Le château du Breuil du XVe au XXIe siècle

Château du Breuil à Cheverny
Le château du Breuil
(Archives famille de la Salle)
L’histoire du domaine et de ses propriétaires successifs
Le domaine du Breuil sur lequel a été construit le château comprenait près de 500 hectares de terres et de bois jusqu’en 1968. C’était l’un des trois grands domaines, avec ceux de Cheverny et de Troussay, situés sur la commune de Cheverny.
La Grenouille a rencontré Claire de La Salle dont le mari, le comte Regis de la Salle appartenait à la famille qui fut propriétaire du domaine jusqu’en 1968.

Tout commence au XVe s.
La partie la plus ancienne du château date du XVe s. et est située à l’extrémité de l’aile jouxtant la partie principale de l’édifice et bordant le fossé encore existant. De ce côté se trouve l’ancienne entrée de la cour d’honneur. Il s’agissait peut-être, comme à Cheverny et à Troussay, à l’époque de leur acquisition, d’un simple manoir.(1) En effet, le manoir de Troussay fut construit par Robert de Bugy en 1450 (le domaine reste la propriété de la famille de Bugy jusqu’au XVIIIe s.). Au tout début du XVIe s., en mai 1504, soit seulement 50 ans plus tard, Jacques Hurault achète la terre de Cheverny sur laquelle est édifié un manoir (ce n’est qu’en 1510 que Raoul Hurault obtient l’autorisation du roi d’édifier un château défensif : le premier château de Cheverny. La terre de Cheverny restera dans le giron de la famille Hurault jusqu’au milieu du XVIIe s. pour y revenir à partir de 1825). (2) Pour le château du Breuil, sachant qu’une partie date du XVe siècle, à une époque contemporaine de Cheverny et de Troussay, nul doute que les propriétaires de ces trois grands domaines se fréquentèrent en voisins et à la Cour des rois de France.

Le château du Breuil
Château du Breuil à Cheverny
Tel que nous le connaissons au début du XXIe s., il est, pour la partie principale, un pur produit des XVIIe et XVIIIe s. Les châteaux construits ou reconstruits à cette époque sont des châteaux d’agrément qui ont perdu leur fonction défensive. Totalement ouverts sur l’extérieur, ils se composent d’un corps principal flanqué de pavillons. Situés généralement entre cour d’honneur et jardin, leurs formes sont empreintes d’un certain classicisme qui se distingue par la recherche de la symétrie et de la rigueur géométrique. Les lignes sont droites et les surfaces sont sobres. À cette époque apparaissent également les toitures et les ouvertures « à la Mansart » ornées d’un chapiteau. Les intérieurs sont luxueux et les pièces reliées entre elles par un couloir.

Trois curiosités au château du Breuil
- La chapelle indépendante du château, construite au XIXe siècle ;
- située dans le fossé, une partie du mécanisme d’une ancienne « noria ». Rare dans nos régions, cette technique ancienne que l’on rencontre plus fréquemment dans le sud, servait à tirer l’eau d’un puits avec l’aide d’un âne ou d’une mule, pour alimenter une citerne située au Breuil vraisemblablement dans la partie conservée du XVe siècle ;
Château du Breuil à Cheverny
Ancienne entrée de la cour d'honneur enjambant
le fossé. A droite, la partie du XVe s.
- des fondations en pierre de libage : lors de travaux d’aménagement en 2011, les fondations de la partie du XVIIe s. ont été mises à jour. La technique employée dite en « pierres de libage » consiste à empiler de gros moellons bruts, les plus gros en profondeur, généralement sur une largeur supérieure à l’épaisseur des murs qu’ils soutiennent. Cette technique était déjà employée couramment par les Romains, notamment sur des terrains instables (argileux ou sablonneux). Pour des édifices très importants on les appelait « fondations cyclopéennes ».

Le domaine au début du XIXe s.
Le titre de propriété du comte Henri de la Salle daté de 1901 (vente par les héritiers Cintrat - archives de la famille de la Salle), nous renseigne sur l’étendue de la propriété, composée de locatures et de fermes (terres, vignes et bois).

Extraits de l’acte de vente du domaine du Breuil
« Le château du Breuil consistant en un principal corps de bâtiment élevé sur caves, d’un rez-de-chaussée, d’un premier étage et d’un second étage en mansardes, et un autre corps de bâtiment en aile et, à l’est du précédent également élevé sur caves, d’un rez-de-chaussée, d’un premier étage carré et d’un second étage mansardé – cour devant – chapelle en face et au midi.
Le jardin potager entouré de murs, avec maison de jardinier serre et orangerie.
Les communs comprenant écuries, remises, sellerie, pressoirs, celliers et autres bâtiments d’habitation et d’exploitation.
Le parc comprenant des pelouses, des massifs, des plantations d’arbres d’essences diverses, des bois taillis et des bois futaies et des terres – maison de closier dans l’angle nord ouest du parc.
• Ferme du Breuil affermée aux époux Leveau (Justin Leveau et et Georgette Sausse) ;
• Pièce de terre sise aux Châtaigniers ou les Fosses Plates affermées aux mêmes ; • Bâtiments et une partie des terres de la ferme de la Brossure affermées aux époux Ombredâne (Louis Ombredâne et Angèle Sausse) ;
• Locature des Châtaigniers affermée aux époux Tessier ;
• Locature du Béon affermée à M. et Mme Chesnet et Petit ;
• Pièce de terre et vigne aux Châtaigniers (lieudit les Dominières) affermée au sieur Chesnet ;
• Pièce de terre aux Grilles affermée au sieur Leboire ».

Le démembrement du domaine
Château du Breuil à Cheverny
L'ancienne maison du jardinier
 Claire de la Salle témoigne de la vente en 1968 par Charles de la Salle, qui a succédé à son père, de la quasi totalité du domaine, à l’exception du bâtiment et d’une partie des terres de la Brossure qui restent dans la famille et échoit, en 1974, à sa fille Marie- Henriette (épouse de Comminges). Son fils, Régis de la Salle deviendra, lui, propriétaire du château des Tourelles, à Cour-Cheverny, qui appartenait à sa mère, Madeleine de la Salle, épouse de Charles.

Le château, acteur du tourisme local
Le château du Breuil est devenu, en 1985, un hôtel haut de gamme. Bernard Gattoliat, qui l’a repris en 2003, a ajouté à l’une des ailes du bâtiment une orangerie (salle de réception) et la société Caudalie qui l’a repris à l’été 2018 a engagé d’importants travaux pour en faire un complexe touristique d’envergure.

Les propriétaires successifs du domaine du Breuil

Au XVIIe s.
Les seigneurs du Breuil se succèdent : (3-4)
 - Nicolas Girard, trésorier et payeur de la gendarmerie qui fut l’un des huit conseillers de la ville de Blois nommés en 1610 (les conseillers de ville, à la différence des échevins, étaient nommés à vie).
- Nicolas Huart, écuyer, trésorier provincial des guerres de la Généralité d’Orléans. - Nicolas Huart, écuyer, maître en la chambre des comptes.
- Louis Huart, écuyer, avocat du roi au siège présidial.
- Thomas Lefort, avocat du roi aux diverses juridictions royales de Blois.
- Julien Mercier, écuyer, chef d’échansonnerie bouche du Roi. (3-5)
- François de Taillevin, chevalier.
- Charles Collet de la Prée acquit le domaine l e 4 juillet 1684 (acte du baillage de Blois).

Château du Breuil à ChevernyAu XVIIIe s.
- Magdelaine Gastineau, devenue propriétaire du domaine, vend à François Mahy le 16 novembre 1719 (acte de maître Lambert, notaire à Blois).
Nous connaissons par les mémoires du comte Dufort de Cheverny au moins deux autres familles propriétaires du domaine. Dufort de Cheverny écrit en évoquant ses voisins : « La famille des Mahy était fort étendue à Blois... Les Mahy de Cormeré, les Mahy du Breuil, les Mahy de Pontchardon étaient tous possesseurs dans différentes paroisses. Celui du Breuil-Mahy avait deux filles, il possédait un bien en fief relevant de la Tour du Louvre (6), et je ne l’oubliai pas dans mes visites ».(7)
 - François Mahy (conseiller au siège présidial) a précédé ses filles Marie-Catherine et Anne- Julie Mahy qui sont devenues propriétaires du Breuil le 17 novembre 1786 (acte de maîtresBergevin, notaire à Blois).
La seconde famille est celle de Dufort de Cheverny en la personne de son fils, Bernard Joseph Marie Pierre Dufort, qui se marie en 1785 avec Elisabeth Cabreuil et s’installe avec elle au château du Breuil où il décède le 27 avril 1799.
Photo ci-dessus : Acte de vente de Maître Lambert, notaire à Blois, du 16/11/1719. Vente du Breuil par Magdelaine Gastineau veuve de la Prée à François Mahy.

Aux XIXe et au XXe s.
La fille de Bernard Dufort et d’Elisabeth Cabreuil, Aimée Zéphirine Dufort de Cheverny épousa Marie Nicolas Renaud d’Avène des Méloizes en 1802.
Puis la famille des Méloizes devint propriétaire du domaine jusqu’en 1870 avec le vicomte Maxime de Méloizes, ancien ministre plénipotentiaire, Trésorier payeur général. (8)
- De 1870 à 1880 : famille de Saint-Roman ;
- de 1880 à 1901 : Édouard de Cintrat, ministre plénipotentiaire décédé au Breuil, a acquis de nombreuses parcelles ;
- de 1901 à 1968 : famille de La Salle ;
- de 1968 à 1985 : le comte de Boussac (le château, le parc et une partie des terres (sauf la Brossure) ;
- de 1985 à 2003 : les époux Tête Noire (hôtel) ;
- de 2003 à 2018 : Bernard Gattoliat (hôtel 4****) ;
- en 2018 : rachat par la société Caudalie.

(1) Glossaire architecture médiévale, « chateau.over-blog.net ».
(2) Se reporter pour l’histoire de ces deux domaines à l’ouvrage édité en 2018 par l’association Oxygène Cheverny : « Les grandes heures de Cheverny et Cour-Cheverny en Loir-et-Cher... et nos petites histoires ».
(3) A. Trouessard : « Les familles blésoises... Terres et seigneuries » - Bibliothèque Abbé Grégoire à Blois - Fonds anciens 7-4 T 42.
(4) GRGPG : www.perchegouet.net
(5) Bouche du Roi : service chargé de l’ordonnancement de la table du Roi.
(6) Fief relevant de la Tour du Louvre : se dit d’un fief dépendant directement du Roi.
 (7) Mémoires de Dufort de Cheverny.
 (8) Pierre Georges Roy « full texte of la famille Renaud d’Avène des Méloizes » : Internet archives.
Archives de la famille de la Salle Archives de la famille de la Salle

Voir aussi : Les lieudits du domaine du Breuil, rubrique "Sites et lieudits"

Fernand Piaroux - La Grenouille n°42 - Janvier 2019

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Merci de nous donner votre avis sur cet article, de nous transmettre un complément d'information ou de nous suggérer une correction à y apporter