(Mémoires Comte DUFORT - Episode n° 14)
Bonaparte commence à jouer un rôle dans l’approbation des assemblées de la constitution de L’an III. Celle de notre canton est convoquée à Cellettes et le comte Dufort est plébiscité pour occuper cette fonction.
Cependant il refuse le poste car il pense qu’un noble ne doit
pas se mettre en avant pendant cette période encore trouble. Si la nouvelle
constitution s’organise et si le Directoire prend de l’autorité, la peur encore
récente de la chouannerie permet à quelques buveurs de sang comme Hezine, Simon
et Bonneau de reprendre leurs fonctions. Bonaparte commence à jouer un rôle dans l’approbation des assemblées de la constitution de L’an III. Celle de notre canton est convoquée à Cellettes et le comte Dufort est plébiscité pour occuper cette fonction.
Les années qui suivent sont jalonnées
de faux procès et de vraies condamnations. En avril 1796 «l’emprunt forcé»
est mis en place. Le département; voulant évaluer les fortunes, demande aux
assujettis un état de leur patrimoine et pour qu’il y ait un air de justice, il
fait voter les délibérations par des volontaires dans chaque municipalité. Très
peu de gens se portent alors volontaires pour un pareil objet ; on prend donc ceux
qui ne refusent pas !
Le comte Dufort se voit attribuer un tourneur de Cour-Cheverny
comme appréciateur qui, de fait, se fait plaisir : six cent mille francs ! Le 6
mai 1796 arrive un décret qui chasse 20 000 prêtres de la République.
Le curé
Gauthière de Cheverny est dans ce cas là et il se résigne, avec sa douceur
évangélique habituelle.
L’armée française d’Italie se prépare à rejoindre Vienne
par le Tyrol. C’est à un ancien ami du Comte Dufort, le sieur de Lagarde
(rencontré en prison à Blois) que le Directoire confie la garde de Joséphine de
Beauharnais pour la conduire auprès de son époux alors à la tête de l’armée d’Italie.
Mademoiselle de la Pragerie, épouse de feu Beauharnais devenue Madame Bonaparte
par les circonstances et le désir de sauver la fortune de ses enfants, connaît
à peine le futur empereur mais elle ressent le besoin de le rejoindre
rapidement. Aussitôt dit, aussitôt fait, 48 heures après, Monsieur de Lagarde
traverse la France avec son escorte pour rejoindre Turin, accompagnant l’épouse
de Bonaparte.
Ce dernier, alors à la tête de tout son état-major, reçoit son
épouse. Ému, touché par cette visite, il s’approche d’elle et l’embrasse ! «Madame», dit-il, «je ne saurais être trop sensible à la bonté que vous avez
de venir me chercher en faisant un voyage si fatiguant ! Demandez-moi tout ce
qui peut vous plaire, je me ferai un devoir de vous l’accorder !» Elle répond
: «Monsieur, je demande la liberté pour tous les otages !». Bonaparte
s’exécute et Lagrande confirme plus tard au comte Dufort que cette femme est
remarquable de bonté, de douceur et d’amabilité.
Quinze jours plus tard,
Lagarde rentre à Paris avec, en remerciements, une lettre en poche de Napoléon
Bonaparte pour le Directoire. Il avait gagné le choix d’une entreprise pour sa compagnie
: il hérite de l’entreprise des fourrages fournissant l’armée des Pyrénées et
d’Italie !
Pendant que Bonaparte part en conquête sur toute l’Europe, « les
petites affaires entre amis » continuent sur le territoire français. Par
exemple, Madame de Clénord, amie proche de l’épouse de Bonaparte tente de
retrouver ses biens qui lui ont été confisqués au début de la Révolution et qui
ont été donnés à un certain Beignoux-Lutaine. Ce dernier tente par tous les
moyens de la faire à nouveau destituer en tant qu’émigrée. Il réussit à la
faire interroger longuement à la Maison de la Ville. Rien n’y fait, elle tient
bon et elle a gain de cause.
Nous sommes à la fin du mois de mars 1799 et le
comte Dufort se prépare à une dure épreuve : son fils aîné, auquel il destinait
la gestion de Cheverny, meurt à l’âge de 42 ans de fièvre maligne. Très
affectés par cette disparition, le comte et la comtesse Dufort se résignent à
laisser Cheverny. Fatigué, quasi ruiné par la Révolution, le comte part habiter
à Blois, rue du Foy. Vivant avec le peu qui lui reste, il a l’intelligence
d’esprit de regarder autour de lui et d’y trouver des gens encore plus
malheureux que lui ! Il meurt à Blois le 28 février 1802 à l’âge de 71 ans.
Le
domaine de Cheverny avait été vendu un an auparavant à Monsieur Jean-Pierre
Germain, banquier parisien. Le domaine reviendra de nouveau à la famille
Hurault de Vibraye en 1824 et plus particulièrement à Paul de Vibraye qui consacra
sa vie à remettre le domaine en état et à préparer ce que les autres
générations ont su pérenniser jusqu’à nos jours.
Sources :
- “Les Chanceliers de Cheverny”, par le comte Henri de Vibraye, éditions Émile Hazan
- “Mémoires du Comte Dufort de Cheverny : La Révolution”, éditions Plon, 1909
- “La terre de Cheverny”, par Paul de Vibraye, éditions Lecesne, Blois 1866
- “Le Loir-et-Cher de la préhistoire à nos jours”, par Croubois, Denis, Loisel, Sauvage, Vassort, éditions Bordessoules, 1985
Le Colvert - La Grenouille n°15 - Avril 2012
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Merci de nous donner votre avis sur cet article, de nous transmettre un complément d'information ou de nous suggérer une correction à y apporter