La Sistière

Le château de la Sistière
Le château de la Sistière, sur la commune de Cour-Cheverny, a été acquis par la ville de Montrouge (région parisienne) en mars 1931. À l’origine, l’idée était de scolariser en internat une centaine d’enfants de 7 à 13 ans dans un établissement situé à la campagne. Une démarche à but social qui concernait des enfants que l’on qualifierait aujourd’hui de « défavorisés », voire de santé fragile ou maltraités dans leur famille.





Le départ pour la promenade
Leprogramme scolaire était allégé. L’objec­tif affiché d’une vie en collectivité organisée offrant la sécurité alimentaire et sanitaire aux enfants, ainsi qu’un développement au contact de la nature, était de les resocialiser et de les éduquer. Durant ce séjour, on surveillait les effets de ce que la direction appelait claire­ment « une cure ». Les résultats des visites médicales et des pesées régulières étaient communiqués aux familles. Les enfants étaient habillés par l’établissement : manteaux et bérets pour le dimanche, tabliers bleus pour les garçons et roses pour les filles les jours de semaine.

M. Cresp, maire de Montrouge, sensible au sort des enfants en souffrance, manquant d’air, d’espace, de nourriture, de soins... s’est attaché à trouver un moyen de leur donner une chance de s’insérer dans le cadre d’une « vie normale ». La Sistière offrait un certain nombre d’avantages, en particulier sa proxi­mité relative de Paris par le chemin de fer, permettant aux familles d’effectuer un aller/ retour dans la journée pour voir leurs enfants. À cette époque, de nombreux domaines à des prix relativement accessibles étaient à vendre dans notre région.
Classe en plein air
Le domaine de La Sistière s’étendait sur 17 hectares. Dans le château proprement dit, on installa deux réfectoires (filles/garçons), la cui­sine et les services de l’économat. Au dessus, deux classes, la bibliothèque, la salle des fêtes et le bureau du directeur. Aux deux niveaux suivants, les dortoirs (filles/garçons) avec, ins­tallées dans les tours d’angles, les chambres des surveillants. Au niveau du dortoir des filles se trouvait l’infirmerie. Aux 4 niveaux ont été créés des blocs sanitaires. Quand la météo le permettait, l’enseignement pouvaient se dérouler en plein air, dans le parc. Dans les communs, au fond du parc, se trouvaient les douches et un gymnase couvert, puis la buan­derie et une basse-cour qui produisait les vo­lailles, les oeufs et les lapins qui participaient à l’alimentation de la collectivité. Le potager assurait la production de légumes et de fruits divers. Un puits de 25 mètres de profondeur alimentait le château et le potager en eau cou­rante. Le couple d’instituteurs habitait un pavil­lon construit dans le parc.

Le réfectoire
L’établissement a accueilli ses premiers en­fants en octobre 1931. L’expérience s’est vite révélée être un succès et a intéressé d’autres communes de la région parisienne. Quelques enfants de la commune d’Antony (proche de Montrouge) ont été admis à La Sistière. Des sorties en autocar étaient parfois organisées pour visiter les châteaux de la Loire et l’hiver, deux fois par mois, on procédait à des projec­tions de films le jeudi après-midi dans la salle des fêtes (1) .

(1) Source : « Montrouge 1934 », livre rédigé par un col­lectif d’auteurs. Extraits tirés du site http://dbgg.free.fr/montrouge/1930/sistiere/sistiere.htm

Le dortoir
Témoignage
Françoise Hubert nous rapporte ses souve­nirs attachés à l’établissement de La Sis­tière, à Cour-Cheverny, qu’elle a fréquenté, petite fille, en tant que parente des gardiens puis, plus tard, en tant que monitrice occasionnelle.

Françoise Hubert : « Le gardien de l’établis­sement, pendant plusieurs décennies, était mon grand-oncle, Stanislas Portier, qui se fai­sait appeler Guy. Il entretenait le parc et ma grand-tante préparait l’établissement avant l’arrivée des enfants pour les vacances sco­laires. Ces enfants étaient tous scolarisés à Montrouge, en région parisienne. La ville de Montrouge avait fait bâtir un local préfabriqué où il y avait des jeux. Quand j’étais petite et que j’allais en visite chez mon grand-oncle, je trouvais ce lieu extraordinaire : il y avait un billard, un baby-foot et une petite salle de projec­tion qui servait surtout les jours de pluie. Je me souviens aussi d’un pavillon de chasse, dans le parc, qui a été abattu en 1976/1977 ».
Françoise Hubert a été monitrice deux années à La Sistière, la dernière fois en 1971.
« J’avais été appelée par M. Raoult, directeur de la colonie de vacances, qui était un ami de mes grands-parents. La Sistière était une colo­nie sanitaire mixte qui accueillait des enfants particulièrement difficiles. Certains moniteurs repartaient rapidement. Par deux fois, j’ai ter­miné le mois de moniteurs qui n’en pouvaient plus. Les enfants étaient très durs : c’étaient des cas sociaux. En 1971, je m’occupais d’enfants de 8 à 10 ans. J’avais vingt ans à l’époque et, quand j’étais de garde pour sur­veiller les siestes, un moniteur me suivait au cas où je me serais fait agresser. J’ai parfois pris des coups de pieds »...

La Sistière pendant la guerre
Pendant la dernière guerre, en lien avec la préfecture de Blois, la Sistière a accueilli des enfants réfugiés. Avant le 30 de chaque mois, madame Chauveau, directrice de l’école, adressait au service des réfugiés de Blois, la liste des enfants présents dans son établisse­ment afin de pouvoir percevoir le versement de l’allocation de réfugiés.
La direction départementale des prisonniers déportés et réfugiés gérait les sommes dues au Centre de repliement des enfants de Mon­trouge à la colonie de la Sistière. (2)

L’enseignement religieux
Le 27 décembre 1942, le curé de la paroisse de Montrouge adresse cette lettre à sa hiérarchie :
« Cher Monseigneur,
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Me voici tout de même pour vous entretenir du service religieux à la Sistière, commune de Cour-Cheverny. Mon maire est tout à fait bien disposé et voulait même que l’un de mes vicaires allât tous les quinze jours à la Sistière. J’ai refusé : je crois donc, qu’avec votre auto­risation, Monseigneur, que le mieux serait que M. le curé de Cour-Cheverny aille à la Sistière une fois par semaine pour y faire le caté­chisme. Il pourrait prendre ensemble les 2 pre­mières années et la troisième à part, il verra sur place. Quant à la messe, je ne connais pas assez le personnel dirigeant pour l’organiser : les enfants iront à Cour-Cheverny quand il fera beau. J’offre à M. le curé un léger traitement de 500 fr. pour son déplacement : le maire fera peut-être quelque chose, mais je voudrais que cela vienne de lui-même ».
Extrait d’un second courrier du 4 février 1943 :


La visite dernière de Monsieur le chanoine Bu­reau m’a fait bien plaisir et je lui suis très recon­naissant de bien vouloir se charger de faire le catéchisme aux enfants de la Sistière.../... Le maire de Montrouge offre le déjeuner le jeudi... (3)
Sources :
(2) Archives départementales de Loir-et-Cher
(3) Archives diocésaines.

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Simone Lejay, née Cardinal, habitante de Ba­gneux (92), nous raconte son vécu à la Sistière :
« J’ai séjourné à 3 reprises à la Sistière, en colonie de vacances. Lors du premier séjour, en 1946, de juillet à septembre, j’avais 6 ans. J’y suis retournée, de nouveau pour 3 mois, en 1947 et 1948. Ma soeur, plus jeune, y a égale­ment séjourné quelques années plus tard. La Sistière accueillait à cette époque en colo­nie de vacances d’été des enfants de familles nécessiteuses de Montrouge, et cela a perdu­ré jusque dans les années 70. L’activité sco­laire démarrée dans les années 30 pour des enfants ayant besoin d’améliorer leur santé a dû se terminer dans les années 40.
Les séjours étaient subventionnés par la mairie de Montrouge et la Sécurité sociale, laissant une part modeste à la charge des pa­rents. Le château a été d’ailleurs vendu, à une certaine époque, et pour le franc symbolique, à la Sécurité Sociale.
Les plus petits (5 ou 6 ans) logeaient au 1er étage, les filles au 2e, et les « grands » (jusqu’à 13 ans) au 3e.
Je garde un excellent souvenir de ces séjours à la Sistière, si ce n’est le fait d’être séparée de mes parents pendant 3 mois… Nous étions très bien encadrés par une équipe de moni­teurs et monitrices, dirigés par le directeur, M. Raoult et son épouse. L’établissement dispo­sait également d’un cuisinier, d’une infirmière et d’un gardien qui conduisait aussi le camion qui venait nous chercher à la gare de Blois, et nous emmenait visiter la région, assis sur des bancs à l’arrière. Quelques années plus tard, la colonie a disposé d’un autocar…
Toute cette équipe nous entraînait dans de nombreuses activités, souvent en plein air : chasse au trésor, promenade dans les bois, baignade dans les ruisseaux…
Les repas étaient servis au réfectoire situé au rez-de-chaussée, ou dehors dans le parc. Nous sortions de la guerre, période pendant laquelle l’alimentation était très restreinte, et la colonie nous permettait d’apprendre à man­ger correctement, de bons produits (légumes et fruits du jardin, poules et lapins élevés sur place, confitures maison, etc.), qu’il fallait par­fois nous forcer à manger car nous n’y étions pas habitués…
La Sistière a permis aux enfants de Montrouge et à moi-même de passer des vacances inou­bliables, dans un cadre très accueillant. »

Bernard Bulot, habitant de Saint-Yon (91), nous livre ses souvenirs d’enfance à la Sistière.
« J’ai séjourné à plusieurs reprises à la Sis­tière, entre 7 et 11 ans, entre 1951 et 1958, en séjour d’été qu’on nommait à l’époque « Colonie de vacances sanitaires ». Cette colonie s’adressait aux enfants de familles défavorisées de la ville de Montrouge, et leur permettait de renforcer leur santé ».
Bernard se souvient des nombreuses activi­tés de plein air, et notamment dans le parc du château « à l’étang sec où nous chassions les vipères et où nous fabriquions des igloos avec de la glaise, ou à l’extérieur, à l’étang (sans doute l’étang Cottereau), très poissonneux situé sur le chemin à gauche après la ferme (la ferme des Bruyères). Nous allions également souvent à la « carrière de chez Morin », dans la « tranchée des collines » qui se prêtait bien à toutes sortes de jeux.
On nous proposait chaque semaine des séances de cinéma dans le grand réfectoire à l’extérieur du château et, tous les 15 jours, on nous initiait au théâtre. Je me souviens également des sorties en autocar pour des visites des châteaux de la région et de l’usine Poulain à Blois. C’est au cours de ces séjours que je me suis fait un copain, hélas aujourd’hui disparu : Michel Colucci dit Coluche. Sa soeur aînée, Danièle, a également séjourné à la Sis­tière.

Tous ces séjours à la Sistière me laissent un souvenir très agréable de mon enfance. »

La Grenouille n°33 - Octobre 2016

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