Cheverny et Cour-Cheverny n'échappent pas aux conséquences de la Révolution.
En ce début d'année 1790,
le chef-lieu de canton de notre
arrondissement est Cellettes. Le château de Beauregard est la propriété de la
comtesse de Gaucourt, qui emploie comme fermiers la famille Phelipeaux depuis
plusieurs générations. Le fils Phelipeaux est maire du village et se met en
tête de jouer un rôle pendant cette Révolution. Il s'acharne donc sur ses propriétaires
et les persécute par des délations pour tenter de prouver que les gendres de la
comtesse sont des émigrés, dans le but de leur confisquer le château. Il avait
du pouvoir en tant que commandant de la Garde nationale, en plus d'être sans
esprit et enragé à exalter les foules.
Le comte Dufort de Cheverny, pendant ce
temps, contient tant bien que mal les exaltés et les comploteurs dans nos deux
villages. Il est néanmoins contraint, sous la pression de Blois, d'ouvrir un "club"
à Cour-Cheverny. Il en est le président et se garde bien dans ses discours
de sortir de son rôle de fidélité aux lois et au roi. Nous ne sommes pourtant
pas à l'abri de la contagion du mauvais esprit qui règne au "club"
de Blois.
En ce début de révolution, on invitait les étrangers à acheter
des biens confisqués par la Nation. Ce fut le cas pour la propriété de Clénord.
Madame Dayrell, veuve d'un officier anglais et riche héritière, acheta le
domaine de Clénord pour y bâtir une belle maison entourée d'un jardin à l'anglaise.
Elle acheta aussi beaucoup de meubles à la famille Polignac de Chambord avant
leur fuite, ainsi qu'une closerie en face du domaine de Clénord, que l'on peut
supposer être "Le Vivier". Toute la famille Dayrell s'installe
à Clénord et attend que les évènements se calment avant de reprendre leurs
travaux de restauration.
C'était sans compter sur les projets funestes de
ceux-là même qui les avaient encouragés à acheter le domaine. Les ennuis de la
famille Dayrell commencent un matin où 3 individus se présentent à la porte du
manoir en signifiant à la maîtresse des lieux : "Bonjour, nous venons vous
couper la tête !" Sans paniquer, la comtesse leur propose de boire un
petit verre avant “l'opération”, puis les met dehors avec 15 francs.
Cette
première tentative ayant échoué, on envoie de Blois deux agitateurs ayant déjà
fait leurs preuves qui, en arrivant à Cour-Cheverny, réussissent à entraîner
derrière eux 80 bougres avec des fusils qui annoncent à qui veut l'entendre
qu'il se rendent au manoir de Clénord pour piller la propriété et tuer les propriétaires.
Le menuisier de Cour-Cheverny, M. Rigollet, qui travaillait à la restauration
du manoir, se précipite chez les Dayrell pour les prévenir. Il est 7 heures du
matin et le maire de Cour, M. Duplièvre, prévient le comte Dufort des
évènements. Celui-ci ne fait pas appel à la Garde nationale, mais invite
quelques officiers patriotes à le rejoindre et à l'aider à rétablir l’ordre. Le
comte Dufort et les officiers arrivent, dans une calèche découverte, au pont de
Clénord, en même temps que les insurgés. Les officiers descendent et affrontent
la fureur de 4 ou 5 insurgés pendant que d'autres attaquent la porte du manoir
à coups de hache. Le plus gros de la troupe se débande dans la nature. Un
officier est maltraité : on lui arrache ses épaulettes en menaçant de le jeter
à l'eau. Finalement, il est traîné jusqu'à Cour-Cheverny et on le frappe pour
le contraindre à embrasser "l'arbre de la Liberté" planté sur
la place du village.
Le lendemain, le commandant de la Garde nationale fait
rassembler tous les gardes casernés à Cheverny, après avoir reçu l'ordre de
Blois de punir les fautifs. On fait sortir de la troupe les 4 fautifs qui sont
ligotés et emmenés à Blois. C'est ainsi que finit une affaire qui aurait pu
rapidement dégénérer et mettre à feu et à sang nos deux communes. En cette
période, l'insurection était à son comble : on ne pouvait pas sortir de chez
soi sans crier "Vive la République" !
A suivre ...
A suivre ...
Sources :
- “Les Chanceliers
de Cheverny”, par le comte Henri de Vibraye, éditions Émile Hazan
- “Mémoires du
Comte Dufort de Cheverny : La Révolution”, éditions Plon, 1909
- “La terre de
Cheverny”, par Paul de Vibraye, éditions Lecesne, Blois 1866
- “Le Loir-et-Cher
de la préhistoire à nos jours”, par Croubois, Denis, Loisel, Sauvage,
Vassort, éditions Bordessoules, 1985
Le Colvert - La Grenouille n°5 - Octobre 2009
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