De nombreux
Courchois évoquent souvent, avec gourmandise, le souvenir du fameux «
Printanier » de la boulangerie Renault de Cour-Cheverny, comme en témoigne une
de nos lectrices, elle-même experte en ce domaine : « Une pâtisserie peu
épaisse, entre brioche et génoise, fourrée d’une crème type pâtissière très
légère, avec un dessus croustillant, le tout avec un léger goût de noix de coco
: en deux mots, le gâteau parfait… ». Et ceux qui ne pourront jamais
déguster cette pâtisserie locale aujourd’hui disparue se contenteront de lire
cet article où nous retraçons son histoire…
La passion
du métier
La boulangerie Renault |
Nous avons
rencontré Marie-Louise Renault et Gérard Renard, un de ses anciens ouvriers
pâtissiers, qui nous ont évoqué quelques souvenirs de leur beau métier.
Marie-Louise
Renault : « J’avais, dans ma jeunesse, appris le métier de couturière ; puis
j’ai rencontré mon futur mari, boulanger, et nous avons tenu pendant quelques
années une boulangerie à Nançay dans le Cher. Je voulais me rapprocher de mon
pays natal, Romorantin, où habitaient mes parents. En 1956 nous avons racheté
la boulangerie de M. et Mme Fourchault à Cour-Cheverny (1), au 53 rue Nationale
(2). Nous avons tenu le magasin jusqu’en 1996 [soit plus
de 40 ans…], et j’en garde de très bons souvenirs… Nous habitions au-dessus
de la boulangerie, qui a toujours très bien fonctionné : mon mari se chargeait
de la pâtisserie avec 2 apprentis et 2 ouvriers, 2 boulangers confectionnaient
le pain (plus de 300 baguettes par jour, plus les gros pains, …), et moi-même,
avec une vendeuse, vendions aux clients le pain, les viennoiseries, les gâteaux
et bien d’autres choses… Je m’occupais aussi de la vitrine, et donnais souvent
un coup de main pour la pâtisserie, notamment pour la confection des pièces
montées. Nous avions également à notre service Josiane Tessier, qui pendant ces
40 ans a effectué les livraisons en porte à porte dans la campagne environnante
avec notre 2 CV camionnette ».
De g. à dr. : Nathalie Bausier, Marie-Louise Renault et Liliane Beaufils en juillet 1991 |
Gérard
Renard : « Très jeune, j’aimais faire de la pâtisserie, et j’ai eu
rapidement l’envie de quitter l’école pour apprendre un métier. C’est ainsi que
j’ai obtenu à 17 ans mon CAP de boulanger pâtissier à Blois et que j’ai ensuite
été embauché en 1969 chez M. et Mme Renault ».
Le
Printanier, 25 ans plus tard, on en parle encore !
Nous avons
voulu en savoir plus sur le fameux Printanier créé par Gérard peu de temps
après son embauche à la boulangerie, et auquel Claude Renault a donné ce nom.
L'intérieur de la boulangerie Renault en juillet 1991 |
On nous
avait dit que ce gâteau ressemblait à une tropézienne (3), mais Gérard
Renard refuse cette assimilation : « Le Printanier n’avait rien à voir avec
une tropézienne ! », mais nous n’avons pas pu en savoir beaucoup plus…
Gérard souhaite garder secrète sa recette, entretenant ainsi le mystère autour
de cette célébrité locale… Il nous a seulement précisé qu’il avait créé cette
pâtisserie en associant plus ou moins deux recettes, mais sans nous dire
lesquelles… Tout juste avons-nous pu apprendre que le Printanier comportait en
surface une sorte de crumble à base de noix de coco…
M.-L. R. : « Cette
pâtisserie a rapidement eu du succès dans la commune, puis aux alentours : on
venait des villages voisins, de Blois, et de plus loin encore. Attirés par la
qualité mais aussi par les prix très raisonnables, les clients faisaient
fréquemment la queue sur le trottoir devant l’épicerie voisine et au-delà, et
il fallait attendre patiemment son tour… Le dimanche, c’était l’affluence de 9
h 30 à 13 h, chacun venant acheter son pain et ses gâteaux. Les commerces de
notre boulangerie, de la charcuterie de M. Geniès, de l’épicerie de M. Forget
et du bar de M. Bricault étaient voisins et complémentaires, et attiraient du
monde… Nous avons également souvent participé à la Fête du Pain. Il nous est
même arrivé d’être appelés en pleine nuit pour livrer à 2 heures du matin pour
une fête ou un bal qui manquait de gâteaux pour le dessert…».
Marie-Louise Renault et Gérard Renard |
G. R. : « Nous
fabriquions jusqu’à 200 Printaniers par semaine, et de nombreux autres
gâteaux…, mais aussi des chocolats, des glaces, des confiseries, des dragées
pour les baptêmes, etc. Les réfrigérateurs étaient souvent pleins, et M. Forget
nous permettait de stocker une partie de notre production dans les chambres
froides de son épicerie. Nous fabriquions des Printaniers de tailles diverses,
pour 4, 6, 8 et parfois 10 ou 12 personnes… Pour certaines occasions, nous leur
donnions une forme particulière comme celle d’une bûche ou d’un terrain de
football… ».
Un
Courchois nous a également rapporté qu’un jour, participant à un concours
organisé par Radio Val de Loire, il gagna un Printanier… Belle publicité pour
ce produit local !
Un secret
de fabrication
Nous ne
pourrons pas vous communiquer la recette, mais Gérard nous a montré un magnifique
objet dont nous vous présentons la photographie : le pochoir en cuivre avec
lequel il inscrivait « Printanier » avec du chocolat sur une bande de pâte
d’amandes (auparavant, il réalisait cette inscription au cornet…), ainsi qu’un
second avec lequel il décorait le gâteau « Le Cheverny », autre création de la
maison. On imagine le talent du créateur de ces pochoirs, artisan resté
inconnu…
Le
Printanier n’a pas été breveté, et les boulangers actuels de Cour-Cheverny
utilisent toujours cette appellation ; mais comme nous l’a souligné Gérard,
bien que savoureux (La Grenouille a testé pour vous !), il ne s’agit pas
du même gâteau…
« La
Grenouille » a fait un rêve : Gérard Renard s’était remis à l’ouvrage et nous
concoctait un Printanier du XXIe siècle avec sa recette qui restera secrète…
Mais hélas, ce ne fut qu’un rêve et nous sommes restés sur notre faim…
Merci à
Marie-Louise Renault et Gérard Renard, qui ont témoigné pour nous de leur
passion pour le métier de boulanger pâtissier et de leur amour de la clientèle,
restés intacts.
P. L.
(1)
Actuellement, c’est la boulangerie « La Pétrie » qui est installée à cet
endroit.
(2)
Indication de l’annuaire du Loir-et-Cher de 1961. Depuis cette époque, la
numérotation a changé dans cette rue ; à noter qu’à cette date, l’annuaire
téléphonique nous indiquait 97 abonnés à Cour-Cheverny… ; numéro de téléphone
de la boulangerie : le 70…
(3) La Tropézienne a
été créée par Alexandre Micka, pâtissier d’origine polonaise installé à
Saint-Tropez dans les années 50. Il a apporté de Pologne la recette d’un gâteau
brioché à la crème de sa grand-mère. En 1955, le film « Et Dieu… créa la femme »
de Roger Vadim est tourné à Saint- Tropez. Alexandre Micka, chargé de réaliser
les repas pour toute l'équipe, présente sa tarte. Brigitte Bardot lui suggère
de la nommer « Tarte de Saint-Tropez ». Le pâtissier, lui, opte pour « tarte
tropézienne ». Dans la foulée, il dépose la marque et le brevet de fabrication
(Wikipédia).
Nota : La Grenouille n'a pas réussi à se procurer une photo du Printanier de la boulangerie Renault...
Nota : La Grenouille n'a pas réussi à se procurer une photo du Printanier de la boulangerie Renault...
La Grenouille n°47 - Juin 2020
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