Le château de la Sistière |
Le départ pour la promenade |
M. Cresp, maire de Montrouge, sensible au sort des enfants en souffrance, manquant d’air, d’espace, de nourriture, de soins... s’est attaché à trouver un moyen de leur donner une chance de s’insérer dans le cadre d’une « vie normale ». La Sistière offrait un certain nombre d’avantages, en particulier sa proximité relative de Paris par le chemin de fer, permettant aux familles d’effectuer un aller/ retour dans la journée pour voir leurs enfants. À cette époque, de nombreux domaines à des prix relativement accessibles étaient à vendre dans notre région.
Classe en plein air |
Le domaine de La Sistière s’étendait sur 17 hectares. Dans le château proprement dit, on installa deux réfectoires (filles/garçons), la cuisine et les services de l’économat. Au dessus, deux classes, la bibliothèque, la salle des fêtes et le bureau du directeur. Aux deux niveaux suivants, les dortoirs (filles/garçons) avec, installées dans les tours d’angles, les chambres des surveillants. Au niveau du dortoir des filles se trouvait l’infirmerie. Aux 4 niveaux ont été créés des blocs sanitaires. Quand la météo le permettait, l’enseignement pouvaient se dérouler en plein air, dans le parc. Dans les communs, au fond du parc, se trouvaient les douches et un gymnase couvert, puis la buanderie et une basse-cour qui produisait les volailles, les oeufs et les lapins qui participaient à l’alimentation de la collectivité. Le potager assurait la production de légumes et de fruits divers. Un puits de 25 mètres de profondeur alimentait le château et le potager en eau courante. Le couple d’instituteurs habitait un pavillon construit dans le parc.
Le réfectoire |
(1) Source : « Montrouge 1934 », livre rédigé par un collectif d’auteurs. Extraits tirés du site http://dbgg.free.fr/montrouge/1930/sistiere/sistiere.htm
Témoignage
Françoise Hubert nous rapporte ses souvenirs
attachés à l’établissement de La Sistière, à Cour-Cheverny, qu’elle a
fréquenté, petite fille, en tant que parente des gardiens puis, plus tard, en
tant que monitrice occasionnelle.
Françoise Hubert : « Le gardien de l’établissement, pendant plusieurs
décennies, était mon grand-oncle, Stanislas Portier, qui se faisait appeler
Guy. Il entretenait le parc et ma grand-tante préparait l’établissement avant
l’arrivée des enfants pour les vacances scolaires. Ces enfants étaient tous
scolarisés à Montrouge, en région parisienne. La ville de Montrouge avait fait
bâtir un local préfabriqué où il y avait des jeux. Quand j’étais petite et que
j’allais en visite chez mon grand-oncle, je trouvais ce lieu extraordinaire :
il y avait un billard, un baby-foot et une petite salle de projection qui
servait surtout les jours de pluie. Je me souviens aussi d’un pavillon de
chasse, dans le parc, qui a été abattu en 1976/1977 ».
Françoise Hubert a été monitrice deux années à La
Sistière, la dernière fois en 1971.
« J’avais été appelée par M. Raoult, directeur de la
colonie de vacances, qui était un ami de mes grands-parents. La Sistière était
une colonie sanitaire mixte qui accueillait des enfants particulièrement
difficiles. Certains moniteurs repartaient rapidement. Par deux fois, j’ai terminé
le mois de moniteurs qui n’en pouvaient plus. Les enfants étaient très durs :
c’étaient des cas sociaux. En 1971, je m’occupais d’enfants de 8 à 10 ans.
J’avais vingt ans à l’époque et, quand j’étais de garde pour surveiller les
siestes, un moniteur me suivait au cas où je me serais fait agresser. J’ai
parfois pris des coups de pieds »...
La Sistière pendant la guerre
Pendant la dernière guerre, en lien avec la
préfecture de Blois, la Sistière a accueilli des enfants réfugiés. Avant le 30
de chaque mois, madame Chauveau, directrice de l’école, adressait au service
des réfugiés de Blois, la liste des enfants présents dans son établissement
afin de pouvoir percevoir le versement de l’allocation de réfugiés.
La direction départementale des prisonniers
déportés et réfugiés gérait les sommes dues au Centre de repliement des enfants
de Montrouge à la colonie de la Sistière. (2)
L’enseignement religieux
Le 27 décembre 1942, le curé de la paroisse de
Montrouge adresse cette lettre à sa hiérarchie :
« Cher Monseigneur,
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Extrait d’un second courrier du 4 février 1943 :
La visite dernière de Monsieur le chanoine Bureau m’a fait bien plaisir et je lui suis très reconnaissant de bien vouloir se charger de faire le catéchisme aux enfants de la Sistière.../... Le maire de Montrouge offre le déjeuner le jeudi... (3)
Sources :
(2) Archives départementales de Loir-et-Cher
(3) Archives diocésaines.
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Simone Lejay, née Cardinal, habitante de Bagneux
(92), nous raconte son vécu à la Sistière :
« J’ai séjourné à 3 reprises à la Sistière, en
colonie de vacances. Lors du premier séjour, en 1946, de juillet à septembre,
j’avais 6 ans. J’y suis retournée, de nouveau pour 3 mois, en 1947 et 1948. Ma
soeur, plus jeune, y a également séjourné quelques années plus tard. La Sistière accueillait à cette époque en colonie
de vacances d’été des enfants de familles nécessiteuses de Montrouge, et cela a
perduré jusque dans les années 70. L’activité scolaire démarrée dans les
années 30 pour des enfants ayant besoin d’améliorer leur santé a dû se terminer
dans les années 40.
Les séjours étaient subventionnés par la mairie de
Montrouge et la Sécurité sociale, laissant une part modeste à la charge des parents.
Le château a été d’ailleurs vendu, à une certaine époque, et pour le franc
symbolique, à la Sécurité Sociale.
Les plus petits (5 ou 6 ans) logeaient au 1er étage, les filles au 2e, et les « grands » (jusqu’à 13
ans) au 3e.
Je garde un excellent souvenir de ces séjours à la
Sistière, si ce n’est le fait d’être séparée de mes parents pendant 3 mois…
Nous étions très bien encadrés par une équipe de moniteurs et monitrices,
dirigés par le directeur, M. Raoult et son épouse. L’établissement disposait
également d’un cuisinier, d’une infirmière et d’un gardien qui conduisait aussi
le camion qui venait nous chercher à la gare de Blois, et nous emmenait visiter
la région, assis sur des bancs à l’arrière. Quelques années plus tard, la
colonie a disposé d’un autocar…
Toute cette équipe nous entraînait dans de
nombreuses activités, souvent en plein air : chasse au trésor, promenade dans
les bois, baignade dans les ruisseaux…
Les repas étaient servis au réfectoire situé au
rez-de-chaussée, ou dehors dans le parc. Nous sortions de la guerre, période
pendant laquelle l’alimentation était très restreinte, et la colonie nous
permettait d’apprendre à manger correctement, de bons produits (légumes et
fruits du jardin, poules et lapins élevés sur place, confitures maison, etc.),
qu’il fallait parfois nous forcer à manger car nous n’y étions pas habitués…
La Sistière a permis aux enfants de Montrouge et à
moi-même de passer des vacances inoubliables, dans un cadre très accueillant.
»
Bernard Bulot, habitant de Saint-Yon (91), nous
livre ses souvenirs d’enfance à la Sistière.
« J’ai séjourné à plusieurs reprises à la Sistière,
entre 7 et 11 ans, entre 1951 et 1958, en séjour d’été qu’on nommait à l’époque
« Colonie de vacances sanitaires ». Cette colonie s’adressait aux enfants de
familles défavorisées de la ville de Montrouge, et leur permettait de renforcer
leur santé ».
Bernard se souvient des nombreuses activités de
plein air, et notamment dans le parc du château « à l’étang sec où nous
chassions les vipères et où nous fabriquions des igloos avec de la glaise, ou à
l’extérieur, à l’étang (sans doute l’étang Cottereau), très poissonneux
situé sur le chemin à gauche après la ferme (la ferme des Bruyères).
Nous allions également souvent à la « carrière de chez Morin », dans la «
tranchée des collines » qui se prêtait bien à toutes sortes de jeux.
On nous proposait chaque semaine des séances de
cinéma dans le grand réfectoire à l’extérieur du château et, tous les 15 jours,
on nous initiait au théâtre. Je me souviens également des sorties en autocar
pour des visites des châteaux de la région et de l’usine Poulain à Blois. C’est
au cours de ces séjours que je me suis fait un copain, hélas aujourd’hui
disparu : Michel Colucci dit Coluche. Sa soeur aînée, Danièle, a également
séjourné à la Sistière.
Tous ces séjours à la Sistière me laissent un souvenir très
agréable de mon enfance. »
La Grenouille n°33 - Octobre 2016
La Grenouille n°33 - Octobre 2016
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