses.
Les curées aux flambeaux
Celles-ci étaient plutôt orchestrées par les
électriciens, auprès desquels les tôliers venaient en appui à la préparation. Elles
se déroulaient dans l’espace dégagé situé entre le château et la pièce d’eau.
Notre travail consistait à mettre en place, sur une aire circulaire d’environ 25
à 30 m de diamètre, une couronne de torchères fabriquées dans notre atelier.
Elles faisaient office de flambeaux en délimitant un espace autour duquel se
rassemblait le public. Au centre de cette aire, se déroulait la curée, point
d’orgue du spectacle. À la tombée de la nuit, la mise à feu des flambeaux était
déclenchée électriquement à l’heure H par un collègue électricien. Les flammes
illuminaient alors la scène et cela durait tout le temps du spectacle. Des
projecteurs dans les arbres voisins complétaient le dispositif d’éclairage. L’histoire,
comptée par un comédien à la voix bien timbrée, relayée par des hauts parleurs,
résonnait dans les sous-bois tout proches. Elle relatait le déroulement d’une
journée de chasse à courre. Des sonneurs de trompe en tenue d’apparat
ponctuaient chaque phase du récit par la sonnerie appropriée à l’événement. Ainsi,
la journée de chasse était mise en paroles et en musique, de la sortie du
chenil jusqu’à la fin de la chasse. On pouvait entendre, entre autres : le
lancé, le bien-aller, le débuché, le bat-l’eau, la vue, l’hallali, le rappel,
etc.(1), et bien entendu en début et en
fin de spectacle : « La Saint Hubert » et « La Vibraye ». En général, deux groupes
de sonneurs, d’environ six trompes, se répondaient. J’ai en mémoire une fête où
les sonneurs se donnaient la réplique à partir des clochetons situés sur les
dômes du château. Les tenues rouges sous les projecteurs étaient du plus bel
effet et le son portait très loin dans les sous-bois du parc. La fin du
spectacle voyait arriver les chiens tenus en respect par le piqueux.
Impatients, ils attendaient l’ordre libérateur afin de se précipiter sur leur
récompense. Celle-ci, cachée sous la peau et la tête naturalisées d’un cerf
était dévorée non sans quelques disputes et aboiements rageurs.
Les spectacles et ballets donnés sur la pièce
d’eau
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Concert nocturne de trompes de chasse sur la pièce d'eau |
Au début des années soixante, de somptueux spectacles
étaient donnés sur la scène de la pièce d’eau. Celle-ci, posée sur pilotis,
était installée au milieu de la retenue d’eau du Courpin, ce ruisseau qui prend
sa source à la queue de l’étang de la Rousselière et vient se jeter dans le
Conon à la sortie du parc du château. Avec quelques collègues, j’ai participé
avec plaisir à la préparation technique de ces manifestations artistiques. J’ai
pu de ce fait assister, entre autres, à « La mort du cygne », ballet produit sur
cette scène (on peut remarquer aujourd’hui, qu’avant de mourir, il a bien
assuré sa descendance !..). Notre travail consistait à préparer des effets
pyrotechniques : la mise en place des feux de bengale et des fumigènes colorés.
Les premiers étaient disposés dans des tubes plantés dans la rivière, côté
scène ; les seconds installés en sous-bois derrière la scène. J’adorais conduire
la barque qui permettait l’approche de chaque tube. L’opérateur installait et
branchait le feu de bengale en raccordant le détonateur aux fils électriques.
Ensuite, on coiffait le tout d’un film étanche en cas de pluie. La même
opération était réalisée dans les sous-bois concernant les fumigènes. Les électriciens
déclenchaient les mises à feu à partir du poste de commandement, installé dans
l’un des deux bâtiments en bois, sous les frondaisons, juste derrière la
passerelle menant sur la scène. L’autre bâtiment servait de loge aux artistes,
aux danseurs et à leur staff. Les éclairages et les mises à feu étaient commandés
manuellement, en fonction du déroulement du programme ; l’informatique n’existait
pas, alors on s’adaptait !... La fin du spectacle était ponctuée par une
explosion de lumière des feux de bengale, aussitôt suivie par l’embrasement des
sous-bois. Les fumigènes « incendiaient » de rouge et de vert le sous-étage des
trembles et des cyprès chauves qui bordaient la rivière. Une musique appropriée
accompagnait ces lumières mourantes du plus bel effet. Alors que la magie prenait
fin, quelques projecteurs se rallumaient afin de guider les spectateurs encore éblouis.
Tandis qu’ils se retiraient lentement, comme à regret, nous percevions des
commentaires plutôt flatteurs, dont nous prenions une modeste part.
L’appel de la forêt est plus fort
Les années passèrent… Après le service militaire, le
mariage et la naissance d’un premier enfant, j’envisageai l’avenir
différemment... Dès 1969, la forêt que j’avais quittée pour habiter à
Cour-Cheverny me manquait. Je décidai, avec l’accord de mon épouse, de reprendre
des études pour apprendre un autre métier. J’entrepris donc des études de
technicien forestier, tout en travaillant à la CEIC, par des cours par
correspondance (dur, dur !). Dès fin 1972, diplôme en poche, je trouvai un emploi
dans le département du Cher, dans un grand domaine agricole et forestier.
La CEIC connut des difficultés, le deuxième choc
pétrolier accentua le malaise. Elle ferma ses portes à l’automne 1977, laissant
ses derniers employés partir vers d’autres horizons, ses bâtiments à l’abandon
et le village de Cheverny orphelin d’un de ses plus importants employeurs.
Merci à Véronique Lamare, petite-fille de M.
Roy, et à Michel Beaufils pour leurs documents et leurs témoignages.
(1) Voir l’article « La
vénerie » dans La Grenouille n° 33 et/ ou dans le livre « Les grandes heures de
Cheverny et Cour- Cheverny en Loir-et-Cher... et nos petites histoires ».
Michel Bourgeois – La Grenouille n°44 – Juillet
2019
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