La restauration des sculptures du château de Troussay


Serge Bisson dans son atelier
de Saint Viätre (férvier 2019)
La restauration des sculptures extérieures du château de Troussay a débuté dans les années 70 avec la rénovation des deux grandes cheminées, ceintes de couronnes sculptées, qui donnent sur la cour, et le fronton richement orné au-dessus de l'entrée principale. Les deux grandes lucarnes du 2ème étage ont été remplacées.
Serge Bisson, sculpteur installé à Saint- Viâtre depuis 1998, est intervenu sur le site en 2000-2001.
Passionné par son métier, Serge Bisson nous explique que la restauration demande un savoir-faire et des compétences qui dépassent la technique artistique du sculpteur : « Il y a eu une révolution dans le monde de la restauration de monuments, qui a été longtemps une discipline mal considérée. Dans les années 70, restaurer n’était pas « un vrai métier », mais apparenté à une sorte de « bricolage ». La sculpture de création était beaucoup plus noble... Après guerre, quand on a restauré les cathédrales, on n’essayait pas de réparer l’existant : on jetait la sculpture abîmée et on la remplaçait par une copie ».
Restauration des sculptures du château de Troussay
Cataplasme de pulpe de cellulose appliqué
sur le porc épic
Cette approche a commencé à évoluer dans les années 90 avec l’apparition de techniques qui visaient désormais à réparer les parties abîmées en respectant autant que possible l’oeuvre originale. Les techniques, les produits utilisés et les connaissances n’ont pas cessé d’évoluer depuis et on est aujourd’hui en capacité de procéder à des restaurations qui assureront une bonne pérennité des parties traitées. On effectue des remplacements seulement quand c’est nécessaire.

La restauration du porc-épic
Un superbe porc-épic en pierre de tuffaut du XVIe siècle ornait l’hôtel Hurault de Cheverny, qui se trouvait à Blois. Louis de la Saussaye l’a sauvé de la destruction et l’a intégré à la façade de la tourelle nord du château de Troussay. C’est une des pièces parmi les plus remarquables visibles au château de Troussay. En suivant les étapes de la restauration de cette sculpture, nous aurons un bel exemple de la démarche de sauvegarde qui a été réalisée sur l’ensemble des sculptures de Troussay entre 2000 et 2001 par Serge Bisson.
Premières étapes : le nettoyage des pierres souillées par les excréments d’oiseaux, leur traitement biocide contre les mousses et les lichens, puis le dessalage.
Restauration des sculptures du château de Troussay
Le porc épic avant sa restauration
Pour procéder à l’analyse de la teneur en sel de la pierre, on effectue de très petits trous sous forme d’un carottage. Les échantillons prélevés sont analysés en laboratoire. La teneur en sel s’est avérée trop importante pour notre porc-épic. Il a donc été nécessaire de le soigner en profondeur. On lui a appliqué un cataplasme de pulpe de cellulose imbibé d’eau déminéralisée, destiné à aspirer le sel sur toute sa surface. Quand le cataplasme est presque sec, on l’enlève et on mesure à nouveau la teneur en sel. « L’opération cataplasme » pourra être répétée jusqu’à obtenir une teneur en sel estimée satisfaisante. À noter qu’il ne faut pas chercher à retirer tout le sel de la pierre sous peine de la désolidariser. Selon Serge Bisson, « le tuffaut est une magnifique pierre, mais difficile à restaurer. Elle est tendre au sortir de la carrière puis durcit et blanchit au contact de l’air à mesure que l’eau qu’elle contient s’évapore. Lors de ce séchage progressif, il se forme une fine carapace à sa surface qui s’apparente à une vitrification naturelle : le calcin. Il ne se forme qu’une seule fois, d’où l’importance de le préserver quand il est encore présent à la surface de la pierre ».

Un travail de longue haleine
Restauration des sculptures du château de Troussay
Le porc épic avant sa restauration
Sur le porc-épic, le calcin avait disparu. En badigeonnant la sculpture avec du silicate d’éthyle, on redurcit la pierre. Pas seulement en surface : en appliquant au pinceau le produit auquel on ajoute un solvant, le traitement peut agir jusqu’à une dizaine de centimètres de profondeur. L’opération a été réalisée une première fois, après le dessalage du porcépic, en laissant le produit agir quelques mois. Serge Bisson a ensuite répété l’opération pour durcir un peu plus la pierre et a procédé aux finitions. Comme il nous le précise :
« Il est essentiel que la pierre puisse évacuer d’éventuelles infiltrations d’eau rapidement sous peine de casser (même les pierres dures). À une époque, on utilisait du silicate de soude (sur la pierre et le bois), mais il ne pénétrait pas en profondeur. Si l’eau venait à s’infiltrer dans la pierre, elle ne pouvait plus en sortir et le phénomène de poussée induit en détachait la surface par plaques ».
Restauration des sculptures du château de TroussayLe sculpteur peut maintenant procéder à la restauration des éléments de la sculpture proprement dits. Les fissures ont été comblées par des injections de coulis de chaux très fine qui ont permis de recoller certaines parties. Pour les parties manquantes, notamment les fines épines du porc-épic, on réalise de petits trous qui permettent de placer des goujons en fibre de verre qui supporteront un mortier de ragréage qui sera sculpté pour compléter l’ensemble. Par le passé, on utilisait des pattes métalliques comme support du mortier, mais la dilatation du métal, avec le temps, occasionnait des fissures. Pour supporter l’ajout de parties lourdes en mortier, on utilise aujourd’hui des goujons en inox pour les soutenir.
Vient ensuite le moment de refaire les joints en mélangeant de la chaux et de la poudre de pierre, en s’approchant le plus possible de la couleur de la patine du sujet. Les teintes utilisées sont des ocres, et toujours des produits naturels.
À Troussay, d’autres sculptures extérieures ont été restaurées. Selon leur état, certaines ont été simplement démoussées et consolidées (les chimères), d’autres, tels les crochets ou le fleuron de pierre, refaites à neuf. La restauration des sculptures du pape et de la mère des fols de la tourelle nord, peu abîmées, ont fait l’objet d’un dessalage, d’une consolidation et d’un ragréage.

J-P.T.

La Grenouille n°43 - Avril 2019

Restauration des sculptures du château de TroussayRestauration des sculptures du château de Troussay

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