En juillet 1940, le
IIIème Reich annexe l'Alsace. Un nouveau directeur des "Musées du Rhin supérieur" est nommé par les nazis et Hans Haug,
"trop francophile" est expulsé d'Alsace.
Il se met alors à la
disposition des Musées Nationaux et devient responsable du musée de la
céramique de Sèvres, ainsi que du dépôt des musées nationaux à Cheverny.
En cette période troublée, le château de Cheverny a abrité une partie des oeuvres d'art du musée du Louvre, qui ont été disséminées en de nombreux châteaux de la zone libre.
En cette période troublée, le château de Cheverny a abrité une partie des oeuvres d'art du musée du Louvre, qui ont été disséminées en de nombreux châteaux de la zone libre.
Hans Haug (Balthasar de
son nom d'artiste) était un dessinateur-né (en 1890) ; un autodidacte qui a
réalisé d'innombrables dessins et illustrations. Ses sujets favoris sont les
paysages, l'architecture, les scènes de la vie quotidienne...
"Les Vallées" (Cheverny) en 1942 Aquarelle de hans Haug (Balthasar) |
En date du 6 septembre 1944, Hans Haug rend compte de
son action en tant que responsable du dépôt d'oeuvres d'art au château de
Cheverny, auprès de la direction nationale des Monuments Historiques à Paris.
En voici quelques extraits (1) :
"Le dimanche 30 juillet, des policiers français
et allemands au service de la Gestapo, cherchant un jeune homme sur l’identité
duquel il semble y avoir eu une erreur, pénétraient brutalement chez le
jardinier du château, se livraient à diverses exactions (tabac, argent,
chaussures) et emmenaient le jardinier (oncle du jeune homme en question) comme
otage. Comme ils avaient entre autres menacé de mettre le feu à sa maison
attenante aux communs où est logée une partie de nos dépôts, j’instituais une
garde spéciale de deux hommes à la « Vénerie », l’endroit le plus menacé. Les
policiers sont revenus trois fois au cours des jours suivants – Le jardinier a
été relâché le 11 août." (....) "L’après-midi du 15 août a été marqué
d’un incident qui a failli tourner au tragique. Quelques jeunes gens du maquis
s’étaient introduits, vers 4 heures, dans le parc et ont tiré au revolver, sans
l’atteindre, sur une voiture allemande en panne sur la route de Contres, devant
la grille d’honneur. Deux des trois occupants de la voiture se sont précipités,
après avoir tiré quelques coups de feu dans la façade du château, au moment où
j’en sortais pour voir ce qui se passe, dans les premières maisons du bourg, ce
qui a créé une panique : de nombreux hommes, quittant une salle d’auberge, se
sont enfuis dans le parc, ce qui fit croire aux allemands revenus à leur
voiture que le parc était plein de ce qu’ils appellent des « terroristes ».
Après une nouvelle rafale sur la façade du château, ils ont pénétré dans
l’enceinte par le saut de loup et ont lancé dans les fenêtres des communs des
coups de revolver et des grenades, qui ont entre autres pulvérisé la cuisine du
chauffeur de M. de Vibraye." (....) "J’ai eu beaucoup de mal, en
discutant en allemand, à apaiser les deux hommes qui voulaient chercher l’unité
de chenillettes qu’ils précédaient ; ils voulaient faire leur rapport qui, à
leurs dires, aurait inévitablement entraîné la mise à sac et l’incendie de la
commune. Après une bonne demi-heure de discussion et d’examen des lieux, ils
sont ensuite repartis en s’excusant de la casse, et notamment d’avoir tiré sur
un groupe d’enfants qui, affolés, avaient traversé l’esplanade. Il n’y eut dans
toute cette affaire, heureusement, aucune victime ; une balle avait traversé la
porte d’entrée du château, en trouant également l’écriteau de protection de la
commission Metternich."
Cet épisode a laissé des souvenirs à Paul Cazin, qui a raconté de quelle façon
il s’est retrouvé acteur de ces événements (4) :
“ Le 15 août 1944, un
véhicule ouvrait la route à une colonne allemande qui remontait de Contres à
Blois. Il tombe alors dans un fossé à l’angle du château. Deux militaires
allemands se rendent à pied à la ferme de la famille Cazin, toute proche, pour
y chercher des chevaux dans l’intention de sortir leur véhicule de sa mauvaise
posture. Quelques résistants de la dernière heure, cachés près du lavoir, leurs
tirent dessus sans les atteindre. Les allemands, de colère, s’emparent du père
et de l’oncle de Paul Cazin et les collent le long du mur de leur ferme. Ils
ont vraiment cru que leur dernière heure était arrivée. La confusion règne dans
le village et au château. Une partie de la colonne allemande entre dans le parc
du château avec la ferme intention de brûler l’ensemble. Après de nombreux tirs
et de jets de grenades vers les communs qui bordent le chenil, Hans Haug,
réussit à parlementer avec les allemands et à calmer les esprits. M. Destienne,
à l’époque chauffeur du marquis de Vibraye, habitait les communs. Il ne dût son
salut qu’à sa présence d’esprit en s’abritant derrière sa cuisinière quand une
grenade pulvérisa sa cuisine.”
Nul doute que Hans Haug, ce jour-là sauva des vies. Le 1er février
1945, Hans Haug est nommé directeur des musées strasbourgeois, poste qu'il
occupe jusqu'en 1963. Il meurt en 1965.
(1)Un projet de complexe touristique et hôtelier
est projeté au lieudit "Les Vallées" et fait l'objet actuellement de
la révision simplifiée du POS engagée par le conseil municipal.
(2)Catalogue "Hans Haug, homme de musées,
une passion à l'oeuvre" - Diffusion : Le Seuil (272 pages, 200
illustrations). Tél. 03 88 52 50 00 - www.musees-strasbourg.org
(3)Merci à Bernadette Schnitzler, Conservateur du Musée Archéologique
de Strasbourg et Commissaire de l'exposition, qui nous a fait parvenir ce
rapport. (4)Propos recueillis par Patrice Duceau pour l’association “Histoire et Découverte” (Cour-Cheverny), le 18 août 2003.
La Grenouille - La Grenouille n°5 - Octobre 2009
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