La saga de la famille Cazin à Cheverny et Cour-Cheverny

Préambule
Les familles Cazin sont les plus représentées aujourd’hui dans le nord de la France et dans le Loir-et-Cher :

  • 157 Cazin à Boulogne-sur-Mer ;
  • 111 dans le Loir-et-Cher, dont 35 à Cour- Cheverny et 22 à Cheverny.

L’origine du nom de famille, Casini-Cazin, trouverait son origine en Italie. Étymologiquement, il désignerait une petite maison.
Notre recherche s’est concentrée sur les trois sites où sont encore établies ces familles :

  • Cour-Cheverny, « La Préasle », avec les descendants d’Edgar et Bernard ;
  • Cheverny, « Les Galochères » et « Poely » ;
  • Cour-Cheverny, « Chercherelle », « Les Murblins ».

La saga de la famille Cazin à Cheverny et Cour-Cheverny
La saga de la famille Cazin à Cheverny et Cour-Cheverny
Les Cazin de Cheverny aux «Galochères »
Gérard et Pierrette Cazin ont repris une partie des terres du domaine de Cheverny en gestion à partir de 1970. Le domaine appartenait à l’époque à Philippe de Vibraye et c’était la septième génération de Cazin qui prenait le relais de l’exploitation agricole.
En cette fin du XXe siècle, Gérard cultivait aussi les terres de La Bouletière et le lieudit Les Vallées qui se trouve en face, ainsi que les terres de Chantreuil, soit en tout environ 55 hectares qui s’ajoutaient aux 20 hectares que possèdent Gérard et Pierrette Cazin en pleine propriété. À l’époque, une grande partie de ces terres était plantées en vignobles alors que Gérard était plutôt tourné vers l’élevage et les céréales.
La famille Cazin habite toujours la maison qu’occupaient déjà ses ancêtres au XVIIe siècle. C’était alors une closerie qui hébergeait plusieurs closiers qui travaillaient pour le domaine. Dans la partie la plus ancienne existe encore aujourd’hui une superbe charpente réalisée sur le modèle de celle des communs du château par les mêmes maîtres artisans de l’époque, en coque de bateau retournée. Cette maison a encore ses cloisons et son plancher supérieur en torchis d’origine. L’habitation était composée de petites chambres uniques qui hébergeaient les compagnons qui participaient à l’édification du château. La toiture originelle était très basse. Elle fut surélevée en 1921 par le grand-père de Gérard.
Il est probable que ces bâtisseurs étaient des Italiens venus de Lombardie. Ils s’étaient établis avec leurs familles à quelques kilomètres au sud de Cheverny au lieudit baptisé depuis « Les Lombardes ». Les Casini sont devenus les Cazin, avec quelques variantes orthographiques...

Petite anecdote
Paul, le père de Gérard, lors de travaux nécessités après une tempête, a retrouvé dans la toiture de la vieille batisse, une grande quantité d’amandes. Le lieudit s’appelle « Les Galochères », mais se nommait précédemment « Les Amandiers » (près du cimetière actuel de Cheverny). De nombreux amandiers plantés à cet endroit fournissaient de la nourriture à une multitude de rongeurs qui constituaient des réserves pour l’hiver dans les combles de l’habitation. À noter que huit hectares à l’angle de la route de Fougères et de la route de Contres côté Galochères, n’ont jamais appartenu au domaine de Cheverny mais toujours à la famille Cazin depuis leur installation à Cheverny.

La saga de la famille Cazin à Cheverny et Cour-Cheverny
La destruction du stade de Cheverny
L’hiver 1972 était rude. Une troupe de « gens du voyage » s’est abritée dans les tribunes du stade. Gérard a été le témoin du démontage des parties en bois que les squatters brûlaient pour se réchauffer. Philippe de Vibraye, en constatant l’étendue des dégâts occasionnés, demanda par la suite à Gérard de finir de démanteler les tribunes ruinées du stade qui avait été construit quelques décennies auparavant par la scierie Deterne.
L’histoire du domaine de Cheverny, des familles de Vibraye et Cazin sont intimement liées. Anette, la soeur de Gérard, et son mari André Levant ont travaillé sur le dommaine de Cheverny toute leur vie active.

La généalogie des Cazin
La saga de la famille Cazin à Cheverny et Cour-Cheverny
Entre les deux guerres, juste avant les trente glorieuses, la population des villages était constituée essentiellement d’agriculteurs. Ils se déplaçaient peu et à proximité de leur exploitation. Ils trouvaient leurs compagnes ou leurs compagnons dans un petit périmètre.
Ainsi, Lucien Léopold Cazin, dit Edgar, né en 1901, épousa Maximilienne Cazin, née la même année... qui donneront une autre branche à l’arbre généalogique de la famille. Nous y reviendrons dans le prochain numéro de La Grenouille.

Témoignage d’enfance de Charles-Antoine de Vibraye
« Le nom de la famille Cazin résonne avec une vive émotion à mes oreilles d’adulte mais surtout d’enfant. Historiquement, Paul Cazin exploitait, entre autres, les terres agricoles du Domaine et familialement, leur fille Annette était entrée très jeune et par vocation au service de mes parents. Par son dévouement et son affection sans limite, elle est vite devenue notre seconde maman ! Et, c’est avec joie et impatience, qu’à l’occasion des absences de nos parents, nous partions, mon frère et moi, en vacances à la ferme, et plus précisément aux Gallochères. Nous y avons vécu de délicieux et inoubliables moments de convivialité et d’émerveillement au milieu de fascinants tracteurs et du cochon dont il suffisait de gratter le dos pour qu’il s’endorme ! ».

P. D.

La Grenouille n°65 – Octobre 2024

Le château de la Favorite entre 1901 et 1918

L’été 1901, le château de La Favorite, à Cour-Cheverny, est loué par Juliette Foissy qui y habite avec ses deux soeurs et sa mère. De 1902 à 1914, la veuve du vicomte d’Ouvrier, propriétaire du château, loue alors La Favorite au comte Henri de Vibraye, frère du propriétaire du château de Cheverny.

Le contrat de location est établi pour douze ans à partir du 1er mai 1902.
Monsieur et madame d’Ouvrier eurent deux fils : Raoul et Georges. L’aîné, Raoul d’Ouvrier de la Saigne et son épouse née Robyns de Leu, de nationalité belge, hérite du domaine et le vend en 1916. Raoul-Théodore d’Ouvrier a été, avec son épouse, très engagé dans l’accueil des réfugiés belges qui, en 1914, ont dû fuir la Belgique envahie par l’armée allemande. Il fut, entre autres, président d’une association active dans ce domaine et établie à Blois.

En juin 1918, les époux Huillet, Jean-Baptiste et Jeanne, achètent le château (1).
En 2001, Françoise d’Ouvrier, arrière petite fille de Raoul-Théodore et épouse du baron Boels qui vit à Waterloo, en Belgique, s’est présentée avec son époux à La Favorite pour revoir la demeure où des photos de leurs aîeux avaient été prises. En avril 2024, la famille est revenue séjourner quelques jours en Sologne. Le château de La Favorite héberge actuellement la bibliothèque municipale de Cour-Cheverny.

J.-P. T.

Merci à Françoise d’Ouvrier et à son époux, pour nous avoir permis de publier le souvenir du passage de leurs ancêtres au domaine de La Favorite.

(1) Voir « Cheverny et Cour-Cheverny en Loir-et-Cher... et nos petites histoires ». Éditions Oxygène Cheverny - Nov. 2018 : page 192 « Un puisatier au domaine de La Favorite ».













La Grenouille n°65 – Octobre 2024

La famille Ducolombier connaît la musique

La famille Ducolombier
Le gène de la musique ?
On peut s’en persuader quand on constate que sur 33 membres de cette famille en descendance directe répartis sur 4 générations, on rencontre 16 musiciens qui ont fait, ou font encore, profiter nos communes et les communes voisines de leurs talents d’instrumentistes… Mais il ne s’agit pas que de musique…

La famille Ducolombier
Louis, l’ancêtre…
Parlons déjà du plus ancien Ducolombier connu à Cheverny : Louis Paul, né le 5 août 1911 à Fresnes et décédé en 1975, à l’âge de 64 ans. C’était à l’époque l’âge de la retraite, dont il n’a donc pas profité… On le surnommait « P’tit Louis » et il était bien connu dans le village où il travaillait souvent, du fait qu’il était employé aux Ponts et Chaussées comme cantonnier (1). Mais il travaillait également dans de nombreuses autres communes du canton, se déplaçant la plupart du temps en cylomoteur…
Il épouse Renée Louise Delétang le 5 juin 1937, qui lui donnera huit enfants : deux filles, Jeanine, née en 1938 et Paulette, et six garçons : Guy, Jean-Claude, Daniel (tous trois décédés), Yves, Michel et Pascal, le petit dernier, né en 1961.
Louis était un personnage à multiples facettes : on raconte même dans la famille qu’il savait changer les couches des enfants, ce qui était rare à l’époque pour les hommes…
Il était pompier volontaire, à l’époque à la caserne de Cheverny. Il jouait du clairon au sein de la Lyre de Cheverny / Cour-Cheverny, depuis les années 50 et jusqu’à son décès. On peut donc affirmer que c’est lui qui a transmis l’excellent virus de la musique à sa nombreuse descendance...  

La famille Ducolombier
La famille Ducolombier
Musicien de père (et mère) en fil(le)s
C’est une réalité puisqu’on compte quatre musicien(ne)s parmi les enfants de Louis (Guy, Jean-Claude, Daniel et Pascal, tous quatre à La Lyre), et même cinq avec Michel qui a joué aux Mirlitons (2), quatre dans la génération suivante (petits enfants) et six autres parmi les arrières-petits-enfants :
• les deux fils de Daniel, musiciens à La Lyre nous ont hélas quittés : Stéphane, mort accidentellement en 1991 à l’âge de 19 ans et son frère Hervé décédé en 2022 de maladie à l’âge de 49 ans,
• leur soeur Valérie est musicienne aux Fanfarons à Contres avec ses enfants Corentin et Faustine, et Antoine, bientôt musicien,
• Carole, la fille de Guy, est également musicienne à La Lyre, tout comme ses enfants Nathan et Marion. Elle a commencé très jeune, comme cantinière (3) portant le tonnelet à l’avant des défilés, tout comme Valérie sa cousine. Lors du bicentenaire de la Révolution en 1989, Carole a défilé sur les Champs- Elysées avec deux autres musiciens de la Lyre au tambour : Laurent Cazin et Bertrand Hermelin,
• sans oublier Louis, le fils d’Hervé qui porte le beau prénom de son arrière-grand-père et a créé son groupe de musique pop rock électro TTG.

Des personnages de nos villages
Nous ne pourrons pas tout vous dire sur cette nombreuse famille, mais nous évoquerons quelques-uns de ses membres…
Jeanine, l’aînée a épousé Emilio Arias (décédé) avec qui elle a eu deux enfants, Jean-Michel et Jean-Marc. Elle a longtemps été « nounou », à qui l’on confiait la garde d’enfants.
Paulette, la seconde, a épousé James Gervais ; c’est la mère de Thierry, Sylvia, Christophe et Karine. Elle aussi a été « nounou » pendant de nombreuses années.
Guy, décédé en 2001, était fontainier (4) au Syndicat intercommunal d’adduction d’eau potable (SIAEP) de Cheverny / Cour- Cheverny, après avoir fait son apprentissage chez M. Buffet, plombier à Cour-Cheverny. Il était l’époux de Christiane Mathot (et père de Carole et Magalie), qui fut elle aussi employée à ce même syndicat pendant 18 ans. Il a joué du tambour de très nombreuses années à La Lyre, dont il fut également le trésorier. Pendant son service militaire, il avait joué au sein de la Musique militaire du Mont Valérien. Il a également formé Laurent Cazin au tambour et celui-ci en garde un excellent souvenir… Il fut également pompier volontaire à la caserne de Cour-Cheverny, et membre actif de l’Amicale des Loisirs de Cheverny, comme son épouse.

La famille Ducolombier
Jean-Claude, dit Camille (mais on ignore l’origine du surnom), était peintre en bâtiment chez Jean Fançois (entreprise de Cheverny). Il a fini sa carrière au service d’entretien de la ville de Blois. Il jouait du clairon au sein de la Lyre.
Daniel, marié à Françoise et père de Stéphane, Hervé et Valérie, a marqué l’histoire de la Lyre de Cheverny / Cour-Cheverny. Il y est entré en 1960 à l’âge de 12 ans, et ne l’a jamais quittée. Trompette et clairon de formation, il jouait également de la trompe de chasse. Il a assuré la fonction de secrétaire sur une longue période. Ses amis gardent aussi le souvenir de ses talents de cuisinier, qui lui venaient de son premier métier de charcutier (en ayant fait son apprentissage chez M. Geniès), avant d’être employé au domaine de Cheverny à l’entretien de la forêt. De nombreuses médailles lui ont été attribuées, dont celle de vétéran CMF (Confédération Musicale de France) qui lui a été remise en novembre 2014 lors de la Sainte Cécile (5) pour 53 ans d’activité musicale... Hélas, quelques semaines plus tard, au début du défilé de la Saint Vincent à Cour-Cheverny, le 24 janvier 2015, il est victime d’un malaise et décède peu après, à l’âge de 66 ans. Tous ses proches ont évoqué le fait que « s’il avait su mourir en jouant de la musique, il aurait signé tout de suite… ». À noter également qu’une de ses plus grandes fiertés était d’avoir contribué, avec M. de Sigalas, à faire venir la Musique de la Garde républicaine à Cour-Cheverny en 1990 à l’occasion du centenaire de la Lyre (6).
Yves, marié à Marilyse et père d’Arnaud, qui habite à Fresnes, a fait toute sa carrière comme couvreur à l’entreprise Renoux à Chitenay… Lui n’a pas été touché par le virus de la musique, mais il a eu d’autres passions comme le rugby qu’il a pratiqué de nombreuses années à Bracieux…
Michel et Pascal sont bien connus des Chevernois car ils habitent au centre bourg et font partie du paysage villageois…
Michel a fait son apprentissage chez André Auger, artisan serrurier ferronnier installé en bas du village de Cour-Cheverny, puis a été embauché à la CEIC (7), puis chez Raymond Leroux forgeron avenue de la République à Cour-Cheverny et à l’entreprise Galloux à Blois. Il a ensuite changé de métier puisqu’il devient jardinier chez James Gervais, paysagiste à Blois, puis s’installe à son compte en 1992 avec son frère Pascal pour créer l’entreprise « Ducolombier Frères » qui a mené une activité d’entretien de jardins jusqu’en 2021.
La famille Ducolombier
Michel a lui aussi été musicien, puisqu’il a fait partie des Mirlitons, comme Guy et Pascal…
Pascal a d’abord été couvreur pendant quatre ans à l’entreprise Mauny à Cour-Cheverny, puis a intégré l’entreprise de James Gervais pour l’entretien de jardins, avant de rejoindre Michel au sein de « Ducolombier Frères ». Il a joué du clairon à La Lyre pendant quelques années et pratiquait également la trompette de cavalerie.
Stéphane, le fils de Daniel, hélas parti très jeune comme déjà évoqué, était menuisier chez Darnaud meubles à Blois… Il jouait du clairon au sein de la Lyre.
Hervé, son frère, a également beaucoup contribué au succès de la Lyre… Très tôt, il suit les pas de son père Daniel, et a reçu lui aussi la médaille CMF, celle des 30 ans. L’hommage qui lui a été rendu lors de ses obsèques en octobre 2022 par ses amis musiciens témoigne de sa contribution à la vie musicale locale :
« …/… Dans nos communes de Cheverny et Cour-Cheverny, lorsque le nom de "Ducolombier " est évoqué, il est forcément question de musique. Très jeune, tu suis ton papa dès qu’il sort son clairon, tout comme Stéphane ton frère et Valérie ta soeur. Tes oncles, cousins et cousines ne sont pas en reste. Ta maman suit, c’est l’intendance, elle porte vos vêtements. Les années passent, puis te voilà papa ! C’était une évidence, le petit allait être musicien et la maman aussi ! Louis et Florence se retrouveront bientôt avec une guitare entre les mains, ce qui d’ailleurs vous permettra de passer de beaux moments ensemble.
Tu étais très attaché à la bonne tenue des cérémonies officielles, ce qui était très remarqué. À ce sujet, ton appel pour la "Berloque" (8) va bien nous manquer. Les prestations de banda étaient pour toi signe de détente, de bonne humeur et de communion avec le public. Pour n’en citer que deux, il fallait voir ton entrain lors de l’animation des matchs de rugby et des festivals de bandas. Ta joie était communicative ! …/… À la Lyre et D’Lyre, il restera tout ce que tu as semé, que du bon ! C’est grâce à des personnes comme toi que notre bonne vieille société va atteindre ses 133 ans en janvier prochain !
Nous te remercions pour tout ce que tu as apporté à La Lyre, pour tes paroles réconfortantes les jours moroses, pour ta gaieté les jours de fête, pour tes bons conseils …/...».

La famille Ducolombier

D’autres points communs : employé communal, une vocation dans la famille
On trouve parmi les Ducolombier ou leurs conjoint(e)s plusieurs employés communaux : à Cheverny, on peut citer Sylvain Loiseau (surnommé « Le Piaf », ou « Le Moineau »), époux de Karine (la fille de Paulette), bien connu des Chevernois car en activité chaque jour de la semaine aux quatre coins du village, avec son collègue Cédric.
À Cour-Cheverny, Thierry Gervais, le fils de Paulette, fait partie du personnel technique (et est également pompier volontaire), tout comme Patrice Dubreuil qui est l’époux de Valérie, fille de Daniel… Sans oublier Guy et Christiane qui furent employés au Syndicat intercommunal des eaux.

Pompiers volontaires
Là aussi, comme déjà évoqué, la famille Ducolombier est bien représentée, puisqu’on retrouve parmi eux Louis, Guy et Thierry.

Au sein du monde associatif…
On peut également remarquer l’investissement de plusieurs membres de la famille au sein des associations : Jean-Claude à Sologne Roumanie, Christiane, Michel, Guy et Thierry au sein de l’Amicale des Loisirs de Cheverny.

La famille Ducolombier
Autres caractéristiques de la famille, l’ancrage local...
De nombreuses familles se dispersent géographiquement au fil des décennies. Ce n’est pas le cas chez les Ducolombier. L’ancrage local se traduit aussi en chiffres : parmi les 33 membres de la famille en descendance directe sur quatre générations, 31 demeurent (ou ont toujours demeuré pour les personnes disparues…) dans un rayon de moins de 15 km autour de nos communes… Encore une preuve qu’il fait bon vivre dans notre territoire, et les Ducolombier y contribuent !…

… ainsi que l’humour et la convivialité !
La Grenouille vous le confirme : on ne s’ennuie pas avec les Ducolombier !

Toute une époque
Pour compléter cette histoire familiale, Florence Ducolombier et Éric Dussuchal, nous ont apporté leurs témoignages concernant cette famille attachante et le village de Cheverny dans les années 80-2000…

Florence Ducolombier nous apporte son témoignage

Florence Ducolombier : « Sans détailler ce qui m’a conduite à travailler à l’épicerie de Cheverny (9) en 1992, je peux dire que c’est cet emploi qui m’a permis d’entrer dans cette belle et grande famille. Même si pourtant rien n’était prévu, ni évident…
Bref, en premier j’ai connu Daniel, dit « pépère » à l’époque. Il travaillait dans la forêt du château de Cheverny. Il venait boire un petit café lors de sa pause du matin et un p’tit kir le midi quand il récupérait son pain. Sacré bonhomme, parfois ronchon, parfois très drôle... J’ai ensuite connu sa fille Valérie ; toute jeune, elle venait travailler avec nous pendant la saison estivale. Du même nom de Ducolombier, il y avait la grand-mère Renée qui venait avec sa fille Jeanine acheter deux ou trois bricoles. Je fis alors la connaissance de Françoise, l’épouse de Daniel... La liste s’allongeait, et décidément cette famille, je la trouvais bien sympathique. Et de semaine en semaine, il en venait de nouveaux ! Au "porche bleu" [c’est ainsi qu’on désignait la maison des Ducolombier à Cheverny] vivaient donc : Jean Claude (dit Camille), peintre à Blois, Michel et Pascal les paysagistes, les trois célibataires de la couvée.
Et à l’époque Renée gérait ses garçons ! Louis était décédé quand je suis arrivée et malheureusement je n’ai pas eu la chance de le connaître. Mais plus tard, on m’a raconté que c’était un super papa et que le dimanche on le voyait parfois avec son Solex et une petite remorque balader ses "marmots" dans la plaine des Coudas ».

La famille Ducolombier

La rencontre avec lui…
F. D. : « Et puis un jour où je travaillais avec Valérie, alors que nous lavions les verres après un gros service, un jeune homme est entré dans l’épicerie. Je lui ai souri aussitôt. Il a acheté des cigarettes, m’a rendu mon sourire, et j’ai dit à Valérie : "J’adore ce garçon". Elle m’a grondé en me disant : "Whaouh Florence, tu es en couple, et lui, c’est mon frère Hervé". La suite on la connaît…, vingt-quatre ans d’amour et d’amitié ! ».

... et avec la famille…
F. D. : « En décembre 2000, cela faisait deux mois que nous vivions ensemble. Je connaissais à présent la plus grande partie de la famille. Sur Cour-Cheverny, il y avait Guy "le monsieur de l’eau". Il était d’une gentillesse incroyable, marié à Christiane et papa de Magalie et Carole. Il y avait aussi Paulette, maman de Sylvia, Thierry, Christophe et Karine. Guy, frère de Daniel, travaillait à la commune et Paulette, la deuxième soeur, gardait les bambins (tout en élevant les siens…). Enfin je connus Jeanine l’aînée de la fratrie qui, elle, habitait à Cheverny à côté de chez Daniel au lieudit les Quatre Vents (10). Elle était mariée avec Emilio et avait deux fils, Jean-Michel et Jean-Marc. Enfin je fis la connaissance du dernier frère, Yves, qui habitait Fresnes et était marié à Marie-Lise et avait un fils, Arnaud. Je raconte à l’imparfait car malheureusement Guy, Emilio, Jean Claude, Stéphane (le fils de Daniel et Françoise), Daniel et à présent Hervé nous ont quittés pour rejoindre les étoiles…

Des valeurs attachantes
F. D. : « Il m’a fallu du temps pour me rappeler des prénoms de tous, parents, enfants, neveux, cousins... Mais par contre, de toute ma vie, je n’avais jamais ressenti un tel élan familial et de générosité.
Un seul mot d’ordre : soutien ! et viennent ensuite : amitié, simplicité, affection, partage, aide, écoute, droit chemin et beaucoup de courage… Je crois que toutes ces valeurs, Jeanine, Paulette, Guy, Jean Claude, Daniel, Yves, Michel, Pascal les ont reçues en héritage de leurs parents Louis et Renée.
Et sans eux, je n’aurais jamais su ce qu’étaient les vraies valeurs humaines, moi qui avais été élevée autrement...
Ici pas de richesses monnayables. Pas de terres, pas de bois, mais une autre richesse : celle de l’hospitalité !
Quand tu as compris ça, pas besoin d’en rajouter, tu es chez les Ducolombier… : "Viens si tu veux, viens quand tu veux, ris ou pleure si tu veux, parle ou tais-toi, comme tu veux ! Personne ne t’en voudras !"
En résumé je suis fière de porter ce nom depuis plus de 22 ans et même si mon plus grand malheur est d’avoir perdu mon plus cher des Ducolombier à mes yeux, je resterai et mourrai Ducolombier... Et mon Louis à moi perdurera dans ce sens ! Avec toute mon affection ».

Florence. 

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Éric Dussuchal nous apporte également son témoignage

La famille Ducolombier
Le témoignage de Florence nous en a amené un autre, celui d’Éric Dussuchal qui a tenu l’épicerie snack « Aux Caprices de Sologne » dans les années 80.
E. D. : « 24 ans après mon départ de Cheverny, je garde encore d’excellents souvenirs de cette période de 1989 à 2000. Lorsque j’ai racheté à Mme Landelle cette petite épicerie de village, en janvier 1989, j’ai décidé tout de suite d’améliorer le service en installant dans la boutique une chambre de pousse (11) et un four à pain pour cuire sur place. Suivait l’amélioration intérieure du point de vente par un grand stand de coupe charcuterie et fromage. Je récupérais par la suite le Tabac d’en face (Tabac salon de coiffure de l’époque tenu par Martial Leveau et sa fille Arlette). Après quelques années de service tabac, les douanes décidèrent de regrouper le tabac à Cour-Chevreny. L’arrière-boutique qui me servait de bureau tabac allait devenir une petite salle de snack avec une extension terrasse sur la cour intérieure.
La famille Ducolombier
Tous les matins, dès 6 h, le premier client arrivait : Nono allias Joly Bois (surnom de vènerie). On buvait le café ensemble, et suivait Daniel Ducolombier ; il klaxonnait devant la boutique, je sortais, il me criait : "Tu me gardes deux baguettes pour midi et tu me feras un congé !" ; j’avais compris… Je mettais du blanc au frais. Je n’avais plus de tabac mais toujours un "congé" au frais pour Daniel, Pascal, Michel et parfois Jean- Claude. Le soir, si Daniel n’avait pas le temps de s’arrêter, il klaxonnait en passant et si Pierrick (mon fils de deux ans) était devant la boutique, il le saluait en levant son petit bras. Cela faisait rire Daniel. 
Avec l’apport du snack, nous embauchions pour l’été des jeunes de Cheverny. Bien sûr il y a eu Florence Ducolombier, surnommée Moumoune, qui faisait plus que l’été, Valérie Ducolombier qui s’est d’abord occupée de Pierrick avant de travailler au snack et sans oublier nos jeunes étudiants Serge, Diane, Laure, Anne Laure, Bernadette, Christelle et Chantal. Après la saison, Cheverny redevenait plus calme et l’épicerie snack que j’avais baptisée "Aux Caprices de Sologne" devenait le lieu de rencontre où l’après-midi Martial venait taper le carton. En fin de journée Daniel, Florence et parfois Pascal et Michel se joignaient à nous pour établir un "congé" et entendre Martial nous chanter La Youska (12).

Voilà ce qu’était Cheverny à l’époque de l’Epicerie Snack Aux Caprices de Sologne ».

Éric Dussuchal

Merci à Florence Ducolombier d’avoir lancé La Grenouille sur l’histoire de cette famille attachante et à tous ses membres que nous avons rencontrés, ainsi qu’à la famille Dussuchal, qui nous ont permis de rassembler ces souvenirs et reconstituer ainsi une page de l’histoire de nos communes.

P. L.

(1) Cantonnier : autrefois, ce terme désignait les employés du service des Ponts et Chaussées chargés de l’entretien des routes et de leurs abords.
(2) Les Mirlitons : un joyeux groupe musical et festif de Cour-Cheverny, dans les années 80 / 90 - Voir « Cheverny et Cour-Cheverny en Loir-et-Cher… À la poursuite de notre histoire » - Éditions Oxygène Cheverny 2022 - page 238 « Les Mirlitons ».
(3) Cantinière : dans l’histoire militaire, les cantinières et les vivandières ont accompagné les armées sur le champ de bataille, remplissant diverses missions pour les soins, l’intendance, l’alimentation, l’habillement, etc., y compris pour l’approvisionnement en eau-de-vie pour remonter le moral des troupes, contenue dans un tonnelet que les cantinières portaient en bandoulière. Nos fanfares actuelles ont souvent une lointaine origine militaire, et la tradition de la cantinière en début de défilé (comme le porte-drapeau) a été longtemps conservée et existe encore en certains endroits.
(4) Le fontainier est responsable de la surveillance et de l’entretien du réseau d’un distributeur d’eau.
(5) Sainte Cécile est la patronne de la musique et des musiciens. Elle est célébrée le 22 novembre.
(6) et (7) Voir « Cheverny et Cour-Cheverny en Loiret- Cher… À la poursuite de notre histoire » - Éditions Oxygène Cheverny 2022 - page 228 « Ces hommes et ces femmes qui ont fait et qui font La Lyre » - page 187 « La Taverne Berrichonne » et page 170 « Début de carrière à Cheverny dans les années 60 ».
(8) Breloque (on dit aussi berloque) : sonnerie de clairon ou batterie de tambour utilisée autrefois pour faire rompre les rangs à une troupe rassemblée (Larousse).
(9) Il s’agit de l’épicerie snack « Les Caprices de Sologne » tenue à l’époque par Eric Dussuchal. Son frère Christian tenait le restaurant voisin « Le Pousse Rapière ». En juillet 2000, Fabienne Lejot rachète l’épicerie, puis le restaurant en avril 2002. Elle fusionne les deux établissements (qu’elle a tenus jusqu’en janvier 2018) et le restaurant devient « La Cour aux Crêpes » (aujourd’hui « La Cour des Rois »). À cette époque, était également installé au centre de Cheverny le restaurant « Le Pichet » tenu par Daniel Bichot (et auparavant par M. et Mme Brulard), devenu aujourd’hui « Le Pinocchio ».
(10) Les Quatre Vents : curieusement, ce lieudit ne figure pas sur les cartes actuelles ou plus anciennes. Il existe pourtant bel et bien, comme le confirme le panneau implanté entre les lieudits « Le Pavillon » et « La Cour Pavée » sur la route de Cellettes (dénommée « Chemin Trotin » sur le cadastre napoléonien de 1815).
(11) Chambre de pousse : armoire permettant de stocker les pâtes à des températures contrôlées afin de maîtriser leur fermentation.
(12) « La Youska » : il s’agit en fait de la chanson «La Machtagouine» créée par Gaston Ouvrard, dit Ouvrard, auteur-compositeur-interprète comique français (1890- 1981) : https://www.youtube.com/watch?v=Th34ph21RRo


La Grenouille n°65 - Octobre 2024

Cour-Cheverny et la famille Ouvrard

Dominique Ouvrard est né en 1953 à Cour-Cheverny et y a toujours habité ; il a donc une bonne connaissance du village et de ses habitants. Il nous a ouvert ses archives et permet ainsi à La Grenouille de compléter certains sujets déjà publiés dans nos colonnes et de découvrir de nouvelles informations concernant nos villages en général et sa famille en particulier.

La famille Ouvrard à Cour-Cheverny
Dominique nous a évoqué sa longue carrière d’électricien chauffagiste : après trois ans d’apprentissage aux établissements Boireau à Cour-Cheverny, il a passé 40 ans, de 1972 à 2012, au service de l’entreprise de Bernard Sinet, devenue « Entreprise Nouvelle Sinet » en 2000. Cette entreprise a été reprise en 2014 par Axel Féron sous le nom Sogeclima sas. Et la boucle est bouclée, car c’est Dominique qui a formé Axel comme apprenti dans les années 2000…

La famille Ouvrard à Cour-Cheverny
Une histoire de famille
Nous commençons par découvrir cette photo datant de 1923 ou 24, prise devant la boutique de son arrière-grand-père Vrain (1) Alphonse Pelletier, installé comme bourrelier au 57 (2) rue Nationale à Cour-Cheverny, avec leur petit-fils Serge, le père de Dominique. Le bâtiment ancien, vétuste, a été démoli dans les années 70 et un nouvel immeuble a été reconstruit au même endroit, où s’est installée la librairie maison de la presse Lesage. Le restaurant « La Station » y est ouvert depuis quelques années.

La famille Ouvrard à Cour-Cheverny
Un mariage qui se présentait mal
La fille d’Alphonse et de Victorine, Marie- Louise (1891-1926), épousera Georges Ouvrard (1887-1968).
Ce mariage est un petit miracle, ou le résultat d’une volonté farouche du couple pour s’unir, car l’affaire se présentait mal, comme nous l’indique une lettre du beau-frère de Georges (le mari de sa soeur), adressée aux parents de la future mariée deux ans auparavant (voir cicontre)… Cette correspondance présente un caractère intime, mais nous avons fait le choix de la publier, avec l’autorisation de Dominique, car elle permet d’évoquer certains usages d’il y a plus d’un siècle et depuis longtemps révolus.… Son contenu peut surprendre, mais il faut savoir qu’à cette époque, selon la loi du Code civil napoléonien de 1804, il fallait, pour se marier, le consentement des parents de la demoiselle si elle avait moins de 21 ans, et de ceux du monsieur s’il avait moins de 25 ans (3). On peut donc c o m p r e n d r e que l’auteur de cette lettre a agi en son âme et conscience, en assumant les responsabilités qui étaient les siennes vis-à-vis de Georges. Et ce n’est que deux ans et demi plus tard, le 6 mai 1911, que Marie-Louise épouse Georges à la mairie de Cour-Cheverny...

« Châtellerault [la famille Ouvrard est originaire de la Vienne], 18 décembre 1908 Monsieur Pelletier, Ayant eu connaissance de plusieurs lettres de votre demoiselle écrites à mon beaufrère Georges Ouvrard dont j’ai été le tuteur, je viens vous informer, comme vous le savez probablement déjà, qu’il vient de s’embarquer pour Saïgon. Je n’ai pas l’honneur de vous connaître, mais cependant je me fais un devoir de vous donner un conseil, c’est celui de faire renoncer votre demoiselle aux projets de mariage qui ont été faits sans mon accord avec mon beaufrère. …/… D’abord, vous savez qu’il n’a pas l’âge de se marier et d’autre part son engagement de 5 ans dont il lui reste 3 à faire ne lui permettrait pas de se lier. C’est par là qu’il aurait du reste, dû commencer ; son âge et le temps lui restant à faire aux Colonies auraient dû l’empêcher, s’il était sérieux, de faire des promesses qu’il sait ne pouvoir tenir. Certes Georges est un bon garçon, mais il n’a rien de ce qu’il faut pour se mettre en ménage, il est excessivement volage et je ne serais pas autrement surpris que vous vous en aperceviez bientôt. En outre, il ne sait pas travailler et il est incapable de gagner sa vie et il n’a aucune instruction. C’est du reste la raison pour laquelle le conseil de famille s’est réuni en vue de le faire s’engager pour y faire sa carrière militaire car dans la vie civile il ne gagnait pas sa vie. Le but de ma lettre est de vous faire connaître que son engagement a été très difficile à contracter, mais puisqu’il y est, ce serait pour lui une mauvaise affaire que de le laisser entraîner par une amourette, qui l’empêcherait de s’engager. La situation serait ensuite très délicate et pourrait lui faire regretter, mais un peu tard, de n’avoir pas écouté les bons conseils que je lui ai toujours donnés depuis cinq ans qu’il a perdu sa mère et qu’il était chez moi, et je me demande ce qu’il pourrait bien faire lorsqu’il serait libéré avec entre les mains aucun moyen de gagner sa vie. Excusez-moi de la permission que je prends pour vous écrire exactement la situation, mais j’estime qu’étant donné ma qualité d’ex-tuteur de Georges, je devais vous fournir ces renseignements qu’il a probablement omis de vous donner. Je termine en vous laissant le soin d’en informer votre demoiselle et de lui faire comprendre qu’il serait préférable également pour elle de rompre la relation déjà établie, peut-être à la légère ; je dis à la légère car j’estime que lorsque l’on ne s’est vu que deux fois, on n’est pas suffisamment fixé pour établir des relations. Je vous présente, Monsieur, mes salutations empressées. Signé L. B. »
La famille Ouvrard à Cour-Cheverny

La famille Ouvrard à Cour-Cheverny
Comme évoqué dans la lettre de son beau-frère, le registre matricule militaire de Georges (où sa profession de sellier est mentionnée) nous indique qu’il s’engage pour cinq ans au 3 e régiment d’infanterie coloniale (3 e RIC) basé à Rochefort le 19 décembre 1906, puis passe au 11 e RIC, puis au 7 e RIC, puis dans la réserve de l’armée en décembre 1911. Moins de trois ans plus tard, il est rappelé à l’activité par décret de mobilisation du 1er août 1914 et intègre le 3 e RIC le 3 août 1914. Il sera démobilisé le 29 mars 1919.

Durant ces dix années de vie militaire, Il participe à une campagne en Cochinchine (4) de décembre 1908 à octobre 1910 (période de paix), puis aux campagnes contre l’armée allemande en France en 1914 et 1915, puis vraisemblablement sur le front d’Orient (Dardanelles et Balkans) de 1916 à 1918. Dans les années 20, Georges reprend la succession de son beau-père comme bourrelier, toujours rue Nationale à Cour-Cheverny, ce qui nous prouve qu’il avait acquis certaines compétences, contrairement à ce qu’affirmait son tuteur quelques années auparavant…
Georges Ouvrard a été évoqué plusieurs fois dans nos lignes (5), notamment dans une chanson de 1930 écrite par Henri Lecomte, et dans une autre de 1945 (auteur inconnu). Un témoin de l’époque dit de lui : « Il faisait partie de la troupe de théâtre et ne savait pas souvent son rôle ou n’avait pas bonne mémoire ». Il était également pompier volontaire et aussi « tambour de ville », annonçant régulièrement les informations locales aux quatre coins du village, comme certains anciens s’en souviennent encore, dans les années 50. Il animait également certaines ventes aux enchères chez des particuliers. Tous ces éléments et les témoignages à son sujet permettent de le classer parmi les citoyens dévoués et bons vivants du village…

La famille Ouvrard à Cour-Cheverny
Serge, le fils de Georges et Marie-Louise, naît le 29 juin 1921
Serge aura une enfance difficile, car il perd sa mère à l’âge de cinq ans. Une photo de 1936 nous le montre faisant partie de l’Étoile Sportive de Cour-Cheverny section ping-pong (créée en 1930).
Ses attestations de travail nous indiquent qu’après avoir été employé chez Maître Liège, notaire au 6 boulevard Munier, il devient, le 15 septembre 1937, à 16 ans, comptable chez Roger Marionnet, courtier en vins installé dans la grande maison située à l’angle de la rue Barberet et de la rue Gambetta et dans le bâtiment de la place Gambetta occupé ensuite par le magasin l’Union et aujourd’hui par le cabinet médical.

La famille Ouvrard à Cour-Cheverny
Les années de guerre
En 1942, Serge Ouvrard est réquisitionné, comme des centaines de milliers de travailleurs français, par le Service du Travail Obligatoire (STO) instauré par l’Allemagne nazie occupant la France à cette époque, et imposé par un décret du Gouvernement de Vichy. Il part le 10 novembre 1942, et est affecté à l’usine Electromechanick de Alt-Habendorf (6) en Tchéquie, occupée à l’époque par les Allemands. Il en reviendra le 15 juin 1945, rapatrié au centre de Hayange en Moselle. Comme la plupart des hommes ayant vécu cette réquisition, il parlera très peu à ses proches de ces 31 mois passés loin de son village natal…

La famille Ouvrard à Cour-Cheverny
Retour au village
Il reprend ensuite son métier de comptable chez Roger Marionnet, puis aux établissements Roussely, négociant en vins à Angé et dans plusieurs entreprises des environs. Il épouse Marie-Thérèse Lucas (7) le 22 mars 1952 à Villeau en Eure-et-Loir, commune de naissance de son épouse. Le couple habitait au n° 2 (maintenant le n° 7) boulevard Carnot à Cour-Cheverny, dans la maison qui porte encore aujourd’hui le nom de « La Mal tournée ». C’est l’occasion de préciser que cette dénomination n’a rien de péjoratif : elle exprime simplement le fait que la façade de cette maison est perpendiculaire au boulevard Carnot, contrairement aux autres maisons du boulevard qui sont orientées dans l’autre sens…
Comme pour son père, nous avons déjà évoqué Serge Ouvrard dans nos colonnes, notamment en tant que membre du groupe des Joyeux Fantaisistes créé par Georges Berrué, Gilbert Trousselet et Pierre Bellanger (7) dans les années 30.
Serge Ouvrard décède le 5 février 1978 à l’âge de 57 ans.
La famille Ouvrard à Cour-Cheverny

Merci à Dominique Ouvrard de nous avoir permis de compléter la mémoire de nos villages au travers de l’historique de sa famille. 

P. L.

(1) Vrain est un prénom rencontré dans le Loiret, en fait dans toute la Beauce, surtout avant 1850, avec sa déclinaison féminine Vraine et un dérivé Vrine (nominis.cef.fr).
(2) La numérotation de la rue Nationale a changé depuis cette époque : c’est aujourd’hui le n° 66.
(3) La loi a été définitivement abolie en 1933.
(4) La Cochinchine est une ancienne colonie française, annexée en 1862 par le traité de Saïgon. En 1887, la colonie de Cochinchine est intégrée à l’Indochine française lors de la formation de celle-ci (Wikipédia).
(5) Voir « Les grandes heures de Cheverny et Cour- Cheverny en Loir-et-Cher… et nos petites histoires » - Éditions Oxygène Cheverny 2018 – page 179 : « Les commerces et les artisans de Cour-Cheverny – Revue chantée ».
(6) Alt-Habendorf est la traduction allemande de Stráž nad Nisou, nom actuel de la ville, située à 90 km au nord de Prague.
(7) Marie-Thérèse Ouvrard, âgée aujourd’hui de 95 ans, est une lectrice assidue de la Grenouille et fidèle adhérente de notre association Oxygène Cheverny depuis de nombreuses années.
(8) Voir « Cheverny et Cour-Cheverny en Loir-et-Cher : À la poursuite de notre histoire » - Éditions Oxygène Cheverny 2022 - page 235 « Les Joyeux Fantaisistes ».

La Grenouille n°64 - Juillet 2024

Les Trudelles

De la mairie de Cour-Cheverny aux Trudelles (1), en passant par l’Angleterre

Les Trudelles à Cour-Cheverny
Emma Hindmarsh, citoyenne anglaise rési­dant à Swindon dans le Wiltshire (à 120 km à l’ouest de Londres) a récemment ques­tionné La Grenouille au sujet de quelques-uns de ses ancêtres, suite à ce qu’elle avait découvert sur notre blog à la lecture de l’article intitulé « Michel Cazin : un enfant du pays au service de la science » (2). Et comme c’est souvent le cas, ce question­nement permet d’enrichir notre mémoire locale au travers de l’histoire de plusieurs familles de nos villages.

Il s’agit principalement de la famille Cazin, du moins une branche, car la généalogie Cazin est si vaste qu’on peut facilement s’y perdre…, mais aussi des familles Michel et Destouches…
La grand-mère d’Emma, Marjorie Mary English (1907-2001) était mariée à Léon Jean Sparshott (1906-1978), lui-même fils d’Ernest Edward Sparshott (1870-1945) et de Justine Félicie Emma Michel (1863-1946). Celle-ci, née à Montbozon en Haute Saône, était venue en Angleterre comme professeur de français en 1891 ou avant, et y avait rencontré son futur époux, qu’elle épousa en 1898.

Les Trudelles à Cour-Cheverny
C’est là que se fait le lien avec la famille Cazin, car Justine Félicie Emma Michel n’est autre que la soeur de Charles Léon Michel, père d’Emma Nadine Michel, épouse d’Augus­tin Cazin et mère de Michel Cazin, éminent scientifique né à Cour-Cheverny, dont nous avons évoqué le parcours dans l’article cité précédemment…
Mais le lien ne s’arrête pas là, car une soeur de Charles Léon et de Justine Félicie Emma, Marie Eulalie Michel, a épousé en 1894 Louis Léon Cazin (1857-1945), appelé dans la famille « l’oncle Léon ».
Ces données généalogiques sont compli­quées mais elles nous ont permis de décou­vrir de nouveaux éléments de notre histoire locale, au travers notamment de la vie de Léon Cazin et de sa famille…

D’autres liens entre les familles Cazin, Michel et Destouches
Seules les familles concernées pourront s’y retrouver, mais quelques détails ci-dessous permettront à certains de trouver quelques repères…
Les arbres généalogiques de ces familles se relient et se croisent de plusieurs façons… « L’oncle Léon » est le fils de Louis Janvier Cazin (1824-1899), dont le frère, Michel Pierre, est l’arrière-arrière-grand-père de François, Bernadette et Pascal Cazin, bien connus à Cheverny et cousins de Philippe et Olivier Cril dont le père André a également été évoqué dans nos écrits…(2).
La soeur de Léon Cazin, Marie Aline Louise, épouse en 1871 Jean Gustave Alexandre Destouches. Leur fils, Louis Henri épou­sera Marguerite Michel (autre soeur de Charles Léon) en 1906. Leur fils, Jean-Louis Destouches (1909-1980), mènera un grande carrière de physicien, notamment auprès de Louis de Broglie, et aura une influence impor­tante dans la carrière de Michel Cazin (2).

Les Trudelles à Cour-Cheverny

Léon Cazin, pharmacien
On retrouve une partie du parcours de Léon Cazin sur le site internet des Laboratoires pharmaceutiques CDM Lavoisier (3) : « Léon Cazin est né à Blois le 27 mai 1857. Il obtient en 1882 son diplôme de pharmacien [Pharmacien de première classe de l’Internat des Hôpitaux de Paris] et entre dès 1894 dans la société Chaix et Rémy. Il y occupe un poste clé, étant notamment en charge du déploiement de l’activité à l’étranger. Dans les années 1910, il monte en grade et devient pharmacien en chef des laboratoires, dont il finit par reprendre l’activité en 1919 pour former Cazin et Compagnie. Il décide de s’as­socier avec Henri Hugon, alors jeune phar­macien fraîchement diplômé. En quelques années, tous deux parviennent à développer la gamme des produits des Laboratoires. Après le décès de son associé dans le courant des années 1930, Léon Cazin cède peu à peu ses droits dans la société qui a entre-temps pris le nom de Laboratoires Chaix, Hugon et Cazin ». Le dirigeant actuel, Philippe Truelle est l’arrière-petit-fils d’Henri Hugon.

Léon Cazin, maire de Cour-Cheverny de 1908 à 1919 et conseiller d’arrondissement
Suite aux élections municipales des 3 et 10 mai 1908, le conseil municipal (composé à l’époque de 16 membres) élit Léon Cazin au poste de maire. Le village compte à cette époque 664 électeurs inscrits (2 220 aujourd’hui). Léon Cazin sera ensuite réélu en 1912 : le mandat de maire était alors de 4 ans (il passera à 6 ans en 1929). Du fait de l’état de guerre que subit la France, les élec­tions prévues en 1916 n’auront pas lieu ; les mandats de maires sont prolongés jusqu’en 1919, date à laquelle le mandat de Léon Cazin prendra fin après 11 ans d’exercice, et c’est Gustave Brinon qui lui succédera.

Nous n’avons pas trouvé la trace d’événe­ments significatifs dans les comptes-rendus des conseils municipaux de cette époque, et curieusement, la guerre n’y est pratique­ment jamais évoquée… Notons cependant, qu’au cours de l’année 1919, sur propo­sition du Maire, le Conseil décide à l’una­nimité d’envoyer à Monsieur Clémenceau, Président du Conseil, l’adresse suivante : « Le Conseil municipal de Cour-Cheverny adresse à Monsieur Clémenceau, Président du Conseil, l’hommage de son admiration et de sa reconnaissance pour son dévouement à la Patrie et l’énergie avec laquelle il a assuré la victoire de la France. Il envoie également les témoignages de son administration aux armées victorieuses de la République et à celles des alliés ».
Léon Cazin est également élu conseiller d’ar­rondissement le 18 septembre 1910, repré­sentant le canton de Contres, arrondissement de Blois (4), en l’emportant dans 11 des 17 communes du canton. Léon Cazin devait avoir une vie bien remplie, compte tenu de ses activités professionnelles importantes à Paris, de ses deux mandats d’élus et de ses nombreuses activités personnelles…

Propriétaire aux Trudelles
En 1977, dans une lettre à sa fille Nadine qui s’apprête à venir en France visiter notre région, Léon Jean Sparshott évoque ses souvenirs de jeunesse des années 1910-1920 : « La maison où j’ai passé la plupart de mes vacances en France s’appelait "Les Trudelles", à Cour- Cheverny. C’était une grande maison entiè­rement isolée en pleine campagne. C’était à environ deux ou trois miles (pour autant que je m’en souvienne…) de la petite ville de Cour- Cheverny…/… ».
Léon Cazin avait hérité du domaine des Trudelles à la mort de son père en 1899, qui lui-même l’avait acquis aux environs de 1870, ainsi que plusieurs terres auprès de différents propriétaires, puis des bâtiments auprès de M. Vallières, propriétaire vigneron. Le domaine ne comportait alors qu’une petite maison d’habitation et des dépendances où étaient élevés quelques animaux. Léon Cazin fait démolir l’habitation pour construire une nouvelle maison aux environs de 1902, qui comporte 20 ouvertures comme l’indiquent les registres du cadastre consultés aux Archives départementales du Loir-et-Cher. Il continue ensuite à agrandir son domaine en rachetant différentes terres alentour.

Les Trudelles à Cour-Cheverny
Souvenirs de vacances aux Trudelles, entre 1910 et 1920
Léon Jean Sparshott complète ses souvenirs : « Je me souviens de trois longues vacances aux Trudelles. La première en 1912 alors que j’avais six ans, quand j’y ai passé plusieurs mois à me remettre d’une coqueluche qui m’avait bien affecté. La coqueluche et la toux m’avaient fatigué le coeur, et cela a fait éclater les vaisseaux sanguins de mes yeux. Je me souviens que le blanc de mes yeux était abso­lument rouge sang, et plusieurs personnes sur le trajet ont demandé à ma mère si j’étais aveugle.
Les secondes vacances ont eu lieu en 1914 lorsque la guerre a éclaté [l’Allemagne déclare la guerre à la France le 3 août 1914 à 18 heures]. Charles [son frère aîné] et moi étions tous les deux là et avons dû être renvoyés chez nous en toute hâte. Les troisièmes vacances se sont déroulées en 1920, et Charles et moi étions de nouveau là-bas ensemble.
Mon oncle possédait beaucoup de terres, principalement des vignes et des bois. Il fabri­quait son propre vin, rouge et blanc, et distillait sa propre eau-de-vie. Il fabriquait également une liqueur de cassis qui était mon breuvage préféré. Il élaborait également un parfum de rose (distillé je crois dans le même alambic que pour l’eau-de-vie) à partir de pétales de roses de la grande roseraie et produisait aussi du cidre.
Il élevait deux vaches, des poules, des canards et des pintades, et il y avait un grand étang à poissons dans les bois. Tous les fruits et légumes étaient cultivés sur place.
Mes dernières vacances en France remontent à 1922, mais elles se passèrent dans la maison de ville de mon oncle à Blois, car il avait cédé les Trudelles à Nadine [la nièce de son épouse] et son mari [qui était aussi son neveu]. Cette maison se trouvait sur la rive sud de la Loire sur le port de plaisance, Quai Villebois …/…. Pendant que j’étais là-bas, je pense qu’il a dû acheter une autre maison. À la même époque, les Destouches achetèrent une maison très proche. Ces deux maisons se trouvaient sur le quai Ulysse Besnard qui se trouve sur la rive nord de la Loire…/….
Le château de Cheverny n’était pas ouvert au public à cette époque, mais je me souviens d’une visite privée en famille. En dehors de la magnifique approche et de la belle façade, je me rappelle d’une grande pièce chargée de bois ciré et de tapisseries ou de tableaux.
J’espère que tu apprécieras ton voyage et que tu pourras visiter certains des endroits que j’ai connus. Tu goûteras sans doute aux vins de Loire. Bien que nous buvions habituellement les vins des Trudelles, mon oncle ouvrait, lors d’occasions spéciales, une bouteille de Vouvray pétillant. Je n’ai jamais eu l’occasion de boire du Vouvray pétillant depuis, mais j’ai souvent bu du Vouvray tranquille (5) qui est très agréable ».
Léon Cazin a également voyagé avec son épouse en Angleterre dans les années 1920, comme en témoignent les belles photos de famille que nous a transmises Emma Hindmarsh.

Les Trudelles à Cour-Cheverny
Le domaine des Trudelles change de pro­priétaire
Le domaine des Trudelles sera vendu en 1922 par Louis Cazin, et plusieurs propriétaires se succéderont ensuite : Mme Goudard, puis M. et Mme Guichard, et Mme Berthe Brialix en 1929. Jean Dardouillet, neveu de Mme Brialix, et son épouse Arlette deviendront propriétaires en 1988 et y habiteront plus de 30 ans. Jean et Arlette, tous deux décédés en 2023, furent pendant de nombreuses années de fidèles adhérents de notre association Oxygène Cheverny. Cet article est aussi pour nous l’occasion de les remercier pour la générosité dont ils ont fait preuve envers La Grenouille.

P. L.

(1) Pour en savoir plus sur l’origine du nom de ce lieu, voir « Les grandes heures de Cheverny et Cour-Cheverny en Loir-et-Cher… et nos petites histoires » - Éditions Oxygène Cheverny 2018 – page 293 : « Les toponymes ».
(2) Voir « Cheverny et Cour-Cheverny en Loir-et-Cher… À la poursuite de notre histoire » - Éditions Oxygène Cheverny 2022 - page 203 « Michel Cazin – Un enfant du pays au service de la science » – page 164 « André Gabriel Cril, un commerçant dont on se souvient ».
(3) La société, devenue aujourd’hui « Les Laboratoires CDM Lavoisier » a son siège social à Paris ; son site de production s’installe à Blois en 1964 et est transféré en 1990 à La Chaussée Saint-Victor. www.lavoisier.com/fr/dirigeants
(4) À cette époque le conseil d’arrondissement était formé par des conseillers élus sur les territoires des cantons, élus pour 6 ans. Leurs attributions étaient réduites et ils intervenaient surtout dans la répartition des contributions directes. Les conseils d’arrondissement ont été suspen­dus par l’acte dit loi du 12 octobre 1940 et n’ont jamais été réactivés.

(5) Un vin tranquille est un vin qui n’est pas effervescent.

La Grenouille n°64 - Juillet 2024