Rétrospective sur les cafés de Cour-Cheverny

Dans le précédent numéro de La Grenouille, nous avions évoqué le Café de la Gare à Cour-Cheverny, ouvert de 1935 à 1970 environ, et vous avions promis une prochaine tournée des autres établissements de la commune… Nous y voici ! En route pour ce parcours en douze étapes (dont trois dans ce numéro). Certains de ces établissements ont aujourd’hui disparu, et d’autres sont toujours en activité, en ayant changé de nom pour certains...

Rétrospective sur les cafés de Cour-Cheverny
Le Café du Commerce
Voisin du Café de la Gare, à l’autre angle de la rue Barberet et de la rue Leroy, était installé le Café du Commerce. Plus ancien que le Café de la Gare, on le retrouve sur une carte postale datée de 1905… Jean-Yves Augé, taxidermiste à la retraite (1), nous indique que ce café a été créé par son arrière- grand-père puis tenu par son grand-père Gabriel. L’établissement comprenait également une épicerie, avec un accès par deux portes différentes, que l’on distingue sur la carte postale, et encore visibles aujourd’hui sur la façade de la maison. Cet établissement a été fermé avant la Seconde guerre mondiale.

(1) Voir « Les grandes heures de Cheverny et Cour-Cheverny en Loir-et-Cher… et nos petites histoires » - Éditions Oxygène Cheverny 2018 – page 195 : « Le taxidermiste ».

Le Café de la place de la Gare
Rétrospective sur les cafés de Cour-Cheverny
Un autre café se situait boulevard Carnot, à l’angle de la place de la gare, avec sa terrasse et les jeux de boules tout proches : le Café de la place de La Gare. Il a été ouvert par Charles et Madeleine Croiset en 1932, comme nous l’a indiqué leur fille Mauricette âgée aujourd’hui de 85 ans et habitant Montluçon.
Rétrospective sur les cafés de Cour-Cheverny
« C’est M. Marionnet, courtier en vins, chez qui travaillait mon père, qui a fait construire la maison pour en faire un café. C’est là que se sont installés mes parents et le récépissé de déclaration du « Café restaurant situé à Cour- Cheverny, Place de la Gare » qui date de 1932 est au nom de mon père, qui a ensuite créé une entreprise de transport. Il est décédé en 1951 et c’est ma mère qui a tenu seule le café jusqu’au début des années 70. Elle s’est remariée en 1958 avec M. Houry, qui possédait un petit magasin de ferblanterie (pièces de quincaillerie, bouteilles de gaz, etc.) rue Barberet. J’ai toujours connu Maman dans ce petit café, avec un joli comptoir et son dessus en zinc et un emplacement pour faire du froid avec des blocs de glace. Mais Maman utilisait plutôt le puits pour mettre au frais les bouteilles et le beurre qu’elle y descendait dans un seau ; elle allait aussi tirer le vin à la cave. Elle servait beaucoup de repas, notamment pour les voyageurs de la gare. Tous les ans à Pâques avait lieu la fête place de la gare avec son bal parquet et le « Mur de la mort » dont le spectacle des motos qui roulaient sur les murs m’impressionnait beaucoup. Je me souviens également de M. Martin, le chef de gare, et de sa famille que j’appréciais beaucoup, et de l’instituteur des garçons, Lucien Simon, qui me ramenait à l’école sur le cadre de son vélo à 13 h13… ». Un ancien du village se souvient aussi que dans les années 50, il admirait les chevaux regroupés place de la gare, lors de la visite annuelle du vétérinaire, pendant que les propriétaires attendaient au café…
Rétrospective sur les cafés de Cour-Cheverny

Rétrospective sur les cafés de Cour-Cheverny
Le Café de la Mairie
Nous n’avons pas d’informations concernant cet établissement situé autrefois à l’angle de la rue Gambetta (auparavant rue Neuve ou rue de l’Église) et de la rue Martinet.… À cet emplacement se sont installés ensuite les commerces de réparation de vélos et cyclomoteurs de la famille Buron en 1949, de Gérard Travers en 1975, puis celui de Jacques Gosnet en 1989 (2)

(2) Voir « Cheverny et Cour-Cheverny en Loir-et-Cher… À la poursuite de notre histoire » - Éditions Oxygène Cheverny 2022 - page 177 « La famille Buron ».

Le Café de Paris, rue Nationale à Cour-Cheverny 
Témoignage de Patrice Duceau
Avant la dernière guerre, le Café de Paris appartenait à Clovis Leloup, père de René Leloup, mon beau-père, qui y exerçait le métier de cafetier-coiffeur. Ma belle-mère, Denise Leloup, durant la captivité de son mari René, a tenu le café pendant l’occupation allemande.

Rétrospective sur les cafés de Cour-Cheverny
Après la guerre, le Café de Paris était un des lieux de réjouissances du week-end, en particulier pour ses bals du dimanche. Les amateurs de danse arrivaient parfois de plusieurs dizaines de kilomètres pour passer leur dimanche à Cour-Cheverny. Mes beaux-parents étaient très appréciés pour organiser ces moments de détente après les années de privations.
Mes premiers souvenirs du Café de Paris datent du début des années 1960. Des projections de films de cinéma occupaient la grande salle derrière le café avant qu’elle devienne salle de billard. À l’angle de cette salle se trouvaient deux flippers et plus tard, au milieu de la salle, un baby-foot. Une cafetière était posée au bout du comptoir, sous la rampe d’escalier, à la disposition des clients.
Pour accéder aux toilettes, au fond du jardin, il fallait traverser la première salle, puis la seconde, puis tout le jardin.
Le lieu privilégié de notre adolescence
C’était l’époque des « yéyés », de Johnny Hallyday, des Beatles, des Rolling Stones... celle des premières rencontres avec les copines du coin et des concours de babyfoot avec mon ami Jean-Mary Grateau. Les perdants payaient les consommations. Jean-Mary et moi étions plutôt bons à cet exercice et il nous arrivait de passer tout une après-midi sans jamais payer ! Notre réputation « d’imbattables » au baby-foot faisait des envieux et les équipes d’autres villages venaient nous affronter. Le patron se réjouissait de cette fréquentation qui consommait.
Au baby-foot, je jouais à l’avant et Jean- Mary à l’arrière. Nous étions très complémentaires. Nous avalions une menthe à l’eau après chaque victoire. C’était le temps de l’insousciance...
Il m’arrivait parfois de regarder, avec mon ami Jean-Claude Aubry, le mari de Marie- Jocelyne, notre coiffeuse, les matchs du Tournoi des Cinq Nations de l’époque dans la cuisine avec le patron M. Delaveau.

Rétrospective sur les cafés de Cour-Cheverny

Rétrospective sur les cafés de Cour-Cheverny

Rétrospective sur les cafés de Cour-Cheverny

Le Café de Paris est tenu depuis 2003 par Patrick Biour. La salle de café et son comptoir ont belle allure, avec de jolies boiseries anciennes et de nombreuses publicités d’époque. On peut également y voir le tableau d’affichage du club de foot qui y avait là son siège dans les années 70, et l’indication « Billard français et anglais » au-dessus de la double porte qui donnait accès à la salle de bal et cinéma qui sert aujourd’hui de réserve.

Rétrospective sur les cafés de Cour-Cheverny


Rétrospective sur les cafés de Cour-Cheverny












Rétrospective sur les cafés de Cour-Cheverny




Rétrospective sur les cafés de Cour-Cheverny



Rétrospective sur les cafés de Cour-Cheverny

P. L.

La Grenouille n°63 - Avril 2024

Le domaine de Sérigny

Le domaine de Sérigny à Cour-Cheverny
En 1506, le domaine de Sérigny appartenait à Louise du Mesnil puis, bien plus tard, à la famille de Michel Bégon. Michel Bégon est né à Blois en 1638. Administrateur et officier de plume dans la marine sous Colbert, il meurt à Rochefort en 1710. Il donna son nom à une fleur célèbre : le bégonia. À cette époque, la famille Bégon possédait, en plus du domaine de Sérigny, le domaine de La Sistière au nord et le domaine des Murblins à l’ouest. L’actuel château de Sérigny n’existait pas. Sa construction date du XIXe siècle.

De 1890 au début du XXe siècle, la famille Adeline était propriétaire d’un vaste domaine de 200 hectares qui comprenait Sérigny et s’étendait au sud jusqu’à la ferme de La Louettière avec son immense potager (sur la route de Fontaines-en-Sologne) et limité à l’est par la route de La Charmoise. Au nord, en limite des terres de la famille Lemaignan, la ferme du Rouvre assurait l’exploitation agricole du domaine. À l’ouest, la propriété s’arrêtait au chemin de Chercherelle avec les terres des Murblins.
Les Adeline étaient en famille avec les Lemaignan du domaine « Gué-la-Guette » sur la commune de Fontaines-en-Sologne. Raoul Adeline était le cousin germain de Raoul Lemaignan. Il avait fait fortune, comme une autre grande famille locale, les Bégé, en fournissant les chevaux et leurs équipements aux armées napoléoniennes.
La Louettière brûla complètement vers 1920. Les Adeline vendirent la plus grande partie du domaine de Sérigny en 1930 à la famille Herbelot, sauf La Louettière qui venait d’être reconstruite.
La Louettière fut ensuite habitée et amémagée par la famille Guéden, propriétaire des magasins du Printemps vers 1960.
Le domaine de Sérigny à Cour-Cheverny

1964-1984
Pierre Vallée achète le domaine en 1964. Il était PDG de la société Eiffel. À l’époque de M. Vallée, les affaires vont bon train pour cette société qui construit des ouvrages d’art métalliques dans le monde entier et en particulier en Afrique. Puis la société Eiffel cesse son activité. L’agence Eiffage est créée dans la foulée. C’est cette société que rachètera plus tard l’entreprise Goyer de Fougères-sur- Bièvre.
Pierre Vallée avait deux fils (Jean-Marie et Thierry) et trois filles que l’on pouvait rencontrer régulièrement à Cour-Cheverny le weekend. Leur luxueuse Mercedes blanches 300 SL décapotable et son intérieur tendu de cuir rouge, ne passait pas inaperçue au village...
Les Vallée, passionnés de chevaux, possédaient de grandes et belles écuries à Sérigny. Il leur arrivait souvent de suivre les chasses à courre avec l’équipage de Cheverny. Les fils étaient de bons vivants. Jean-Jacques Bricault, alors propriétaire du restaurant Les Trois Marchands, se souvient d’un étrange pari : les deux frères, après un repas constitué de langouste, turbot, filet de boeuf, fromage et dessert décidèrent de repartir dans la foulée pour le même menu... en sens inverse...En 1984, Pierre Vallée décide de mettre le domaine en vente. Il sera morcelé : la ferme du Rouvre sera vendue avec quatre hectares, une centaine d’hectares seront acquis par le comité d’entreprise du Crédit Agricole et une trentaine d’hectares vendus à divers particuliers. Le domaine de Sérigny se réduisit ainsi à 63 hectares.

Le domaine de Sérigny à Cour-Cheverny

Le drame de 1996
M. Van Eckout rachète le domaine en 1985. Promoteur immobilier sur toute la France, il affiche le nom de sa société, Vaneck, sur de nombreux immeubles parisiens. Lui aussi fréquentait le restaurant Les Trois Marchands, à Cour-Cheverny. Il venait y dîner avec son épouse, une grande dame de 1,80 m, directrice du Théâtre national de Paris (TNP).
Patrice Duceau, garagiste à Cour-Cheverny le connaissait. Il raconte : « Un samedi soir de novembre 1996, je dînais en famille au restaurant Les Trois Marchands. M. Van Eckout occupait la table voisine avec sa fille, qui devait avoir une quinzaine d’années. Nous nous saluâmes en papotant sur quelques banalités du moment. Le lendemain, je ressentis un choc en apprenant son suicide ».

Le domaine de Sérigny à Cour-Cheverny
À partir de ce jour, le château de Sérigny fut brutalement abandonné. Il devint le repère de jeunes locaux qui squattèrent l’endroit autour de feux de cheminées au milieu des packs de bière.
L’hiver suivant, en l’absence de chauffage, les canalisations d’eau gelèrent jusqu’à éclater. Tous les planchers et les plafonds du château furent inondés. Des centaines de m3 d’eau se répandirent partout pendant plusieurs jours. Suite à ce gâchis, le château resta abandonné pendant trois ans, jusqu’à l’arrivée du propriétaire actuel.
Les nouveaux propriétaires, Loir-et-Chériens et ruraux de souche, ont rénové le domaine de Sérigny avec une vision guidée par un « bon sens paysan ». Ainsi vivent en harmonie chevaux, canards, oies, chiens et autres locataires de la faune locale... La nature, la simplicité, le calme entre les étangs et la forêt peuplée de chevreuils et de sangliers y règnent avec pour philosophie : « Pour vivre heureux, vivons cachés ».

P. D.

Merci à Thierry Vallée pour son témoignage à propos de sa famille, qui est venu compléter ou préciser nos informations.

Le domaine de Sérigny à Cour-Cheverny

Le domaine de Sérigny à Cour-Cheverny

Le domaine de Sérigny à Cour-Cheverny

La Grenouille n°62 - janvier 2023

Le Café de la Gare à Cour-Cheverny

Le Café de la Gare à Cour-Cheverny
Le patrimoine de nos villages est également constitué de ses commerces et notamment de ses cafés… La Grenouille a déjà évoqué quelques-uns de ces établissements, et a reçu récemment de quoi compléter cette série… 

Le Café de la Gare à Cour-Cheverny
Sylvain Breton, natif de Cour-Cheverny, nous a évoqué le café de ses grands-parents, André Jules Ulysse Bailly né en 1904 et Louise Lucie (née Morin, en 1906) son épouse, qui ont tenu pendant de nombreuses années le « Café de la Gare », situé à l’angle de la rue Barberet et de la rue Leroy à Cour-Cheverny.
Sylvain Breton : « Mes grands-parents ont loué ce café en 1934 ou 1935 à madame Renée Houry. Mon grand-père ayant pratiqué d’autres métiers (notamment tonnelier chez Marionnet, fontainier, homme à tout faire au garage Girault), son épouse a tenu seule le café pendant de nombreuses années. Elle faisait également la cuisine pour ses clients, jusqu’au décès de son mari en 1963. Pour compléter ses revenus, elle travaillait parfois pour la Poste de Cour-Cheverny en distribuant les télégrammes en même temps qu'elle gérait son établissement.
J’ai connu le café dans mon enfance (années 60), notamment à la sortie de l’école, en attendant que ma mère Maryse revienne de son travail à l’accueil de la mairie de Cour- Cheverny, poste qu’elle a occupé plus de trente ans, de 1961 à 1995.
La propriétaire des lieux, madame Houry, n’a pas eu une fin de vie facile, elle vivait tristement dans une pièce très noire, à l’emplacement actuel du garage. Elle était toujours habillée en noir et les cheveux non coiffés. À sa mort en 1968, ma grand-mère avec l’aide de mon oncle Alin (1) rachète la maison.
Le Café de la Gare à Cour-Cheverny
Le café était très petit ; il comportait un comptoir en bois et quelques tables, où je voyais souvent s’installer des joueurs de belote et de 4-21…
Les clients étaient des habitués. Je me rappelle d’un monsieur qui s’installait à une table, toujours la même. Il venait à vélo de la clinique de la Borde. Tous ses objets étaient tenus avec des ficelles sur son vélo. Nous l’appelions "l’écrivain" car il passait son temps à remplir des pages d’écriture. Il donnait à ma grand-mère ses manuscrits qu’elle devait déposer à la Poste…, sans adresse sur les enveloppes…
Le café a fermé à la fin des années 70, ma grand-mère avait plus de 70 ans. Sa licence IV a été vendue à l’antiquaire installé sur la route de Blois qui avait ouvert un cabaret »

P. L. 

Le prochain numéro de La Grenouille vous invitera à une tournée générale des cafés de Cour-Cheverny de l’époque... 

(1) Alin est un prénom rare, dérivé de Alain.

Le Café de la Gare à Cour-Cheverny

La Grenouille n°62 - Janvier 2024

La "Reine des Sports"

Dans les années 80-90 avait lieu chaque année en novembre à Cour-Cheverny, le bal de l’Étoile. Une belle soirée au cours de laquelle l’élection des miss constituait un grand moment et reste gravée dans la mémoire de nombreux habitants…

Annette Guy, à l’époque coiffeuse sur la place Victor Hugo (à l’emplacement de l’actuel salon « Les Ciseaux Créa’Tifs »), se souvient de ce grand moment… 

Annette Guy : « Connaissant beaucoup de monde du fait de mon activité de coiffeuse, je me suis chargée, durant de nombreuses années, de convaincre des jeunes filles de se présenter à ce concours. Ce n’était pas facile, mais je réussissais tout de même à réunir chaque année une petite dizaine de candidates »

Le salon de coiffure, un concentré de la vie locale Annette Guy a tenu ce salon femme et homme de 1966 à 2005, où la bonne humeur était de mise… « Au salon Guy, on oublie ses soucis » était la devise, ce à quoi les clients ajoutaient « Et on y mange tous ses pézouis ! » car on y vendait aussi des bijoux et de nombreux accessoires de mode. Dans les mêmes périodes, un peu plus loin dans la rue Nationale, Robert Verdure tenait également son salon de coiffure homme (de 1976 à 2005..), autre lieu de convivialité… D’où le slogan « Tanguy et Laverdure, les Chevaliers de la coiffure… »

Mais revenons aux Miss
A. G. : « Lors du recrutement, les candidates remplissaient un questionnaire où elles décrivaient leur personnalité (leur identité, quelques mensurations, leurs goûts musicaux, etc.) que le présentateur évoquait lors de l’élection ».
Ce concours attirait beaucoup de monde au bal, car les familles et amis venaient nombreux pour soutenir leur favorite… Au début, c’est l’applaudimètre qui permettait d’élire la « Reine des Sports » et ses dauphines, mais jugé un peu aléatoire, le procédé fut ensuite remplacé par un vote dans des urnes…

A. G. : « Les maires des deux communes et le président de l’Étoile remettaient la couronne à l’heureuse élue qui recevait également une cape qu’elle gardait jusqu’à l’élection suivante, des fleurs, et bien sûr de nombreux cadeaux… Les deux dauphines se voyaient également mises à l’honneur. Pour les non élues, forcément déçues, je faisais en sorte qu’elles soient invitées à danser par les jeunes sportifs présents ce soir-là… ».
La gagnante avait une obligation : donner, le lendemain de l’élection, dans sa tenue de reine, le coup d’envoi du match de foot de l’équipe de l’Étoile sur le stade de Cour-Cheverny. 

Nous avons rencontré quelques anciennes miss, qui nous ont déclaré « ne plus trop se souvenir de cette élection »… La Grenouille les soupçonne de vouloir garder pour elles-seules les souvenirs de cette mémorable soirée.

P. L. 

La Grenouille n°61 - Octobre 2023

 

Le Maréchal Maunoury, illustre ancêtre

Jacqueline Maréchal est l’arrière-petite-fille du Maréchal Maunoury (1847-1923), et c’est l’occasion d’évoquer dans nos lignes ce personnage qui a marqué l’Histoire de France, et dont les descendants ont commémoré le centenaire de sa mort en mai dernier à sa résidence d’Herbilly (2), toujours propriété de la famille.

Le Maréchal Maunoury, illustre ancêtre

Michel Joseph Maunoury est né le 17 décembre 1847 à Maintenon (Eure-et-Loir). Issu de la promotion 1867 de l’École Polytechnique, il choisit de servir dans l’artillerie. Il participe à la guerre de 1870 et est blessé le 2 décembre 1870 à la bataille de Champigny. En 1874, il devient capitaine, instructeur d’équitation et de conduite de voitures, professeur adjoint au cours d’artillerie de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr en 1883, chef d’escadron en 1886 puis lieutenant-colonel en 1893.

À la tête de la VIArmée lors de la Première Guerre mondiale
Le Maréchal Maunoury, illustre ancêtreRappelé à l’activité le 11 août 1914 pour une mission d’inspection, il est très rapidement chargé de rassembler des troupes disparates, revenant d’Alsace, des divisions du général d’Amade et des unités nouvellement incorporées pour constituer la VI e Armée. Il conduit à sa tête une attaque décisive sur le flanc de l’offensive allemande à partir du 5 septembre 1914 contre l’armée de von Kluck, lors de la bataille de la Marne. La bataille menée par la VI e Armée est connue sous le nom de bataille de l’Ourcq, du nom de l’affluent qui se jette dans la Marne aux environs de Meaux.

La bataille de l’Ourcq
Le général Maunoury est gravement blessé à la tête par une balle ennemie le 11 mars 1915 au moment où il mettait l’oeil à un créneau, dans les tranchées du plateau de Nouvron qu’il inspectait. Cette blessure le laisse aveugle jusqu’à sa mort. Il redevient gouverneur militaire de Paris du 5 novembre 1915 au 4 avril 1916. Il fut l’un des rares généraux de la guerre invités à la signature du traité de Versailles.

Maréchal à titre posthume
Il meurt à Artenay, dans le train qui le mène dans sa résidence du château d’Herbilly, le 28 mars 1923. Il était alors le président d’honneur de l’Union des aveugles de guerre.
Nommé maréchal de France à titre posthume le 31 mars suivant, il bénéficie d’obsèques nationales le 2 avril. Ses funérailles ont lieu à Mer en présence des maréchaux Joffre et Foch et du ministre de l’Intérieur Maurice Maunoury, son cousin.

Le Maréchal Maunoury, illustre ancêtre

Ému, le maréchal Joffre apporte un dernier salut de l’armée française au glorieux soldat « qui restera l’une des plus pures et grandes figures de notre histoire militaire…/… Son calme et son habileté de manoeuvre ont permis à ses troupes de supporter pendant les quatre journées d’une lutte opiniâtre l’effort d’une notable partie de l’armée allemande et ont facilité ainsi le développement des opérations des armées alliées, qui ont entraîné la retraite de notre ennemi. Saluons de toute notre reconnaissance patriotique l’intrépide commandant de la VI Armée, dont la clairvoyante énergie a si fortement pesé sur l’avenir de la France… ».
Le corps du maréchal Maunoury repose depuis le 13 mai 1931 dans la crypte des Gouverneurs à l’hôtel des Invalides de Paris.

Le Maréchal Maunoury, illustre ancêtre

(1) Source principale : Wikipédia. - Voir aussi l'article "Le domaine de la Pauvertrie à Cheverny"
(2) Herbilly : Ancienne commune de Loir-et-Cher, la commune d’Herbilly a été supprimée en 1808. Son territoire a été partagé entre Courbouzon et Mer (Wikipédia).

La Grenouille n°60 - juillet 2023


Les familles Hermelin et Merlin à Cheverny

Véronique Hermelin et sa soeur Corinne nous guident tout au long de l’histoire de leur famille à partir de 1631. Au XVIIe siècle, les Hermelin étaient plutôt établis sur les communes de Choussy, Tenay et Fou­gères-sur-Bièvre.

Les familles Hermelin et Merlin à Cheverny
Henri (1723-1782), le premier des Hermelin de cette branche qui s’établit à Cour-Cheverny, se marie avec Anne Jallet, une jeune femme de Cheverny. Le petit-fils d’Henri, Pierre Barthé­lémy Hermelin (1781-1840), est le premier à habiter « La Levraudière » pour y exercer le métier de vigneron.
La famille Hermelin ne quittera plus La Levrau­dière et ses environs. En examinant l’arbre généalogique, nous constatons que, jusqu’au milieu du XIXe siècle, ces familles comptaient chacune entre cinq et neuf enfants qui avaient une espérance de vie située entre 45 et 60 ans. Une partie des descendants habitèrent aussi Les Saules (actuel camping), à côté de La Levraudière.

Les familles Hermelin et Merlin à Cheverny
La saga des « 3 R »
Raymond, René et Romain sont nés respecti­vement en 1888, 1891, 1896. Pour autant, le prénom de naissance de celui qui se fait ap­peler Raymond était Athanase et Adolphe est devenu René... postérieurement, par choix.
Une des filles de Raymond, Yvette, était la mère de Michel Dronne, à l’Ébat. La deuxième fille de Raymond, Raymonde (mariée Blan­chard), a tenu la supérette de Cormeray toute sa vie active.
Renée, la fille de René (mariée Merlin), eut un fils, Michel, qui lui-même eut un fils, Didier, qui habite encore aujourd’hui « Les Saules », en bordure du camping actuel.
Le troisième « R », Romain, eut quatre gar­çons et une fille. Son 3enfant, Marcel, est le père de Simon, le mari de Marie-Claude, fleu­riste à Cour-Cheverny.
La particularité de cette branche, depuis Romain, est que la plupart des hommes ont épousé la car­rière de pompier professionnel. Jean-René, un des derniers, fut colonel au SDIS (Service dépar­temental d’incendie et de secours) de Blois.

Les familles Hermelin et Merlin à Cheverny

Les familles Hermelin et Merlin à Cheverny
La branche des Merlin
Elle commence avec Claude, né en 1920 et fils unique d’une famille aisée. Il habitait An­net-sur-Marne (77). Pendant la guerre, pour échapper aux Allemands, il se cache au lieu­dit Marçon (vers 1940), en lisière de la forêt de Cheverny et du chemin des Boeufs. Il ren­contre alors Renée, fille de René (le 2« R»), à la boulangerie de Cheverny. Leur mariage leur donnera trois enfants : Jean-Claude (1942), Michel (1943) et Annick (1946).
Claude est un très bel homme et cavalier de haut niveau. Grand amateur de chevaux, il était très apprécié de tous pour sa gentillesse. Après avoir exploité un commerce de bois et charbons à Romorantin, il reprend l’exploi­tation agricole des Saules qui appartient à son beau-père et crée un centre équestre en 1965 où il s’adonne à sa passion du cheval et de l’équitation pour le plus grand plaisir des enfants de nos villages. Il était pédagogue et patient avec ses élèves.

Romain, le pompier
Durant l’exode de la dernière guerre, Romain s’illustra, avec l’aide de sa fille Geneviève, en venant en aide à ceux qui fuyaient. Ils fournirent beaucoup de vêtements et de nourriture à ces personnes qui cherchaient à franchir le Cher pour atteindre la zone libre. Ils leur prêtaient des vélos qu’ils récupéraient ensuite à Noyers-sur- Cher, chez un ami. Ils remontaient ces vélos à Cheverny... pour les prêter à nouveau...

Les familles Hermelin et Merlin à Cheverny
Le premier camping des Saules
Michel Merlin arrive à Cheverny en 1979 (à l’âge de 36 ans) avec sa femme Évelyne et leur fils Didier qui a alors 14 ans. Il a pour pro­jet d’ouvrir un camping aux Saules, propriété de ses parents, qu’il doit racheter dans un contexte compliqué...
En 1981, après deux ans de travail acharné pour mettre aux normes un tel établissement, toute la famille est « sur le pont », y compris les dimanches et fêtes pour satisfaire les clients. Le camping compte 45 places. Didier com­mencera en même temps un apprentissage de cuisinier chez Gilles Martinet, à l’Auberge du Centre (Chitenay).

Les familles Hermelin et Merlin à Cheverny
En basse saison, Michel rénove la maison déla­brée de ses parents, pour mettre sa famille à l’abri.
En 1985, Michel et Évelyne développent un restaurant où la spécialité de côte de boeuf grillée est reine... C’est rapidement un rendez-vous apprécié des habitants des villages alen­tour et des touristes. Les cars sont nombreux à s’y arrêter en juillet-août grâce, notamment, à Évelyne. Bilingue, elle s’occupe avec succès de la promotion du site chez les « tours opera­tors » de l’époque.
Le camping ira jusqu’à accueillir 600 per­sonnes. Pour accueillir autant de clients, Michel et sa famille son obligés de se mettre en conformité avec beaucoup de normes et de construire une piscine afin de conserver leurs clients. Il vend une petite maison dans la Creuse pour financer ces investissements.
Les familles Hermelin et Merlin à Cheverny
Malgré tous ces efforts, la rentabilité est très limitée de juin à septembre. L’hiver, Michel et Évelyne partent se reposer en Andalousie, dans un environnement précaire.
L’histoire s’arrêtera au début des années 2000.
Ce projet titanesque avait vu le jour grâce aux seules volontés et au courage de Michel et Évelyne, avec peu de moyens. Après avoir construit et rénové l’ensemble des bâtiments et avoir aménagé l’environnement, la fatigue et la maladie eurent raison de cette aventure.

Didier Merlin se souvient
À 17 ans, cuisinier à l’Auberge du Centre de Chitenay, il aide ses parents au grill pendant ses jours de congés. L’hiver, il exerce sa profession à la montagne, pour la saison. Puis, pendant deux ans, il s’expatrie en Écosse et à Londres.
Il rencontre Anita, une belle jeune fille néerlan­daise qui lui donne un fils, Loïc, en 1997.
Il suit l’exemple de ses parents en travaillant d’arrache-pied pour créer des chambres d’hôtes, quatre gîtes et restauration, à proximi­té du camping actuel qui a été vendu à un nou­vel exploitant après le départ de ses parents. Cette proximité est pour lui le souvenir de son adolescence et des temps heureux.
Certains pensent qu’aujourd’hui encore le camping est géré par la famille Merlin. En fait, Didier Merlin gère une activité de chambres d’hôtes (« La Ferme des Saules ») et le cam­ping des Saules est la propriété de Laurent Cherrier depuis plus de 20 ans.
Il reste le souvenir de trois générations de Merlin : Claude, Michel et Didier, travailleurs acharnés et bâtisseurs ; témoins qu’avec peu de moyens, du courage et de l’opiniâtreté, on peut accomplir de belles choses...

P. D.

Axel Fontaine témoigne

À partir de mes 15 ans, mes vacances à Cheverny étaient indisso­ciables de ma présence au centre équestre des Saules.
Les familles Hermelin et Merlin à Cheverny
Les vacances scolaires ne me permettaient plus de continuer à monter à cheval dans le petit club de Neuilly près du domicile parisien de mes parents. Fortuitement, j’appris que monsieur Claude Merlin, qui était le propriétaire des Saules avec sa femme, venait d’ouvrir un centre équestre plutôt axé sur la promenade. Le passionné d’équitation que j’étais à l’époque fit que je fus le premier client de monsieur Merlin.
Malgré notre différence d’âge, une amitié indéfectible s’est établie entre nous et il m’arrivait même, lorsque ma mobylette était en panne, de me rendre au centre équestre à pied à partir de La Lustière, notre maison de famille à Cheverny (située rue des Juifs, devenue rue de l’Argonne).
Claude Merlin avait une grande confiance en moi, à tel point qu’il me laissait accompagner les randonnées dans la forêt de Cheverny, que j’ai fini par connaître par coeur. Se sentir responsable à 15 ans vaut de l’or.
Les familles Hermelin et Merlin à Cheverny
Catherine Fontaine, soeur d'Axel (premier plan)
et une amie
Comme je passais mes journées aux Saules, j’ai souvent aidé M. Merlin à construire des box pour les chevaux, des clôtures ou participé à la couverture des écuries... Derrière ce bâtiment à gauche vivait son beau-père. Je me souviens encore du nom des chevaux : la jument personnelle de Claude Merlin s’appelait Bella. Il y avait aussi Gavroche, Gitane, Bianca... et l’âne Spirou.
La seconde photo montre la carrière (1) aménagée à l’emplacement du parking actuel. C’est dans cette carrière que Claude Merlin m’avait confié le débourrage (2) d’un jeune étalon. J’étais fier de cette confiance.
Je téléphonais parfois à M. Merlin qui me dit, à la fin de sa vie malgré ses presque 100 ans, « je pense tous les jours à toi » ; car je lui avais offert une étrivière (3) qui lui servait de ceinture.
Ces souvenirs d’adolescence ont marqué ma vie et Claude Merlin a toujours été une référence pour moi.

(1) Carrière : nom du manège extérieur non couvert.
(2) Débourrage : prémisses du dressage.
(3) Étrivière : courroie en cuir fixée sur la selle et qui tient les étriers. 

La Grenouille n°59 - Avril 2023

Bernard Sinet (1934 - 2022)

 Bernard Sinet a fait corps toute sa vie avec son village au point d’engager sa passion et son énergie dans la conduite de sa destinée.

Bernard Sinet (1934 - 2022) - Cheverny
Il est élu pour la première fois au Conseil mu­nicipal de Cheverny le 14 mars 1971. Le 25 mars 1977, il est élu maire pour la première fois, et le restera jusqu’en 2014.
Dans un texte manuscrit datant de 2014 « Mon village, ma vie, notre action », Bernard Sinet revient sur les actions importantes qu’il a conduites durant ses 37 années à la tête de la mairie de Cheverny. Plutôt que d’énumérer simplement les acquis que Cheverny doit à cette période, nous avons tenu à ce qu’il en témoigne lui-même avec ses mots en vous livrant quelques extraits évocateurs de son texte. Au delà des faits, nous pourrons ressen­tir la profondeur de son engagement et de ses convictions.

Bernard Sinet (1934 - 2022) - Cheverny
Bernard Sinet (en 2014) : « En 1977 arrivent les élections municipales et le renouvellement des conseillers municipaux. Je suis tête de liste et obtiens, malgré deux listes concur­rentes et des indépendants, une majorité de 9 élus sur 13, étant élu, seul au second tour. J’ai à la suite conduit 5 fois ma liste en totalité à sa réélection, malgré des listes concurrentes. Il faut dire que notre commune, en 1977, était au plus bas, victime pour une bonne part de ce que l’on a appelé la désertification rurale.../... Nous avons subi la fermeture de l’épicerie, de la boulangerie ; il restait un seul café-bar et un restaurant qui n’était ouvert qu’à la saison touristique ».

À propos du stade de Cheverny : "Le plus beau des stades des petites communes après la libération avait, faute d’entretien, déménagé à Cour-Cheverny"... et des offices religieux : « Le curé ne célébrait plus qu’une messe par an, ainsi que les enterrements, mais pas les baptêmes ni les mariages »...

La fermeture de l’école en 1984 lui a laissé un goût amer, malgré les efforts de l’équipe municipale
« Dans un élan général, regroupés et guidés par l’intérêt communal, nous nous sommes mis au travail. D’abord pour sauver l’école qui n’était pas encore fermée. Nous avons, après un com­bat acharné, échoué... Le porte-à-porte que j’ai personnellement effectué avec l’adjointe en charge de la mise en place d’un ramassage scolaire dans notre grande commune, la mise aux normes d’une classe maternelle (1982), rien n’y a fait... L’Éducation nationale a fermé notre école et ce n’est pas à son honneur. Elle nous a laissé un grand bâtiment inauguré en 1883, de 80 mètres de long dont, dans l’instant, nous ne savions que faire. Je pense que cet épisode, cette bataille, a été mon seul échec, mais douloureux et mal vécu (1) »...

Reconstruire un avenir au village« Nous n’avons pas été découragés, et moi moins que quiconque. Nous avons réinstallé une épicerie-tabac dans les anciens locaux de la mairie (1986) et la mairie dans les bâtiments de l’ancien presbytère (1980-1981), beaucoup plus vastes et plus fonctionnels. Nous avons restauré l’église : toiture, enduit intérieur, élec­tricité, chauffage. Ces travaux ont duré 25 ans (dont la réhabilitation de l’ancien presbytère en 1981, la réfection du caquetoire en 1982, l’électrification des cloches de l’église en 1986, la restauration intérieure de l’église et le chauffage au sol en 1995-1996) ; créé un jardin public (1981) ; réalisé diverses opéra­tions coeur de village dans le bourg que nous voulions exemplaires (dont l’aménagement de la place de l’église et du parking en 1986, l’aménagement de l’accès sud du village en 1998, autour de la mairie en 1999-2000 et réa­ménagement complet de la place de l’église en 2002-2003)

Bernard Sinet (1934 - 2022) - Cheverny
; encouragé les OPAH (2) indi­viduelles ; aidé dans un bâtiment communal à l’installation d’un restaurant ; créé des toilettes publiques qui manquaient cruellement dans une commune touristique ; dissimulé tous les réseaux et installé un éclairage public de qualité ; transformé des bâtiments de l’école en créant quatre gîtes (et la salle des fêtes en 1989-1990) ; une salle pour les associations ; une salle de danse (sous le préau de l’ancienne école des filles en 1996).../... une salle pour les séniors (en 2006, sous le préau de l’ancienne école des garçons) et une réserve ; restauré dans des bâtiments anciens huit logements à faible loyer ; acheté un bâtiment et ses dépen­dances pour abriter les services techniques ; acheté aussi un bâtiment dans le bourg pour  créer un office de tourisme qui, très vite en terme de contacts, devient le second du dé­partement après Blois ; réalisé les cartes pour la distribution de l’eau potable et la lutte conte l’incendie ; étendu le réseau de collecte des eaux usées ; constitué une réserve foncière d’environ 5 ha au sud du bourg et une autre de 8 ha après expropriation pour cause de pol­lution par décharges sauvages. Nous avons réhabilité ce site (Villavrain), replanté, clôturé et offert par convention à une association Mo­toquad et à une autre, hippique celle-là, un ter­rain loin du bourg pour leurs adhérents (1982).

Les grands collecteurs n’ont pas été oubliés et la partie rurale agricole a été défendue par l’éta­blissement, dès la première année de mandat en 1978, le 4 janvier, d’une carte communale opposable pour lutter contre le mitage et la pro­tection des terres agricoles renforcée par un POS (3) en 1984 que l’on n’a pu légaliser qu’en 1994 et dont je tairai les raisons de ce retard...
Nous avons aussi ouvert une voie qui alimente un petit parking à côté de la place de l’église (création de la ruelle de l’Église en 2005-2006)Je crois pouvoir dire qu’en matière d’environ­nement et de protection de la nature, de l’es­pace agricole aussi, notre carte communale et notre POS appelés Cheverny I et Cheverny II sont bien antérieurs aux Grenelle I et II...
Nous avons aussi installé le premier stand de dégustation des vins de Cheverny, alors VDQS, puis classés AOC en 1993.
Bernard Sinet (1934 - 2022) - Cheverny
Le mandat qui va s’achever en 2014 a été peut-être le plus prolifique : achat de vieux bâtiments et installation d’une boulangerie-salon de thé - gros succès (2010-2011)... Et aussi, après 20 ans d’approches difficiles, remodelage de l’avenue du Château (2011- 2012) venant compléter, ou inversement, le parking privé du domaine de Cheverny à l’intention des touristes et des autocars ; amé­nagement du lavoir à destination des touristes, avec bancs, tables, toilettes sèches, gazon ; rénovation des toilettes publiques de la place (2002-2003) ». Et puis aussi la vie culturelle, festive, sportive.../...
Des projets aussi dont certains bien avan­cés.../... d’installation d’un cabinet médical à la demande de médecins et d’infirmiers ; fin de l’enfouissement des réseaux.../...Toutes ces réalisations, ces projets, ce dynamisme pour conserver un bourg authentique et rural nous ont valu d’être reconnus "Station de tourisme" et d’être la première commune de la Région Centre à être distinguée.
À ce dynamisme communal, il faut ajouter la grande professionnalisation du propriétaire du domaine de Cheverny, toujours en avance d’une idée../...».
« Une dernière chose à ajouter : la stabilité des taux des taxes servant au calcul de nos impôts inchangés depuis 1986 et aussi la réduction drastique, la maîtrise de nos frais de fonc­tionnement, clé de voûte de nos possibilités d’investissement.
Pour conclure sur ces 42 années, plus de la moitié de ma vie, (à moins que je ne fasse un centenaire), dont 37 années de maire, j’en retire.../... une certaine fierté. Je suis Chever­nois et fier de l’être. Je vis ici, je suis né ici, au milieu de mes concitoyens et d’amis sûrs ».

Bernard Sinet (1934 - 2022) - Cheverny
Bernard Sinet (1934 - 2022) - Cheverny
En 2014, Bernard Sinet raconte sa jeunesse
« Orphelin de père à l’âge de trois ans, j’ai été élevé par des femmes : ma mère, ma grand-mère, ma soeur. J’ai eu une enfance heureuse. J’ai fréquenté l’école de mon village où j’ai obtenu, à la fin de mes études, le CEP (4) !
J’ai quitté le cocon familial à quatorze ans pour suivre un apprentissage de plombier-chauffa­giste, la profession de mon père décédé, au Centre d’apprentissage à Bourges.

Bon élève sur cinquante de mon année, d’abord troisième, deuxième, enfin premier. Je n’ai pas lâché la première place les deux autres années, trustant pratiquement la pre­mière place dans toutes les disciplines. J’ai ob­tenu mon CAP et suis entré tout de suite dans le monde du travail. Ma mère m’a conseillé, pour apprendre à faire face aux difficultés de la vie que l’on peut rencontrer, de ne pas rester au village.
Mon premier employeur, loin de chez moi, avait le siège de son entreprise à Tours, en Indre-et-Loire, et son rayon d’action était d’en­viron 200 km. J’ai travaillé sur des chantiers de reconstruction en Normandie à Domfrond, à Laval et d’autres petits villages... jusqu’à ma mobilisation sous les drapeaux et mon affec­tation au Maroc, à Port Lyautey, maintenant appelé Kenitra. J’étais pourtant classé « Sou­tien de famille indispensable ». 


Sous les drapeaux
J’ai un bon souvenir de l’Armée, qui fait de vous un homme et vous apprend, si vous ne le savez déjà, le respect et la discipline. J’ai été nommé au grade de caporal, puis caporal chef, puis sergent. Je faisais partie de la Com­pagnie Transmissions du 31régiment du Gé­nie. J’étais titulaire des brevets télégraphiste 151 et 251 et téléphoniste 111 et 211. J’ai tra­vaillé par épisodes sur les réseaux "Place", ré­seaux professionnels, avec des télégraphistes de métier, et je dois vous avouer que je ne me sentais guère à l’aise. Et quelquefois, j’avais du mal à suivre.
J’ai participé à la campagne du Rif avant l’in­dépendance de ce pays et le retour de Moha­med V au pouvoir, et au maintien de l’ordre lors des événements de Meknès en 1956. J’ai été démobilisé en août 1957, soit après trente mois, permissions comprises.

Bernard Sinet (1934 - 2022) - Cheverny
Retour à la vie civile
Rendu à la vie civile, j’ai repris mon métier aux Établissements Galloux à Blois un an, puis aux Ets. Broudic où j’avais demandé à faire équipe avec les meilleurs compagnons de l’entreprise, avant de devenir chef de chantier. J’y suis resté quatre ans, pour revenir aux Ets Galloux encore quatre ans, jusqu’en 1968, année où je décide de créer mon entreprise. Seul d’abord avec un apprenti, pour ensuite employer jusqu’à dix ouvriers. J’ai formé en moyenne un apprenti tous les deux ans qui ont tous - je ne me rappelle pas d’échec - obtenus leur CAP : ou en plomberie, ou en chauffage, ou en électricité. Pour quelques-uns, les trois...
Je me suis marié en 1961 à l’âge de 27 ans, ma femme en avait 20. Nous avons eu trois enfants, une fille et deux garçons. Ma femme m’a aidé dans l’entreprise.../... Nous avons ou­vert à côté de l’entreprise un magasin Catena qu’elle tenait seule (1984 à 2000). Un gros tra­vail et une grosse activité.
Nous habitons encore maintenant la maison de mon enfance : où je suis né, où j’ai grandi, et que j’ai restaurée ».

Bernard Sinet était né à Cheverny le 3 avril 1934. Il est décédé le 22 octobre 2022.

J.-P. T

Bernard Sinet (1934 - 2022) - Cheverny
Nous ne pouvons pas évoquer Bernard Sinet sans parler de sa passion pour les abeilles depuis l'âge de 14 ans. Voir notre article paru en juillet 2019 dans La Grenouille n°44.
Un autre article avait été consacré à Bernard Sinet dans La Grenouille et repris dans le livre « Les grandes heures de Cheverny et Cour-Cheverny en Loir-et-Cher... et nos petites histoires ». Éditions Oxygène Cheverny - Novembre 2018 - « Mon village : Cheverny » pages 176 à 178.

Sources :
Merci à Maryse Sinet de nous avoir permis de diffuser quelques extraits des écrits de son mari ainsi que des pho­tos de Bernard Sinet, et à Violette Rousvoal, secrétaire de mairie à Cheverny de 1967 à 2007 et Conseillère munici­pale de 2008 à 2014, qui a fourni beaucoup de renseigne­ments sur les réalisations communales de cette période.

(1) Le Conseil municipal réuni en session extraordinaire a décidé de ne pas tenir le bureau de vote le 17 juin 1984 suite à la décision de l'Académie de fermer l'école de Cheverny.
(2) OPAH : Opération programmée d’amélioration de l’habi­tat.
(3) POS : Plan d’occupation des sols.
(4) CEP : Certificat d’études primaires.

Bernard Sinet (1934 - 2022) - Cheverny

Bernard Sinet (1934 - 2022) - Cheverny

Bernard Sinet (1934 - 2022) - Cheverny

La Grenouille n°58 - Janvier 2023