Toot-Sweet, journal du Signal Corps de Cour-Cheverny

À l’époque de la Première Guerre mondiale, les soldats américains ont édité des journaux internes, leur permettant de communiquer entre eux. C’est le cas de l’unité du « Signal Corps » (Service des transmissions de l’Armée américaine) qui s’était installée à Cour-Cheverny en 1918. 

Toot-Sweet, journal du Signal Corps de Cour-Cheverny
Toot-Sweet n° 2 – 8 Janvier 1919 
Traduction du titre : “Tout de suite”, 
l’invariable réponse des Français 
à tous les problèmes rencontrés 
par les Américains du Signal Corps 
en France.
Les vétérans de cette unité ont créé une association au quartier général du Signal Corps à Cour-Cheverny le 28 décembre 1918, dans le but de maintenir des liens entre ses membres (dont beaucoup retournaient à la vie civile), et de collecter des fonds pour apporter une aide aux familles des soldats décédés. L’association crée dans le même temps le journal « Toot-Sweet », publié chaque semaine en ce début 1919, dans lequel les vétérans racontent leur guerre de 1917 (les américains l’appellent ainsi car ils sont arrivés en France à cette date), au travers de témoignages de soldats américains basés dans différentes régions de France, et souvent sous forme anecdotique pour décrire, non pas la guerre, mais essentiellement leurs activités extramilitaires et leur vision de la France avec ses paysages, ses monuments et sa population… Le titre « Toot-Sweet » est la transcription phonétique d’une expression française qui a sonné aux oreilles des soldats américains, qui entendaient souvent les Français répondre « tout de suite » à leurs demandes, par exemple chez les commerçants. En anglais, « toot » signifie coup de klaxon, ou klaxonner, siffler, claironner, et « sweet » signifie doux, sucré.

Quelques extraits des journaux Toot-Sweet
Grâce à Nicolas Xavier, un collectionneur de Chabris, dans l’Indre, qui a mené de nombreuses recherches à propos de la présence de l’armée américaine en Loir-et-Cher, nous avons eu accès à quelques journaux « Toot- Sweet ». Le ton y est plutôt humoristique et léger, avec une nette volonté de garder les bons souvenirs du séjour en France, en laissant de côté les aspects tragiques de cette période. En voici quelques extraits…

Le Signal Corps au château de Cheverny
Installé dans le musée et la bibliothèque, dans l’enceinte du château, se trouve le quartier général du « Signal corps replacement depot office » (Bureau de l’unité de réserve du corps des transmissions) et dans les environs sont cantonnés plusieurs centaines de membres de cette unité. Les américains sont surpris par les châteaux de la région, car ils s’imaginaient que tous les châteaux français étaient des châteaux forts. « […] L’idée que se font en général les américains d’un château, c’est un bâtiment splendide de l’intérieur, et marqué par les batailles à l’extérieur. Le château de Cheverny ne correspond pas à cela. Sa particularité est de donner une sensation de solitude et de sérénité. Bien qu’il date du XVI e siècle, il a une apparence presque moderne ». Ils savent aussi se mettre en valeur en faisant témoigner les français, nommément désignés. « Ce que les français pensent de nous : - Tous sont propres, grands et forts, tout ceci grâce à leur hygiène.
 - Leurs dents sont très blanches, et pour ne pas se salir les mains, ils portent des gants, même au travail.
- J’admire les américains qui sont venus en France en dépit de tous les dangers. - Les américains sont beaux, grands et intelligents.
- Une autre chose que j’admire, c’est leur politesse. La France a la réputation d’être la nation la plus polie du monde. La France va-t-elle perdre son rang dans les nations bien élevées ? ».

Quelques définitions
« Courrier : ce que les autres reçoivent tous les jours, et toi une fois par semaine…
Réveil : la raison pour laquelle les soldats ne restent pas au lit toute la journée…
Jour de solde : le seul jour où le soldat est réconcilié avec le vie militaire…
Le français : une langue que chaque sergent s’imagine parler couramment…
Café : !!! / ??/ ?!! (1)
Cognac : il aide le monde à tourner rond.
À sec : le moment où tu t’aperçois combien d’amis tu n’as pas…».
Anecdote campagnarde « L’autre jour, une femme française a demandé une compensation, car les hommes qui ont dormi dans sa grange ont ronflé si fort qu’ils ont empêché ses chèvres de dormir et qu’elles n’ont pas pu produire leur quantité de lait habituelle ».

(1) Formulé ainsi dans le texte américain pour imager la qualité du breuvage.

Toot-Sweet : collections de Nicolas Xavier que « La Grenouille » remercie.

P.L. – La Grenouille n°44 – Juillet 2019

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