La scierie Deterne à Cheverny

La scierie Deterne à Cheverny
Gustave Deterne
En 1942, Gustave Deterne déplaçait sa scie à ruban actionnée par une machine à vapeur directement en forêt, sur les coupes de bois. Il pouvait rester jusqu’à plusieurs mois sur le même secteur avant de repartir sur d’autres coupes au gré des demandes. Gustave Deterne venait de terminer une grosse coupe à Mennetou-sur-Cher quand le marquis Philippe de Vibraye lui proposa une coupe de pins en forêt de Cheverny, près du lieudit Marçon. Ce lieudit est situé sur la commune de Cheverny aux confins des communes de Contres et de Fresnes

La scierie Deterne à Cheverny
Le hangar de la scierie côté chaudière à Marçon
Nicole Lejard, la fille de Gustave Deterne, se souvient : « Devant l’ampleur du travail à effectuer en forêt de Cheverny, nous nous sommes fixés à Marçon une dizaine d’années : nous étions devenus sédentaires. Autour de la maison de Marçon, mon père construisit des bâtiments pour abriter l’activité qui se développait. Il acheta d’autres machines. Durant ces années de guerre, de jeunes hommes réfractaires au STO (Service du travail obligatoire), se cachaient dans la forêt pour ne pas être envoyés en Allemagne. Les bâtiments de Marçon dans lesquels nous logions se trouvant en pleine forêt, ces hommes effectuaient pour nous des travaux de bûcheronnage... et tous étaient logés à la maison. Madeleine, ma mère, s’arrangeait toujours pour nourrir tout le monde. Nous étions quand même une quinzaine et n’avions naturellement pas de tickets de rationnement pour tous »

L’après guerre 
La scierie Deterne à Cheverny
Madeleine Deterne sur le chantier
Nicole Lejard poursuit son récit : « La guerre terminée, quand les jeunes réfractaires au travail du STO sont repartis, ce sont des prisonniers allemands qui les ont remplacés. Ces prisonniers travaillaient surtout dans les fermes. Quand ils n’étaient pas logés sur place, ils étaient regroupés dans des baraquements à La Pinçonnière. Nous avons employé six d’entre eux que nous logions à Marçon »
L’après guerre était une période de reconstruction. En 1952, la scierie Deterne s’installe au lieudit Les Robinières à Cheverny, sur un terrain qu’elle loue au domaine de Cheverny. La scierie fournit les entreprises de Bâtiment des environs et des boutiques de détail à Paris et une à Vendôme tenue par la famille pour lesquelles elle prépare des tasseaux, du bois raboté, des planches à tablettes sans noeuds ainsi que quelques meubles.... 
La scierie Deterne à Cheverny
La scierie Deterne à Marçon
Dans les années 60, l’Armée était aussi en demande de planches pour la fabrication de caisses d’emballages (pour des munitions, des pièces d’avions...) et diverses pièces de bois de construction... Les emballages étaient montés à l’atelier de menuiserie de Pruniers et expédiés un peu partout ensuite. Gustave Deterne effectuait parfois jusqu’à quatre livraisons par jour en camion à Pruniers. Le matériel avait évolué : le débardage du bois en forêt, qui s’est effectué de 1942 à 1952 en utilisant d’abord des boeufs, des chevaux puis des mules, est désormais assuré par un Latil, véhicule de tractage qui possédait un treuil à l’arrière et fonctionnait au diesel. De nouvelles machines ont été achetées pour faire évoluer l’activité de la scierie, notamment vers la menuiserie (raboteuses, rogneuses...). Les machines à ruban, après avoir fonctionné à la vapeur pendant la guerre, puis au diesel, fonctionnaient désormais à l’électricité, tout comme la déligneuse, la scie circulaire, la dégauchisseuse, la toupie... La scierie n’avait pas la puissance électrique nécessaire pour activer toutes ses machines en même temps. Elle a dû faire installer un transformateur électrique avec une puissance conséquente pour pouvoir continuer à se développer. 

La scierie Deterne à Cheverny
Gustave Deterne avec les boeufs, Roland Lejard
(futur beau-père de Nicole Lejard) et Eugène Rateau
(un de ses beaux-frères)
Nicole Lejard : « En sortant de la scie, les planches étaient brutes sur les côtés : il fallait les "tirer de largeur" à la déligneuse. Puis on les chargeait sur des wagonnets que l’on poussait à la main jusqu’au hangar de séchage. Un réseau de rails reliait les bâtiments. Il n’y avait pas encore de chariots élévateurs ». La scierie recevait parfois des commandes inattendues : les usines Poulain prenaient régulièrement livraison de chargements de sciure de pin qu’elles étalaient dans leurs ateliers de Blois. Ce sont de petits camions électriques à trois roues appartenant aux usines qui se chargeaient du transport. Leur autonomie était très juste pour le trajet Blois/ Cheverny, aller/retour... 

La scierie Deterne était une entreprise familiale 
La scierie Deterne à Cheverny
Débardage avec les chevaux devant
la régie du château
À son emplacement des Robinières, six maisons étaient occupées par divers membres de la famille : Gustave Deterne et sa femme Madeleine, deux beaux-frères, dont un marié, un neveu, la mère de Gustave, son beaupère, et Nicole Deterne, fille de Gustave et de Madeleine, qui s’est mariée avec André Lejard en 1960... Gustave Deterne cesse de travailler en 1970 et décède en 1972. Sa femme Madeleine gère la scierie jusqu’en 1986, date à laquelle Nicole et André Lejard prennent à leur tour la direction de l’entreprise sous le nom de SARL Deterne-Lejard. 

La fin des « Trente glorieuses » 
La scierie Deterne à Cheverny
Gustave Deterne avec le Latil devant le château
de Cheevrny
La scierie Deterne à Cheverny
Sortie du parc du château
Le début des années 80 marque une période difficile pour la scierie Deterne et le secteur du Bâtiment en général. Beaucoup d’entreprises donneurs d’ordres font faillite et laissent des impayés conséquents à l’entreprise chevernoise qui faisait travailler alors une dizaine de salariés. « On est resté six mois sans commande suite aux élections de 1981 » se souvient Nicole Lejard. L’Armée avait cessé ses commandes et le domaine de Cheverny son exploitation forestière suite au décès de Philippe de Vibraye en 1976. En 1983, pour relancer l’activité, une cellule de séchage du bois par déshydratation de 50 m3 est installée. La cellule séchait des lames de volets premier choix pour l’Allemagne et la Suède. La scierie Deterne-Lejard était la seule sur la région à proposer cette prestation. L’autre séchoir se trouvait en Dordogne au Bugue. L’activité s’est poursuivie tant bien que mal en sous-traitance avec un seul partenaire jusqu’en 1992, date de la fermeture de la scierie Deterne-Lejard. 

La scierie Deterne à ChevernyL’entreprise, reflet d’une époque, aura marqué notre village durant 50 ans.

Merci à Nicole Lejard et à Christophe Lejard, son fils, qui ont permis à La Grenouille de raconter l’histoire de la scierie Deterne-Lejard.

J.-P. T.

 La Grenouille n°45 - Octobre 2019

La scierie Deterne à Cheverny
Roger Duceau
 La scierie Deterne à Cheverny

Le passage de Roger Duceau à la scierie Deterne de marçon

Roger Duceau, né en 1923, faisait partie des réfractaires du STO réfugiés en forêt de Cheverny, qui ont travaillé à la scierie Deterne de Marçon. 

La scierie Deterne à Cheverny
Madeleine Deterne, au centre du groupe
Patrice Duceau, son fils, transmet son histoire à La Grenouille : « Au début de la guerre, mon père suivait un enseignement professionnel à Vierzon dans le but de passer son diplôme d’ingénieur. Il habitait chez ses parents à Theillay. Son père était garde-chasse au château des Sauteraux. Il aidait régulièrement des personnes à traverser la ligne de démarcation toute proche, matérialisée par le Cher, en passant par la forêt qu’il connaissait bien. Les Allemands étaient très présents dans les environs et, à partir de février 1943, ils réquisitionnaient les jeunes Français pour les envoyer en Allemagne au titre du STO ». Roger Duceau a fait partie de ces jeunes. Il s’est ainsi retrouvé dans un train partant de la gare de triage de Vierzon en direction d’Orléans et à destination de l’Allemagne. Il s’évade en sautant du train, accompagné par deux copains. Roger Duceau se garde bien de retourner chez ses parents où il n’aurait pas manqué d’être retrouvé rapidement par les Allemands. 

Destination la forêt de Cheverny 
La scierie Deterne à Cheverny
La scierie Deterne à Marçon en 1944
La forêt constituait une excellente cachette. Un des compagnons de cavale de Roger s’est souvenu être venu en forêt de Cheverny avec son père, fabricant de meubles dans le faubourg Saint-Antoine à Paris, qui venait s’approvisionner en bois à la scierie de Gustave Deterne. Les trois évadés décident donc de rejoindre ce lieu propice. Gustave et Madeleine Deterne les accueillent et les trois amis participent, avec quelques autres réfractaires au STO, à l’activité de la scierie. Roger Duceau rapporte une anecdote de cet épisode de sa vie : Gustave Deterne était une force de la nature, toujours en retard aux repas collectifs que confectionnait Madeleine, son épouse. Elle lançait alors : « Le pot au feu bout toujours et toujours pas de Gustave ! » Au cours de sa vie, Roger Duceau, souvent en retard lui aussi à l’heure des repas, reprenait régulièrement à son compte l’expression de Madeleine Deterne. 

Après la guerre 
La scierie Deterne à Cheverny
La scierie Deterne à Marçon en 1944
La scierie Deterne à Cheverny
La scierie Deterne à Marçon en 1944
Lors de son séjour à Marçon, Roger avait fait la connaissance, au hameau voisin, de celle qui allait devenir son épouse en 1947. Depuis 1945, Roger est employé comme mécanicien par le garage Robin de Contres. Il y reste jusqu’en 1954, année où, avec sa femme Andrée, ils achètent le garage Roulier à Cour- Cheverny, qui jouxte l’Hôtel des Voyageurs (devenu l’Hôtel Saint-Hubert) (1). Roger Duceau a toujours conservé une profonde reconnaissance et une grande amitié envers Gustave et Madeleine Deterne.

(1) Voir le livre « Les grandes heures de Cheverny et Cour-Cheverny en Loir-et-Cher… et nos petites histoires » Éditions Oxygène Cheverny 2018 - page 189.

Propos recueillis par J.-P. T.

La Grenouille n°45 - Octobre 2019

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Merci de nous donner votre avis sur cet article, de nous transmettre un complément d'information ou de nous suggérer une correction à y apporter