Le Comte Dufort se trouve donc enfermé aux Carmélites de Blois où il retrouve l’Abbé Boutault, principal du collège de Blois, le Prieur de Cour-Cheverny et un vieil ami, le Marquis de Rancogne.
Les premières semaines d’incarcération
sont pénibles car nul ne sait le sort qui va lui être réservé. La malheureuse épouse
du Comte Dufort fait le maximum pour leur apporter un peu de confort de vie,
par des visites, en payant les gardiens. Elle réussit un jour à rencontrer le
fameux Hezine et son compatriote Duliepvre qui lui confirment qu’on attend les
ordres du Tribunal Révolutionnaire de Paris pour récupérer tous leurs biens. En
rentrant chez elle, elle est rattrapée par Duliepvre qui lui dit qu’il allait
lui confier un secret : Hezine a donné l’ordre de poser des scellés sur la cave
du château.
Quand ces renégats viennent ensuite au domaine et tentent
d’accomplir leur basse besogne, le sommelier et les serviteurs réussissent à
mettre en déroute Duliepvre et sa soif non étanchée. La nuit suivante, on fait
évacuer sur la Maison de Blois, toutes les bonnes bouteilles de la cave du
château.
Mais des choses plus graves sont en préparation : des trois
départements de l’est de la France arrivent des convois entiers de prêtres,
chanoines et autres ; certains arrivent aux Carmélites de Blois à pied,
d’autres dans des charrettes, transportés comme des veaux ! Ils dorment dans la
paille et repartent à la pointe du jour en laissant sur les murs de leurs
dortoirs la date de leur passage, leur nombre et le nom du député qui les fait assassiner.
Chaque jour apporte son lot de nouveaux prisonniers.
Le Comité de Salut Public
fait transférer tous les prisonniers de Pontlevoy aux Carmélites dont le chef
des colonies, Jean Batiste du Buc, intendant des Indes, âgé de 78 ans ; aussi, Monsieur
Dinocheau, ancien avocat de l’Assemblée Constituante nommé 1er juge criminel du
département et procureur de la ville de Blois. Cet homme avait eu le courage de
plaider bien des fois la cause des citoyens contre les Jacobins. Il avait
empêché, par sa fermeté, de laisser les clubs et les troupes révolutionnaires
qui se rendaient en Vendée, de massacrer les meilleurs habitants de la ville !
Il est donc traîné de prison en prison, Carmélites, Ursulines à Orléans, Pontlevoy
et retour aux Carmélites !
Les arrestations redoublent, on incarcère
impitoyablement tous ceux qui n’ont pas de cocardes. Le 8 juin 1794 a lieu à
Blois, comme à Paris, la “Fête de l’Etre Suprême” qui se déroule sur ce
que l’on appelle “le pâté de Gaston” (sur le côté du château et nommé
aujourd’hui “La butte des Capucins”). Le Comte Dufort y assiste du haut
du grenier de sa prison et c’est à cette date précise qu’il fait pleinement
connaissance avec M. du Buc, homme de grande culture et d’expérience politique
qui attribue tous les maux de la Révolution aux oeuvres qui sont entre les
mains du Peuple. Il n’épargne ni les encyclopédistes, ni les économistes, ni
Rousseau, ni Montesquieu et encore moins l’Église et la Royauté.
À cette même
époque, Robespierre fait nommer un certain Desmaillot en tant que Commissaire du
pouvoir exécutif entre Paris et Blois. L’épouse du Comte Dufort tente, à
travers cet homme, de le faire libérer, ainsi que son ami Rancogne, mais rien
n’y fait ! Desmaillot rencontre et écoute le procureur Hezine et tous ceux du
Comité Révolutionnaire pendant huit jours. À l’issue de ces entretiens, il fait
emprisonner Hezine, Arnaud et Velu.
Hezine est arrêté à Chambord par deux
gendarmes pendant son sommeil ! À cinq heures du matin, la rue des Carmélites
grouille de monde qui veut voir sortir de prison Hezine et tous ses enragés qui
vont être jugés. Tout le monde applaudit quand on les enferme dans la carriole
; les mariniers, sur les quais, parient que l’on ramènerait la tête d’hezine
dans moins de huit jours. Les Jacobins se taisent. Les honnêtes gens reprennent
alors courage.
Quant aux habitants de Cour et de Cheverny, ils veulent se lever
en masse pour faire libérer le Comte Dufort et M. de Rancogne. Cependant, le
Compte Dufort s’y oppose en raison des conséquences que Robespierre avait déjà
mises en oeuvre dans des circonstances équivalentes. Ce qui marque alors le
plus le Comte Dufort, en cette période, est le zèle de beaucoup d’habitants de
Cour et de Cheverny qui lui rendent visite régulièrement à la prison. Il en est
très touché et consolé après avoir vu démonter les grilles et les ferronneries
de son château, réquisitionnées par la ville de Blois.
Sources :
- “Les Chanceliers
de Cheverny”, par le comte Henri de Vibraye, éditions Émile Hazan
- “Mémoires du
Comte Dufort de Cheverny : La Révolution”, éditions Plon, 1909
- “La terre de
Cheverny”, par Paul de Vibraye, éditions Lecesne, Blois 1866
- “Le Loir-et-Cher
de la préhistoire à nos jours”, par Croubois, Denis, Loisel, Sauvage,
Vassort, éditions Bordessoules, 1985
Le Colvert - La Grenouille n°12 - Juillet 2011
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