La famille Poisson, charpentiers de père en fils

La famille Poisson, charpentiers de père en fils à Cour-Cheverny de 1905 à 2009

La famille Poisson, charpentiers de père en fils à Cour-Cheverny de 1905 à 2009
Le livret d'ouvrier d'Alphonse Aristide Poisson,
charpentier daté du 11 juillet 1896 et
validé par le maire de Chouzy-sur-Cisse

La famille Poisson vivait à Chouzy-sur- Cisse. Le père était maçon. Il avait 5 en­fants, 3 garçons et 2 filles. Alphonse Aristide, né le 30 novembre 1879, était le père de Maurice (1909-1998) et de André (1913-1998). Il était aussi le grand-père d’Annette, née en 1935 et de Jean, né en 1949. 
Alphonse Aristide part faire le tour de France des Compagnons en mai 1896 à l’âge de 17 ans, jusqu’en mai 1905, pour apprendre le métier de charpentier. Cet apprentissage est cependant interrompu par son service militaire qu’il effectue de septembre 1900 à mars 1904.

La famille Poisson, charpentiers de père en fils à Cour-Cheverny de 1905 à 2009
La famille Poisson, endimanchée, au bord du Conon. 
À l’arrière, le pont de Chantreuil. 4ème personne à partir
de la gauche, Renée, André, Alphonse et Maurice.

Le livret d’ouvrier (loi du 22 juin 1854)
Les ouvriers de l’un ou l’autre sexe attachés aux manufactures, fabriques, usines, mines, carrières, chantiers, ateliers sont tenus de se munir d’un livret d’ouvrier délivré par le maire. L’employeur doit, au moment où il reçoit l’ouvrier, inscrire la date de son entrée dans l’entreprise sur son livret. Il transcrit sur un registre le nom et le domicile du chef d’éta­blissement qui l’a employé précédemment. À l’issue de son stage, l’employeur inscrit sur le livret la date de sortie de l’ouvrier et l’acquis des engagements. Dans tous les cas, il n’est fait sur le livret aucune annotation favorable ou défavorable à l’ouvrier. Le livret est visé par le maire de chaque commune où l’ouvrier est amené à travailler.


La famille Poisson, charpentiers de père en fils à Cour-Cheverny de 1905 à 2009
L’entreprise de charpente Poisson-Clamet à
Cour-Cheverny (1907). Alphonse Poisson, au premier plan.
L’arrivée à Cour-Cheverny
Après sa période de formation, Alphonse se fait embaucher comme ouvrier charpentier chez M. Clamet, rue Fourché, à Cour-Chever­ny. La poésie et la fraîcheur du Conon ne suf­fisent pas à calmer la flamme qu’Alphonse finit par déclarer à Renée, la fille de son patron. Il l’épouse...

Son fils Maurice prend la suite de son père en 1935, année où il se marie, le 31 juillet, avec Mariette Auger. Les beaux frères, Alphonse Poisson et Raymond Clamet (frère de Renée) ne s’entendaient guère. Ils se séparèrent rapi­dement pour créer deux entreprises distinctes. Il en fut de même avec leurs enfants, Maurice Poisson et Pierre Clamet, qui étaient cousins et charpentiers tous deux à Cour-Cheverny.
Les deux familles habitèrent longtemps rue Fourché, la dernière maison à étage, à gauche, juste avant la rivière. Ils habitèrent un peu plus tard en face de l’hôtel des Voyageurs, une mai­son jouxtant le cabinet du docteur Benoistel

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De g. à dr. Alphonse, Renée, 
André (au banjo), Maurice, en août 1931
La guerre est déclarée
Le 18 juin 1940, jour de l’appel de de Gaulle, Alphonse et Renée, pressentant l’arrivée imminente des Allemands à Cour-Cheverny, écrivent une lettre à leurs enfants.
« Mes chers enfants,
En cas d’accident, vous trouverez les outils à main et courroies, etc. sous l’épure de l’esca­lier au chantier. Enlevez 2 ou 3 planches auprès de la scie à ruban, passez les mains entre 2 lambourdes, poulies de chèvres (1), etc. sous le casier, pointes, sucre, conserves, etc. Hangar bois sur la noue en zinc à côté du vieux chantier, tout ça est caché. Cordages, etc. sous les ardoises à côté de la cave, banjo, accordéon à gauche dans un sac grenier. Ou­tils de jardinage, vin, derrière vieilles ardoises descente de cave, bicyclette grenier de la grande maison, grenier parqueté au long des murs à gauche. Cadre, roues pas à côté, sous débris pièces moto à Nénette. Sous l’escalier de la maison, dans le fond un peu d’argente­rie divers dans le trou où on avait enlevé les pierres. Les Allemands arrivent, nous restons. Si j’ai le temps, les valeurs seront dans le pou­lailler sous les pigeonniers par terre, la caisse à lapins serait dessus. La carabine dans les greniers au-dessus de la cuisine derrière les vieilles croisées, notre argent et bons est sur nous. Le livret d’André est dans les titres avec les nôtres.
Vous pensant en bonne santé mes chers petits, nous vous embrassons de tout notre cœur.
Votre père et mère qui vous aiment
Alphonse et Renée ».

Durant la guerre, Maurice Poisson est fait prisonnier et détenu en captivité en Alle­magne pendant 4 ans

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Maurice Poisson,prisonnier en Allemagne (1942)
À son retour de captivité, Maurice reprend l’activité de l’entreprise de charpente, qui était plutôt florissante, surtout grâce à la demande importante de constructions de hangars avec des charpentes en bois (la construction métal­lique viendra longtemps après). La construc­tion de pressoirs pour les vignerons locaux commençait à se développer, complétée par la réalisation d’escaliers et de cercueils...

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La famille Poisson en juin 1948.
Maurice, à gauche avec le béret.

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Construction d'un hangar par l'entreprise Poisson
L’accident
Le métier de charpentier comportait des risques. Maurice frôla la mort dans les an­nées 60, lorsqu’il tomba d’un toit de la ferme de la famille Gandon, à La Béchardière. Son état était critique. Une collecte de sang pour « sauver Maurice » a été organisée à Cour- Cheverny par Roger Duceau, capitaine des pompiers, et Gérald Poirier, directeur de la vinicole. Il s’en suivit une amitié très forte entre ces 3 hommes.
Une fois tiré d’affaire, Maurice, pour remer­cier tous les donneurs de sang, organisa une grande fête dans sa maison de la rue Martinet.
Patrice Duceau, (fils de Roger), se souvient : « Maurice Poisson était très impliqué dans la vie locale : à la Lyre de Cheverny/Cour-Che­verny, il faisait partie, comme mon père, du corps des pompiers et était conseiller munici­pal. Comme ils étaient "forts en gueule" tous les deux, je me souviens de leurs engueulades mémorables après les réunions du Conseil municipal. Maurice traitait mon père de "con" et ce dernier de lui répondre : "ça ne décharge pas ta charrette !.. Viens boire un coup à la maison...".

Une méthode de séduction d’un autre temps
P. D. : « Quelques années après son accident, Maurice, la casquette sur le coin de l’oreille et la cigarette au coin du bec, racontait sa vie dans le bourg de Cour-Cheverny à un groupe de femmes qui faisaient leurs courses. Il n’était pas rare qu’il remonte sa chemise jusqu’au menton pour montrer sa cicatrice en "L" qui couvrait tout son thorax ».
Jean Poisson, né en 1949, succède à Mau­rice, son père, en 1976, après avoir suivi des études de charpentier à Orléans. Jean, à l’inverse de son père, est un homme très réservé. Il traversa sa vie professionnelle avec la rigueur d’un chef d’entreprise responsable. Il cède son entreprise à Laurent Girardeau en 2009. Jean s’impliquait beaucoup dans le secteur associatif local. Dans les années 90, sa passion pour les cibistes lui fit passer quelques nuits blanches. Puis il s’impliqua, avec d’autres amis de Patrice Duceau tels les couples Delebecque, Jousselin, Loth... pendant une douzaine d’années aux Rallyes des Trois Châteaux (2). Jean fut président de 1995 à 2008, de l’association VBR (Vélo entre bruyère et roseaux). Il était aussi de la partie au festival Jazz’in Cheverny, à la fête des ven­danges et au club de marche.

La famille Poisson, charpentiers de père en fils à Cour-Cheverny de 1905 à 2009
Les jolies vacances
P. D. : « À l’époque où j’étais enfant de choeur du temps de l’abbé Tertre, Jean Poisson ne ser­vait pas la messe, mais n’était pas le dernier à faire des farces. Nous chassions, pendant les vacances scolaires, un gibier rare : les "chave­niaux". Nous persuadions quelques copains parisiens de l’existence de cet animal étrange que nous savions comment capturer à coup sûr... Ces oiseaux vivaient dans le grenier. Mais comme ils ne volent pas la nuit, si on leur fait peur en les poussant hors du grenier, ils tombe­ront comme des fruits mûrs sur le sol de la cour. Le piège à chaveniaux consiste donc à pos­ter plusieurs de nos copains parisiens munis de sacs à pommes de terre devant la porte du garage en leur disant : "Ouvrez grand vos sacs et tenez les bien ! Jean et moi montons au grenier pour effrayer les chaveniaux". Nous avions préparé des seaux d’eau en attente dans le grenier. Puis en criant "Attention, ils arrivent !", les parisiens prenaient quelques dizaines de litres d’eau sur la tête ».

P. D.  

Merci à Jean Poisson pour sa collaboration active.
(1) Poulie de chèvre : la chèvre est un appareil de levage.

(2) Le Rallye de Cheverny, initié en 1992, s’appellera plus tard « Rallye des Trois Châteaux » et « Rallye Coeur de France »

La Grenouille n°52 - juillet 2021




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