La prise de La Bastille et la transformation des États généraux en Assemblée nationale, entraînent en cette fin d’année 1789, beaucoup de tensions sur notre département. C’est dans un climat très tendu que se développe ce qu’on nomma “la grande peur”, suite à des incidents et des règlements de comptes dans les villes de Vendôme, Romorantin, Mer, Saint- Aignan, etc.
Cependant, les réformes se mettent en marche et le département
de Loir-et-Cher est créé en février 1790, avec l’élection des responsables des
nouvelles administrations. Une légère stabilité s’installe et la forêt de Russy
reçoit, le 1er juillet 1790, la
fête de la Fédération pour célébrer cette accalmie.
Une des principales
préoccupations des autorités sont “les Subsistances”. Une pétition circule
alors, qui proclame que “les sans-culottes exigent du pain, des armes et des
lois populaires”. Il est donc décidé que, dans cette période de disette, on
doit réorganiser complètement la production de blé.
Une loi ordonne donc :
- le déssèchement des étangs
- l’extension de la culture de la pomme de terre
- de limiter la viticulture, quitte à arracher des vignes.
Un
exemple parmi tant d’autres : le comte Dufort de Cheverny dînait un soir en son
château avec M. et Mme Cellier, receveur des Tailles de Blois et du district.
Cette place était très convoitée par un certain Gidouin, marchand de toiles à
Blois, qui monta de toute pièce un plan machiavélique contre M. Cellier. Il
l’accusa à la tribune des Jacobins, d’avoir volé 3 millions et de lui en avoir
donné un pour le prix de son silence. Il l’accusa aussi d’entretenir des liens
de commerce avec Mme Dayrell, une “émigrée” anglaise mariée avec M. de Clénord.
Durant ce dîner, une servante vint prévenir le comte Dufort et M. Cellier, que
le district et le département avaient fait “une descente” chez ce dernier et
qu’ils avaient laissés des sentinelles autour de chez lui. M. Cellier, fort de
son bon droit et sans inquiétude, s’en retourne à son domicile. On lui signifie
la confiscation de ses biens et sa mise en arrestation chez lui, avec deux
gardes à nourrir. Si tout le monde était certain qu’il n’y avait aucune malversation
dans les comptes de M. Cellier, la cabale qui l’avait calomnié pour s’emparer
de sa place était alimentée par une poignée de “révolutionnaires” locaux, amis
de Gidouin, dont le coiffeur de Mme Dufort, un nommé Chevalier.
Le notaire de Mme
Dayrell de Clénord fut perquisitionné. On “le fit parler” pour qu’il accuse
Cellier de comploter contre la Révolution. Quelques actes notariés enterrés opportunément
sous un cep de vigne à Clénord, suffisent aux intriguants pour annoncer la
“preuve” des malversations de Cellier, Mme Dayrell et Jousselin, le notaire.
À
la faveur de la nuit et après avoir copieusement fait boire les deux gendarmes
qui gardaient Cellier chez lui, ses amis le firent s’enfuir à La- Chaussée-Saint-Victor,
et le menèrent chez M. Leyridon, président du directoire du district de Blois et
voisin de son beau-père.
Il est cependant repéré quelques jours plus tard par
une bande de coquins à l’affût de tout. Un dénommé Fouchard lui passe la corde
au cou et fait mine de lui couper la tête avec son sabre. Le malheureux Cellier
fut montré en spectacle au peuple sur les quais de Loire et dans les rues de
Blois, suivi par la Garde nationale et une partie des canailles impliquées dans
ce complot sordide.
Le comte Dufort, témoin de ce fâcheux spectacle, s’enfuit
vers Cheverny, sentant que la ville de Blois n’était plus tenable et que le
club des Jacobins, qu’il était censé fédérer, n’était fréquenté que par des enragés
qui n’avaient comme objectifs que l’anarchie et l’enrichissement personnel.
A suivre ...
A suivre ...
Sources :
- “Les Chanceliers
de Cheverny”, par le comte Henri de Vibraye, éditions Émile Hazan
- “Mémoires du
Comte Dufort de Cheverny : La Révolution”, éditions Plon, 1909
- “La terre de
Cheverny”, par Paul de Vibraye, éditions Lecesne, Blois 1866
- “Le Loir-et-Cher
de la préhistoire à nos jours”, par Croubois, Denis, Loisel, Sauvage,
Vassort, éditions Bordessoules, 1985
Le Colvert - La Grenouille n°6 - Janvier 2010
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