Françoise Berrué, maire adjoint honoraire de Cour-Cheverny et fidèle
lectrice de La Grenouille a adressé à cette dernière le résultat de ses recherches sur le lavoir
et le camping de Cour-Cheverny, aujourd’hui disparus. Dans les registres des
délibérations du Conseil municipal, le nom du « Casseux » apparaît pour la
première fois lors de la création du Camping municipal.
Voici le début de son courrier :
« À Cour-Cheverny le 20 septembre 2015, journée du
patrimoine. L’invitation pour le premier pique-nique communal au « Casseux »
(ancien camping) me donne l’occasion de retracer l’histoire de ce lieu depuis
plus de 140 ans... »
D’où vient ce nom Le Casseux que les Courchois entendent depuis
longtemps ?
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1) Dans le Glossaire Solognot
d’Hubert-Fillay, un « casse » est un chaudron, une chaudière ; dans l’ancienne
prononciation en solognot , le « e » pouvait devenir « eux ». Cette explication
pourrait être plausible puisque, à cet endroit, à gauche de la ruelle
Saint-Aignan, se trouvait le lavoir, avec un chaudron à disposition des
lavandières.
2) Autre explication, tout
aussi acceptable, donnée par un quasi centenaire courchois dont les parents,
commerçants, habitaient le centre bourg : à cet endroit, au bord du Conon, les
commerçants du bourg étaient autorisés à déposer les ordures (hors ordures
ménagères) comme les casseaux de vaisselle, verre, ferrailles… Afin de
remblayer ce secteur, ces détritus étaient régulièrement tassés et recouverts
par les « boues et immondices » issus du nettoyage du bourg, amenés dans un
tombereau et déversés à cet endroit. Quant à l’histoire de ce lieu, elle se
partage entre l’histoire du lavoir et celle du camping (qui fera l’objet d’un
autre article)
L’histoire du lavoir commence en février 1872.
A cette époque, face aux épidémies de choléra, de
variole et de diphtérie, face aussi au mouvement hygiéniste, le Parlement vote
la Loi du 3 février 1851 pour subventionner à 30 % la construction de lavoirs
publics.
À Cour-Cheverny, lors de la séance de Conseil municipal du 2 février
1872, le maire expose que « depuis la fermeture du lavoir de M. Adolphe Desmoulins, de nombreuses
réclamations sont faites par les habitants du bourg pour l’établissement d’un
lavoir public... [il
fait connaître que] M. le Marquis de Vibraye, dans un intérêt général, veut bien consentir à
abandonner gratuitement à la commune de Cour- Cheverny le terrain nécessaire à
la construction d’un lavoir sur sa propriété de Poussard, vers l’extrémité de
la rue de Saint-Aignan, pour la réception en eaux des fontaines ou sur une
partie avoisinant la rivière »
Le Conseil décide la construction d’un lavoir et vote, en juin, un
budget de 1 500 francs qui sera porté au budget supplémentaire de 1872.
En mai 1873, une pétition signée par 130 habitants du bourg demande l’établissement
d’un lavoir public : en juin, un an auparavant, la position financière de la
commune avait, en effet, mis obstacle à l’autorisation préfectorale nécessaire.
Le Conseil municipal, prenant en considération la pétition, le lavoir de M. A.
Desmoulin est définitivement laissé à la commune au prix de 2 500 francs.
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En août 1873, une commission est nommée pour dresser un réglement concernant la servitude et les mesures d’ordre du lavoir public. Ce réglement sera mis à exécution après approbation par la préfecture. Le bail de location sera fait par adjudication pour 3, 6 ou 9 ans.
Les péripéties
En 1882, le maire est obligé de résilier le bail de M. Laguillaume, menuisier à
Cour-Cheverny, adjugé pour la somme de soixante francs par an, au profit de la
commune et se terminant le 31 décembre. Il explique que, par suite des
condamnations successives prononcées par le tribunal de Blois contre
l’adjudicataire, celui-ci se trouve fréquemment absent par la détention qu’il
subit dans la Maison d’arrêt de Blois.
En 1889, « le Sieur Métais, adjudicataire de la location du
lavoir public pour neuf années, du 1er janvier 1886 au 31 décembre 1894, a
demandé la résiliation de son bail en prétextant qu’il est dans l’impossibilité
de continuer à cause de sa grande famille composée de neuf enfants en bas âge
dont l’aîné a douze ans et les pertes que lui ont causées les réparations
successives »
En 1902, M.
Gitton qui avait obtenu l’adjudication depuis 9 ans consent à continuer à payer
le fermage au prix de 60,50 francs par an « à condition de traiter de gré à gré afin d’éviter de
payer les frais d’une adjudication trop onéreuse en raison du petit bénéfice
qu’il en retire ». À
l’unanimité, le conseil ratifie le traité de gré à gré entre le maire et M.
Gitton pour l’année et l’année suivante jusqu’à ce qu’il juge nécessaire de
passer par une adjudication.
En 1915, à la
demande de M. Gitton, tendant à diminuer le prix de location, le conseil tenant
compte de la difficulté éprouvée par le locataire, décide de diminuer le prix
de moitié pour la durée des hostilités soit 30 francs.
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En 1921, deux
postulants seulement étaient en présence pour l’adjudication du lavoir : Madame
Desouches et M. Martin Royer. Après ouverture des enveloppes contenant les
offres de chacun, il ressort que le même prix est offert par les deux
concurrents ; il est procédé à deux nouveaux votes, et Madame Desouches, dont
l’offre est de cent trente francs, est déclarée adjudicataire pour une année.
En 1923, le lavoir, loué à Mme Voisin, est très mal entretenu. Le maire ayant
reçu plusieurs plaintes, le Conseil émet l’avis que ce travail pourra être
confié au garde champêtre comme cela s’est déjà fait. On ne trouve plus, après
cette date, d’adjudication concernant le lavoir qui, par la suite, a dû être
entretenu par le garde champêtre.
Les travaux d’aménagement réalisés pour l’amélioration
de ce secteur
Le
lavoir, situé non loin du Conon, bénéficiait de puissantes fontaines. Depuis
longtemps l’accès à la rivière pouvait se faire du milieu du bourg par la rue de Saint-Aignan et à l’extrémité de cette rue, sur les chemins qui y
font suite, appartenant au Marquis de Vibraye, passage toléré depuis 1884. Mais
une clôture ayant été établie à l’extrémité de ce chemin, il en résultait que
l’accès à la rivière n’était plus possible.
En 1887, des
réclamations sont faites à la mairie, le nettoyage ne pouvant s’opérer
correctement depuis la clôture en treillage de la propriété de Cheverny dans
laquelle se trouve le fossé d’écoulement. Le maire propose, pour permettre ce
nettoyage, de faire établir, avec l’autorisation du Marquis de Vibraye, « un caniveau sous le chemin afin d’amener les eaux
dans le fossé de droite se déversant en aval du déversoir de Poussard ». Le
Conseil... décide d’effectuer les travaux et porte à cet effet au budget
supplémentaire de 1887, une somme de 200 francs.
En 1888, le « lavoir public Les Fontaines de Saint-Aignan a besoin de réparations
urgentes : les eaux s’écoulent difficilement, il y a lieu de refaire le
conduit, de bétonner le fond des bassins et autres travaux indispensables ». Ces travaux s’élèvent à la somme de cinq cents
francs qui sera portée au budget primitif de 1889, pour les réaliser.
En 1894, du fait de l’interdiction d’emprunter le « chemin de Poussard », de
nombreuses réclamations sont parvenues, à la mairie principalement, de la
classe indigente, empêchée d’accéder à la rivière par cette voie commode et la
moins longue.
« Le Marquis de Vibraye veut bien consentir, maintenant, dans des
conditions de prix très modérées, la vente à la commune du pré à droite du
chemin lui appartenant dit « Chemin de Poussard », lequel borde la rivière sur
28 mètres. Ce qui permettrait d’établir un chemin qui conduirait de la ruelle Saint-Aignan à la rivière du Conon, donnant ainsi accès à la
rivière, et correspondant ensuite au chemin de Poussard en face, sur l’autre
rive de la rivière. De cette manière, satisfaction serait donnée au public et
un abri pour lavoir pourrait être établi facilement en faveur des indigents.
L’acquisition est votée par le Conseil ».
En septembre 1929, le passage de la ruelle Saint-Aignan étant en très
mauvais état et les femmes qui vont au lavoir ayant beaucoup de peine pour
ramener leur linge dans les brouettes, le Conseil décide d’améliorer
provisoirement les chaussées avec du manie et du sable, et de faire refaire le
caniveau.
Des années plus tard, un pont sera construit en dur, à Poussard,
remplaçant ce qui n’était qu’une passerelle et qui permettra d’aller du centre
bourg à la Rue Félix Faure.
L’activité du lavoir déclinera progressivement à la
faveur de l’arrivée de l’eau courante dans les foyers, de l’utilisation des
lessiveuses puis du lave-linge à partir des années 1950.
Sources :
- Registres de délibérations du Conseil municipal - Vol 8 à 12 de 1850 à 1960. -
- Glossaire du Pays Solognot de Hubert-Fillay et Ruitton- Daguet - Edition Jardin de la France (1933).
Françoise Berrué - La Grenouille n° 30 - Janvier 2016
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