Blois, le 6 Juin 1793
Une troupe infernale arrive ce 6 juin 1793 pour prendre aux
Jacobins le Comité révolutionnaire.
Le président en était un nommé Velu qui,
après avoir copieusement arrosé les délibérations avec ses amis, sort un
poignard, invite ses acolytes à l’imiter et se met en quête de vouloir purger
la ville des aristocrates et surtout ceux qui sont à la mairie pour prendre
leur place.
Le maire et le procureur ne se laissèrent pas intimider et réussirent à chasser cette bande d’ivrognes qui avaient pour seul but d’inspirer la terreur à tout prix !
Le Grand vicaire du séminaire, Rochejean et
l’abbé Duliepvre n’étaient pas en reste et formèrent une troupe de vandales qui
foncèrent sur l’Hôtel de ville, taillèrent en petits morceaux les tapisseries
des Gobelins offertes par le Roi à la ville, chacun en emportant un petit
fragment. Le pillage et la dévastation allaient bon train, chacun trouvant de
bonnes raisons pour casser, détruire, voler, dénoncer et s’accaparer le bien
d’autrui.
M. Pobelle, subalterne des Ponts-et-Chaussées décida un beau matin de
faire disparaître sur l’ensemble du territoire les signes féodaux et les fleurs
de lys. Ils commencèrent par détruire la statue de Louis XII à la porte du
château à coups de marteau. Ils firent de même pour l’obélisque sur le pont
construit par Louis XII, etc. Les réquisitions se succédèrent. On prend les
chevaux, le fourrage, le blé, les chemises, les souliers, les habits... et en
trois semaines, les habitants sont dépouillés du superflu... mais surtout du
nécessaire. Cependant, tout le monde obéit, tellement la peur est installée
dans la population. Seuls les jacobins ne donnent rien mais en plus, profitent
grassement des réquisitions.
Le Comte Dufort de Cheverny avait la gouvernance
de Romorantin pour son fils aîné. Cheverny se trouvant sur le passage pour
aller à Blois, le château devint donc l’auberge pour tous les volontaires qui
remontaient vers Blois en criant “vive la République” ! Le Comte Dufort
s’était exclamé : “C’étaient des enfants, presque sortant du berceau et que
je regardais comme voués à une mort certaine. Ma prédiction s’est vérifiée
puisqu’il n’en est pas revenu un seul”.
Les gens sensés comprirent alors
que la guerre civile était proche. Une insurrection avait pris naissance à
Montmirail dans la Sarthe parmi les ouvriers des verreries. Elle était
commandée par 2 députés qui s’apprêtaient à marcher sur Vendôme et Orléans pour
terminer à Paris. Ils emmenèrent tous les hommes avec eux et se dirigèrent sur
Blois. En quelques heures, la ville fût submergée comme par une nuée de sauterelles
! Tous les sans-culottes s’en mêlèrent et le département, le district et les
municipalités environnantes se mirent en marche forcée vers Beaugency. Les plus
sensés profitèrent de la nuit pour s’échapper de cette cohue humaine et
retourner se coucher. On détacha toute la Garde Nationale en récupérant celle
des bourgs et des villes traversées avec six canons que l’on plaça avec la
troupe à l’entrée de Beaugency pour faire face aux insurgés qui se reposaient à
Mer avant le combat (qui n’eût pas lieu). On parlementa, on se harangua, mais
chacun regagna sa maison, triste et harassé de fatigue.
À l’exaction de M. le
vicaire Rochejean qui s’était arrêté avec ses sociétaires au château de Menars,
dont le propriétaire de l’époque était M. Poisson de Malvoisin, héritier de
Madame de Pompadour, ils mirent trois heures à tout saccager et à mettre en
pièces la statue de Louis XV en marbre blanc, dans sa coupole, devant
l’esplanade.
L’évêque de Blois de l’époque, Grégoire, répétait à qui voulait
l’entendre la nécessité du jugement du roi et de sa mort avec les aristocrates,
les riches et les autorités anciennes. Il se promenait dans son habit d’évêque
constitutionnel : chapeau rond, cocarde nationale, redingote, veste rouge,
culotte noire et bottines. Il s’enfuit avec ses gens dès le début des
hostilités. Certains esprits étaient de plus en plus inquiets. Une fois le
procès du roi entamé, le Comte Dufort, comme tous ses amis, qu’il définissait
comme d’honnêtes gens de province, se berçait de l’illusion que Louis XVI serait
innocenté. À la nouvelle de l’exécution du roi, Dufort fut très affecté et
tourmenté de la suite des évènements car le moindre mouvement de lui-même ou de
ses amis aurait valu une dénonciation.
Cependant, la République fut proclamée à
Cour et à Cheverny comme ailleurs, ce qui provoqua une accalmie. Les nombreux
partis se mirent en oeuvre pour entrer en lice et partager le pouvoir. Le bon
peuple, confiant, crut que la République proclamée était établie… Espoir, quand
tu nous tiens !..
À suivre...
Sources :
- “Les Chanceliers de Cheverny”, par le comte Henri de Vibraye, éditions
Émile Hazan
- “Mémoires du Comte Dufort de Cheverny : La Révolution”, éditions Plon,
1909
- “La terre de Cheverny”, par Paul de Vibraye, éditions Lecesne, Blois
1866
- “Le Loir-et-Cher de la préhistoire à nos jours”, par Croubois, Denis,
Loisel, Sauvage, Vassort, éditions Bordessoules, 1985
Le Colvert - La Grenouille n°7 Avril 2010
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Merci de nous donner votre avis sur cet article, de nous transmettre un complément d'information ou de nous suggérer une correction à y apporter