Lors des festivités des 90 ans de l’Étoile sportive de Cour-Cheverny,
Monique Berger-Luchsesi a évoqué ses souvenirs d’enfance à Cour-Cheverny lorsqu’elle
venait en vacances chez son grand-père Henri Berger (1881-1961). Elle a bien
voulu confier ses souvenirs aux lecteurs de La Grenouille.
Tous les dimanches et jours de fête, une
silhouette, vêtue d’un costume sport, traversait la rue principale de
Cour-Cheverny pour se diriger vers un terrain situé derrière « l’Hôtel des 3
Marchands ». Qui était donc cet homme, de taille moyenne, qui transportait, d’une
main des carabines dans un étui de toile brune et, de l’autre, un sac de voyage
qui contenait des cartouches et des cartons ?
C’était Henri Berger, mon
grand-père paternel, celui qui a relancé le club de tir à la carabine. Avec son
épouse, il avait quitté Paris, dans les années 36-37, pour s’installer à Cour-Cheverny,
au 12 de la rue Denet, dans l’ancienne « Tuilerie Laleu ».
D’origine alsacienne, mon grand-père avait consacré une grande partie de ses loisirs à la « préparation militaire » comme en témoignent les nombreuses médailles reçues de la Ville de Paris et du ministère de la Guerre. Jeune retraité de l’Administration des Postes et Télégraphes, et ne concevant pas de rester inactif au sein de sa commune d’élection, il décida, avec quelques passionnés, dont le docteur Jean Grateau, René Mollinger horloger-bijoutier-photographe et monsieur Charbonnier, entre autres, de reprendre le stand de tir de Cour-Cheverny.
Petite fille, pendant
les vacances scolaires, j’étais très fière d’aller, vers midi, chercher mon grandpère au stand de tir et de regagner la rue Denet en sa compagnie.
Nous refaisions le chemin inverse, pour 14 heures. Nous passions devant la
droguerie de M. Buffet qui, dans la fanfare municipale, tenait la grosse
caisse, l’épicerie Lepage, la charcuterie Geniès, le Familistère, la
poissonnerie Weiling et la bijouterie Mollinger. René Mollinger était chargé de
l’entretien des pendules du château de Cheverny et, tous les lundis matins, il remontait
horloges de cheminées, de parquets, cartels. Plusieurs fois, j’ai eu la joie de
l’accompagner dans sa tâche et de parcourir ainsi les enfilades de salons.
Monsieur le Marquis, Philippe de Vibraye, venait parfois s’enquérir du bon
fonctionnement de ses précieuses pendules. Notre horloger-bijoutier, était
aussi chargé du bon fonctionnement de l’horloge de l’église : il fallait donc
monter dans le clocher et découvrir Cour-Cheverny d’en haut, fut un
émerveillement. Chaque jeudi, à mobylette, il partait pour Bracieux, emportant,
sur son porte-bagages, une valise pleine de bijoux, de montres neuves ou
réparées ainsi que les photos développées par madame. Heureuse époque où les
bijoutiers n’étaient pas attaqués !
Revenons à mon grand-père et à « son » stand
de tir. J’ai le souvenir de quelqu’un de très précis, méticuleux, qui s’acquittait
de sa mission avec beaucoup de sérieux, conscient du danger que cela pouvait
représenter. Afin d’avertir les visiteurs d’un danger éventuel, pendant les
exercices de tir, le drapeau français était sorti. Le lundi matin était
consacré à la vérification et à l’entretien des carabines qu’il bichonnait avec
amour. Lors du mariage de chacun des membres de l’association, les jeunes
mariés, au sortir de l’église, passaient sous les carabines dressées en haie d’honneur.
Cela ne lui suffisait pas, il accepta aussi, plus tard, la charge de trésorier de l’Étoile sportive ainsi que la direction de la fanfare municipale. Il n’aurait, pour rien au monde, manqué ni la répétition du samedi soir, ni les cours de solfège qu’il dispensait, le jeudi matin, aux jeunes aspirants musiciens. Bien sûr, j’assistais aux répétitions à l’Hôtel Saint-Hubert, mais c’est la cérémonie des voeux qui m’a le plus frappée : le 1er janvier, vers midi, la musique, au grand complet, traversait le pays pour venir présenter ses voeux à mes grands-parents. Par l’intensité de la musique qui progressait au fur et à mesure que le cortège s’approchait de la maison, nous étions avertis de leur arrivée. Les musiciens se disposaient alors en carré dans le jardin et exécutaient un morceau de leur choix, pour remercier leur président. Puis, tout le monde rentrait dans la salle à manger où une table dressée les attendait pour le vin d’honneur.
Permettez-moi d’évoquer aussi quelques souvenirs relatifs aux autres activités bénévoles de ce grand-père. Je pense en particulier aux fêtes qu’il organisait dans le parc du château de Cheverny. La plus réussie fut, sans aucun doute, « la journée 1900 ». Madame Mollinger, habillée en marquise, se promenait, avec aisance et grâce, dans les allées ; la veille au soir, un match de boxe avait attiré tous les amateurs « du noble art ». Un ballet, de nuit, sur la pièce d’eau eut aussi beaucoup de succès.
Une autre de ses activités était celle d’écrivain public : il répondait toujours présent à celui qui venait réclamer de l’aide pour rédiger une lettre, solliciter un conseil juridique, ou remplir une déclaration d’impôts.
Mais nous voilà arrivés en 1960 ; le bénévolat de mon grand-père a été brusquement suspendu : asphyxiés accidentellement dans leur lit, mes grands-parents furent sauvés de justesse, mais cet accident mit un terme à leurs activités.
C’est le 22 novembre 1961,
jour de la Sainte Cécile, patronne des musiciens, qu’Henri Berger s’est éteint
suite à une crise cardiaque. Je tenais à vous faire partager cette tranche de
vie de Cour-Cheverny et rendre hommage à ce grand père, qui a toujours été,
pour moi, une référence.
Monique Berger-Luchesi - La Grenouille n° 23 Avril 2014
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Henri Berger |
D’origine alsacienne, mon grand-père avait consacré une grande partie de ses loisirs à la « préparation militaire » comme en témoignent les nombreuses médailles reçues de la Ville de Paris et du ministère de la Guerre. Jeune retraité de l’Administration des Postes et Télégraphes, et ne concevant pas de rester inactif au sein de sa commune d’élection, il décida, avec quelques passionnés, dont le docteur Jean Grateau, René Mollinger horloger-bijoutier-photographe et monsieur Charbonnier, entre autres, de reprendre le stand de tir de Cour-Cheverny.
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Henri Berger au premier rang à droite. Debout à gauche, le docteur Jean Grateau |
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A gauche sur la photo : Henri Berger au premier plan, au centre, Maurice Labière, facteur à Cour-Cheverny, au fond, René Mollinger |
Cela ne lui suffisait pas, il accepta aussi, plus tard, la charge de trésorier de l’Étoile sportive ainsi que la direction de la fanfare municipale. Il n’aurait, pour rien au monde, manqué ni la répétition du samedi soir, ni les cours de solfège qu’il dispensait, le jeudi matin, aux jeunes aspirants musiciens. Bien sûr, j’assistais aux répétitions à l’Hôtel Saint-Hubert, mais c’est la cérémonie des voeux qui m’a le plus frappée : le 1er janvier, vers midi, la musique, au grand complet, traversait le pays pour venir présenter ses voeux à mes grands-parents. Par l’intensité de la musique qui progressait au fur et à mesure que le cortège s’approchait de la maison, nous étions avertis de leur arrivée. Les musiciens se disposaient alors en carré dans le jardin et exécutaient un morceau de leur choix, pour remercier leur président. Puis, tout le monde rentrait dans la salle à manger où une table dressée les attendait pour le vin d’honneur.
Permettez-moi d’évoquer aussi quelques souvenirs relatifs aux autres activités bénévoles de ce grand-père. Je pense en particulier aux fêtes qu’il organisait dans le parc du château de Cheverny. La plus réussie fut, sans aucun doute, « la journée 1900 ». Madame Mollinger, habillée en marquise, se promenait, avec aisance et grâce, dans les allées ; la veille au soir, un match de boxe avait attiré tous les amateurs « du noble art ». Un ballet, de nuit, sur la pièce d’eau eut aussi beaucoup de succès.
Une autre de ses activités était celle d’écrivain public : il répondait toujours présent à celui qui venait réclamer de l’aide pour rédiger une lettre, solliciter un conseil juridique, ou remplir une déclaration d’impôts.
Mais nous voilà arrivés en 1960 ; le bénévolat de mon grand-père a été brusquement suspendu : asphyxiés accidentellement dans leur lit, mes grands-parents furent sauvés de justesse, mais cet accident mit un terme à leurs activités.
Monique Berger Luchesi |
Monique Berger-Luchesi - La Grenouille n° 23 Avril 2014
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