Me revoilà mon amie la chèvre et, comme promis, (voir
le n° 7 de La Grenouille) je vais te parler de La Cour des rois de France
qu’ont fréquenté au 16e siècle trois personnages de Cheverny et Cour-Cheverny.
Pour exercer leur pouvoir, comme pour vivre au
quotidien, les rois de France furent toujours entourés : c'est cet entourage
que l'on appelait La Cour, même si ce terme désigna également le lieu de vie du
roi et de tous ceux qui résidaient à ses côtés : les courtisans. Il faut donc
distinguer La Cour de La maison du roi car, à partir du 16e siècle, ce ne sont plus
seulement les personnes attachées au service d’“honneur” (domesticité élevée ou
officiers) qui composent la Cour, mais les “grands” admis dans des relations de
société avec le Roi (les courtisans), principalement composés de nobles. François
1er établit consécutivement un ordre nouveau entre les courtisans et institua
des distances entre le roi et la Cour et entre la noblesse de Cour et la
noblesse inférieure, ainsi que les membres du gouvernement. Beaucoup plus nombreuse
qu’au Moyen-âge, la Cour adopta à partir du règne de François 1er les fastes et
les préceptes des cours princières italiennes et une étiquette rigide et
minutieuse empruntée à l’Espagne. La Cour suivait le roi dans ses déplacements,
soit dans les châteaux du bord de Loire que nous connaissons, soit lors de ses
séjours en Ile de France ou à Paris. La Cour constituait pour le roi une
institution politique essentielle qui correspondait à une politique de
domestication de la noblesse (qui atteint son apogée sous Louis XIV)...
Mais parlons de nos trois personnages qui fréquentèrent
La Cour au 16e siècle et ne manquèrent pas de se rencontrer, voire de se
fréquenter…
Le premier est Claude de Bombelles, gentilhomme
blésois seigneur de Lavau, commune de Cour-Cheverny – mais aussi secrétaire et
valet de chambre ordinaire du roi. Éthymologiquement, Lavau vient de vallée -
lieudit qui se situe justement dans la vallée, au bord du Conon un peu après le
Petit Moulin et le château des Murblins en direction de Romorantin. (Le château
a été détruit mais, d’après Louis de La Saussaye on devinait encore au 19e
siècle l’emplacement de la motte et des fossés). Claude de Bombelles fut
notamment contrôleur des dépenses des bâtiments de Chambord de 1546 à 1549,
lors de la construction du château qui était, à l’époque, supervisée par
Philibert Babou (de Tours), nommé par François 1er en 1536 au poste (qu’il venait
de créer) de superintendant des bâtiments du royaume. Claude de Bombelles
aimait aussi les lettres et à fréquenté les cercles poétiques de Marguerite de
Navarre, soeur de François 1er, dont il fut “l’amant platonique”.
Le second, c’est Pierre de Ronsard (né en 1524),
qui fut propriétaire du Prieuré de Cour-Cheverny (Ronsard était clerc tonsuré).
C’est son frère Charles et Jean de Morvilliers, alors Abbé de la paroisse de
Bourg Moyen à Blois, qui lui procurèrent ce bénéfice qui, avec la cure de
Mareuil les Meaux, lui assurait 700 livres de rentes brutes en 1554. La chasse aux
bénéfices était, à l’époque, pratiquées par nombre de poètes et d’hommes de
lettres, qui embrassaient aussi une carrière ecclésiastique qui leur procurait
des rentes pour subsister - le propriétaire du prieuré encaissait les bénéfices
de la paroisse et en reversait une partie au curé en charge de cette paroisse -
Ronsard était entre tous les hommes de lettres l’un des plus largement dotés en
revenus (en 1573 il avait plus de 10 000 livres de revenus). Ronsard fréquenta
la Cour de plusieurs rois de France et fut notamment soutenu par Henri II,
François II, Charles IX et Henri III. Il fut le protégé des femmes de la Cour :
Marguerite de Navarre, Marguerite de Valois, Duchesse de Savoie, soeur d’Henri
II (elle était donc la fille de François 1er) et Catherine de Médicis, épouse
d’Henri II.
Une anecdote est d’ailleurs rapportée à propos de
la publication en 1552 de deux recueils écrits par Ronsard (Les amours de
Cassandre et le 5e livre des Odes) : Mellin de Saint-Gelais, chef de file de
l’école marotique lisait des poèmes de Ronsard de façon burlesque devant le roi
pour le ridiculiser et Marguerite de Valois prit le recueil de poèmes et se mit
à le lire en rendant aux poèmes leur splendeur et la salle, sous le charme
applaudit : Ronsard fut ainsi admis comme poète et devint, au décès de Melin de
Saint-Gelais survenu quelques années plus tard, le poète officiel de la Cour. À
propos d’une autre oeuvre de Ronsard : Sonnets et madrigals pour Astrée, écrite
pour plaire au Duc d’Anjou (dont elle fut la maîtresse), nous savons que
Ronsard a aussi fréquenté Françoise d’Estrée, née Babou, de la Bourdaisière -
petite fille de Philibert Babou - et sans être certain qu’ils furent amants, il
est probable que Ronsard l’a aimée avant Béranger du Gast, capitaine du
régiment des gardes qui lui aurait commandé ces sonnets.
En retrouvant la famille Babou de la
Bourdaisière, nous arrivons tout naturellement à notre troisième personnage, et
non des moindres, puisqu’il s’agit de Philippe Hurault, seigneur de Cheverny,
garde des sceaux en 1576, puis Chancelier de France, en 1583 sous Henri III
(qui le fit comte) et sous Henri IV, en 1590. Il se trouve en effet, que
Philippe Hurault a eu pour concubine, Isabelle (ou Isabeau) Babou de la
Bourdaisière, dame de Sourdis et soeur de Françoise qui inspira Ronsard
(également influente tante de Gabrielle d’Estrée. Elle organisait les
rencontres de cette dernière avec le roi Henri IV dont elle était la
maîtresse). Ronsard écrivit aussi vers la fin de sa vie en, 1583, - le Boccage
royal. À Henri III, roi de France et de Pologne – qui se termine par Le
discours à Monsieur de Cheverny dans lequel il retrouve des thèmes qui lui sont
chers sur la corruption, l’avarice et les entreprises des bateleurs de Cour, en
assignant au Chancelier la tâche d’assister le roi “et le mener au port des
choses bienheureuses“… Cheverny était à l’époque le troisième personnage de
l’État.
Ainsi, et comme tu peux le constater, mon amie,
la Cour des rois était au 16e siècle un lieu de rencontre privilégié, où l’on
pouvait faire carrière dans tous les domaines. Sur ce, je te quitte, tu me
raconteras…
Sources :
« Les notaires et secrétaires du roi »
: Sylvie Leclech-Charton
« Les amours de Ronsard » :
Catherine Weber
« Ronsard en son 4e centenaire » :
Henri Weber
Le Héron - La Grenouille n°8 Juillet 2010
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