Se trouvant au voisinage immédiat d’un véritable front militaire montant et descendant, notre département fut cependant d’une tendance très modérée par rapport à d’autres. Bien sûr, tous les jours ne sont pas joyeux, entre la menace vendéenne d’un côté et le passage des troupes républicaines révolutionnaires qui se dirigeaient vers l’ouest de l’autre.
Le quotidien reprend vite le dessus. Les problèmes de ravitaillement,
les réquisitions, la “levée” des hommes (très contestée) oblige la majorité de
la population à une vision de la Révolution très modérée. De fait, il y eût
très peu de Grands Révolutionnaires locaux.
On constate donc que les “avancées”
révolutionnaires ne se font que sous l’impulsion des représentants parisiens. Aujourdh’ui,
nous pouvons faire la part des choses concernant “la terreur” locale. S’il y a
eu beaucoup d’arrestations, on y recense de fait beaucoup de prisons au point
d’en ouvrir de nouvelles sans arrêt. Cependant, il fut procédé à peu d’exécutions.
Hormis celle de Château Gaillard précédemment commentée et celle de Mondoubleau
en septembre 1793 où sept condamnations à mort furent prononcées à l’encontre de
contestataires qui crièrent “Vive le roi Louis XVII !” lors du recrutement de
la cavalerie.
Mais la Révolution apporta ici comme ailleurs son lot de
changements dans les comportements quotidiens avec cet espoir de monde nouveau,
donc meilleur : le tutoiement généralisé, la confiscation des biens de
l’Église, les fêtes populaires autour des “arbres de la Liberté”, les
changements de noms de personnes, comme des villages, participent à cette
rupture symbolique. Comme le Beaujolais d’aujourd’hui, le “citoyen nouveau” est
arrivé !
- Montrichard est baptisé “Montégalité”
- Saint Sulpice devient Sulpice-Supplice
- Vendôme devient “Vendôme régénérée”
- Villedieu devient “Commune-Être-Suprême”
- Coulange devient “Cou-Sans-Culotte”.
Plus personne
n’ose s’appeler Leroy. Ça s’est arrangé ensuite, puisque 2 siècles
après, le président de notre Conseil général, Maurice Leroy, est devenu
ministre de la République.
À Cheverny, la vie n’est pas réjouissante pour le Comte
Dufort et sa famille. Son grand ami Monsieur de Salaberry a refusé de s’enfuir
de Pontlevoy et ensuite de l’hospice où il est gardé à résidence avant son procès,
prétextant qu’aucun tribunal ne pouvait le condamner puisqu’il était innocent.
Monsieur de Salaberry fut guillotiné le jour même de son procès comme les jours
suivants nombre de ses amis et cousins de la famille Dufort : M. de Lavoisier,
M. de Boullongne, M. de Luçay, M. de Talaru, M. de Vermerange, le duc de Villeroi,
M. de La Borde, le duc de Chatelet, le duc de Biron, la duchesse de Grandmont,
Mme de Salaberry, Mme Amelot... Le vicomte de Beauharnais, pris et innocenté,
se retira sur ses terres, avant d’être guillotiné quinze jours après.
Un matin,
à Cheverny, Duliepvre rendit visite à Dufort pour lui annoncer qu’il a faim et
qu’il est chargé par Hézine, le procureur de Blois, “d’épurer” les autorités de
Cheverny. Il s’auto-proclama maire et tous ses amis Jacobins les plus enragés prirent
les postes clés du village. Dès que cette manoeuvre fut connue, la paroisse se
souleva, le curé en tête. Duliepvre donna l’ordre d’enlever le curé, qui avait
réussi à s’enfuir dans sa famille, à Beaugency. La guerre était déclarée entre
les habitants de la commune et Duliepvre qui convoque une assemblée pour
arranger le vote en sa faveur. Tous s’y opposent, mais les coups bas pleuvent !
Limousin, le boucher de Cour-Cheverny, en compagnie de quelques amis, prévient le
comte Dufort que le procureur Hezine a déclaré haut et fort, dans une soirée
d’orgie à Cour, qu’il serait “offusqué tant que le château de Cheverny ne serait
pas propriété de la Nation”. Dès six heures, le lendemain matin, deux
gendarmes se présentent chez Duliepvre avec l’ordre d’arrêter le comte Dufort
de Cheverny. Chaque matin, le comte et sa femme, de plus en plus inquiets se
disaient depuis une semaine : “Encore un jour de passé”... Nous sommes
le 22 mai 1794 ou 3 Prérial, an II. Duliepvre arrive au château en
triomphateur, accompagné de deux aides et de deux cavaliers pour poser les
scellés au château. Le comte Dufort quitte Cheverny à 15 heures, dans sa
berline, accompagné de son épouse et de deux personnes. Son fils cadet reste au
château et son fils aîné rejoint le château du Breuil. La nouvelle s’était déjà
répandue dans les bourgs de Cheverny et Cour-Cheverny lors du passage de la
berline. La tristesse et les larmes étaient sur les visages...
A suivre…
Sources :
- “Les Chanceliers
de Cheverny”, par le comte Henri de Vibraye, éditions Émile Hazan
- “Mémoires du
Comte Dufort de Cheverny : La Révolution”, éditions Plon, 1909
- “La terre de
Cheverny”, par Paul de Vibraye, éditions Lecesne, Blois 1866
- “Le Loir-et-Cher
de la préhistoire à nos jours”, par Croubois, Denis, Loisel, Sauvage,
Vassort, éditions Bordessoules, 1985
Le Colvert - La Grenouille n°11 - Avril 2011
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Merci de nous donner votre avis sur cet article, de nous transmettre un complément d'information ou de nous suggérer une correction à y apporter