Transportons-nous à nouveau en 1793, dans le blaisois. L’accalmie révolutionnaire est de très courte durée et la rigueur révolutionnaire se radicalise. Le Club de Blois obtient du département l’ordre de fermer les églises et de détruire les signes extérieurs de culte. Les églises deviennent donc des “temples de la raison”.
La position des prêtres constitutionnels devient insupportable, beaucoup fuient ou se cachent parmi la population amie ; les autres se marient afin d’éviter d’être exécutés. C’est une véritable déchristianisation qui se met alors en marche et laisse le champ libre à tous les cultes révolutionnaires. Ainsi organise t-on des “fêtes de la raison” à Blois, Vendôme et Saint- Aignan, et surtout la “fête de l’être suprême” organisée le jour de la fête Dieu afin de jeter discorde et confusion au sein de la religion catholique en vigueur.
Voici donc la situation entre la
religion et la révolution dans le blaisois à cette époque. Durant ces
évènements, l’évêque local Grégoire est absent de son diocèse et s’occupe
davantage de son plan de carrière et de politique que de ses paroissiens. À
contrario il faut lui reconnaître son attachement à sa religion et à son
évêché. Il se sert donc de sa grande connaissance des arts et des sciences pour
peser sur l’Assemblée en espérant y jouer un rôle un jour. L’anarchie règne
autant dans les églises que sur les territoires du département, et les vicaires
comme les prêtres n’obéissent à personne dans cette confusion générale.
À Cour
et à Cheverny, l’ambiance n’est pas au beau fixe, et le comte Dufort n’est pas
plus rassuré que cela lorsqu’il est évincé et radié du Club des Jacobins de
Cour, par les quelques enragés restant nommés Velu, Arno, RocheJean.
Le
17 mars 1793, il est décrété que les nobles et les seigneurs, comme leurs
domestiques, doivent être désarmés. Le maire de Cour est chargé de cette besogne.
Le citoyen Duliepvre pérorait en place publique comme un despote, en
criant à qui voulait l’entendre et en pointant du doigt le château : “Mes
amis, tant que vous verrez subsister ce château et les aristocrates qui sont
dedans, je vous l’affirme, vous ne serez jamais heureux !” Deux siècles
plus tard nous pouvons confirmer que les Français ne sont toujours pas heureux
! Le 17 juillet 1793, il est décrété que : “tous les titres de propriété
doivent être brûlés”. Le comité de surveillance de la commune de Cheverny
se transporte donc au château afin de récupérer tous les actes officiels,
parchemins, titres de biens...
Le nommé Velu, 35 ans, gros comme un
cochon et ivrogne de surcroît, est devenu la terreur du pays Courchois, depuis
qu’il a proposé à ses amis du Club de Cour d’aller égorger, séance tenante, les
membres du conseil municipal de Blois. Mais le temps presse et il est prévu que
tous les actes et parchemins seront brûlés en place publique le 1er août 1793. Le “gentil citoyen” Velu
a alors l’idée d’aller vérifier au château si le comité de surveillance de
Cheverny a bien fait son travail et qu’il ne reste plus de pièces au Domaine.
Il rencontre l’intendant du comte Dufort, M. Bimbenet, pour lui ordonner de
l’accompagner dans sa visite de contrôle général au château. Bimbenet, sentant
le piège se refermer sur son patron, fait entrer Velu chez le maire, qui
était aubergiste, pour le faire boire afin de gagner du temps et prévenir
Dufort. L’exercice n’est pas très compliqué car Velu est “très courageux
sur la chopine”. Le comte Dufort, grâce à ce stratagème, a eu le temps de faire
disparaître tous les documents qu’il n’a pas donnés auparavant.
A suivre…
Sources :
- “Les Chanceliers
de Cheverny”, par le comte Henri de Vibraye, éditions Émile Hazan
- “Mémoires du
Comte Dufort de Cheverny : La Révolution”, éditions Plon, 1909
- “La terre de
Cheverny”, par Paul de Vibraye, éditions Lecesne, Blois 1866
- “Le Loir-et-Cher
de la préhistoire à nos jours”, par Croubois, Denis, Loisel, Sauvage,
Vassort, éditions Bordessoules, 1985
Le Colvert - La Grenouille n°8 - Juillet 2010
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