La Lyre de Cour-Cheverny et Cheverny : une centenaire alerte

La création des premières musiques civiles date de la fin du XIXe siècle. Dans notre département, la Lyre en est un exemple vivant, qui fête cette année 130 années d’existence, ce qui en fait la plus ancienne société musicale du départe­ment. Elle a su progresser, évoluer au fil des décennies, voire adopter, pour le plai­sir de tous, le style « Banda » qui apporte un dynamisme musical que nombre de communes nous envient.


La Lyre de Chevernyy et Cour-Cheverny : une centenaire alerte
Grande cavalcade de Cour-Cheverny et
de Cheverny en 1921. Nous pouvons
voir l’ensemble des musiciens,
mais aucune bannière n’apparaît.
Dans les précédents numéros de La Grenouille, nous avons évoqué la création de la « Société des Jeunes Gens » à Cour- Cheverny en 1877, dans le contexte de cette période, sans pouvoir préciser sa durée de fonctionnement car aucun document ne sub­siste à ce sujet (1). Ce prémisse est important : les premiers musiciens inscrits à la Lyre ont dû bénéficier de la formation musicale dispensée par cette « Société des Jeunes Gens », ce qui permet d’expliquer les succès de la Lyre lors de ses premières participations aux concours organisés dans notre département comme hors du département.
Les statuts qui régissent le fonctionnement de cette nouvelle association sont d’une rigueur draconienne, et son respect passe par un sys­tème d’amendes dont le montant est dissuasif pour les musiciens non sérieux !

Le règlement de « La Lyre de Cour- Cheverny »
Préparé en 1889 par des musiciens cour­chois et approuvé par arrêté préfectoral du 10 janvier 1890, le règlement comporte 45 articles qu’il serait trop long de reproduire intégralement dans ces pages. Ce règlement comprend les règles de base de toutes les associations de cette époque, à savoir : pour la direction, un conseil d’administration com­posé d’un président (élu pour cinq ans), d’un secrétaire-trésorier, du chef-directeur et de quatre administrateurs dont deux pris parmi les membres honoraires et deux pris parmi les membres exécutants. Le président, le chef-directeur et le secrétaire-trésorier for­ment le Bureau et sont nommés, ainsi que les deux membres exécutants du Conseil d’administration en assemblée générale. Les deux membres honoraires sont nommés par le bureau.
Plusieurs points du règlement sont nouveaux par rapport à celui de la « Société des Jeunes Gens », notamment :
- les femmes sont désormais admises comme membres honoraires ;
- un cours préparatoire au solfège est créé pour les moins de 13 ans.
Certains articles du règlement sont particu­lièrement rigoureux et contraignants pour les membres : ils sont obligés, sauf en cas de maladie, de se rendre à toutes les réunions ou répétitions et convocations régulièrement faites. Des amendes sont prévues pour les contrevenants, sauf justifications reconnues valables. Les articles 20 à 23 ci-après repro­duits sont très explicites :
- Article 20 : dans toutes les réunions le pré­sident confie au chef qui signale au conseil d’administration les exécutants qui se font rappeler à l’ordre par leurs paroles ou leur mauvaise tenue suivant la gravité ou la réci­dive de la faute : l’amende sera de 0,25 f à 1 f
- Article 21 : Les amendes pour les membres exécutants sont établies comme suit :
     .manque à l’appel : 0,25 f
     .absence totale non motivée : 1 f
Pour les veilles d’exécution :
     .manque à l’appel : 0, 25 f
     .absence totale : 1 f
Pour les jours d’exécution :
     .manque à l’appel : 1 f
     .absence totale : 2 f
Pour le cours préparatoire, les amendes sont ainsi fixées :
     .manque à l’appel : 0,05 f
     .absence totale non motivée : 0,25 f
Une demie-heure après l’appel, l’absence sera considérée comme absence totale.
- Article 22 : Les amendes seront perçues à la première répétition de chaque mois par le secrétaire-trésorier.
- Article 23 : Seront dispensés des amendes toutes les situations de deuil, maladies ou autres causes reconnues valables par le conseil d’administration.
     1er ajout : les autres causes reconnues valables sont celles des réunions chez un notaire pour affaires. Les absences provenant des affaires ou du travail ne pourront jamais être invoquées.
     .2e ajout : en cas d’absence aux répétitions causées soit par un surcroît de travail ou à l’occasion d’un mariage, l’amende ne sera pas perçue. Toutefois le nombre des absences ne pourra pas dépasser trois dans le mois, ou la quatrième sera considérée valable et perçue de droit...
Le sociétaire qui refuse de payer une amende cesse de faire partie de la société à moins d’une décision contraire de l’assemblée géné­rale.

Le retrait
Tout membre exécutant se retirant de la socié­té sans raison reconnue valable par le conseil d’administration sera passible d’une amende de 10 francs. Pour le cours préparatoire, cette amende sera de 5 francs.

L’exclusion
Article 26 : L’exclusion est prononcée en assemblée générale sur la proposition du Conseil d’administration et sans discussion pour les six motifs énumérés : pour condam­nation infamante, pour préjudice causé aux intérêts de la société, pour tout acte contraire à l’honneur, pour conduite déréglée et notoi­rement scandaleuse, pour troubles apportés aux réunions.
Ainsi l’organisation et le mode de fonction­nement de la Lyre sont bien établis et le règlement, très strict sur certains points, a été accepté par tous les participants (question d’époque certainement !).

Articles ajoutés au règlement par ordre de la préfecture
Article 20 bis : Toute discussion politique ou religieuse est interdite dans les réunions de bureau, de conseil d’administration ou des assemblées générales.
Article 41 bis : Le costume adopté par la société différera complètement de la tenue militaire, il en sera de même pour les signes distinctifs, des grades des médailles qui ne ressembleront en rien aux décorations natio­nales et étrangères ni même aux médailles d’honneur.

Première assemblée générale de La Lyre du 25 janvier 1891
Le président retrace brièvement les phases par lesquelles est passée la jeune Lyre depuis le 15 décembre 1889 où, réunis dans cette salle, ils ont assuré par leur bienveillant concours la formation définitive de la Lyre de Cour-Cheverny.
Aussitôt constitués, les membres exécutants rivalisant de zèle et d’ardeur se sont assi­dûment rendus aux cours organisés sous la direction de leur chef de musique, Adolphe Bouton. Trois cours, cours de solfège d’abord, sont institués suivant les connaissances plus ou moins acquises des membres exécutants et suivant leur âge.
Aux répétitions comme aux réunions ou sor­ties, le choix des morceaux appartient exclusi­vement au chef-directeur après avis favorable du président et sans observation aucune des exécutants.
Le 26 janvier 1890 arrivent les premiers instruments achetés avec de bonnes condi­tions à la maison Besson. Ils sont de suite distribués suivant les aptitudes ; trois mois et demi après, le premier morceau est mis à l’étude. Le 27 avril, quatre mois seulement après sa formation, la Lyre de Cour-Cheverny accompagnant les membres de la société de secours mutuels, exécute sa première sortie. Le 7 septembre, cinq mois après la première répétition, elle a accepté les conditions d’un concours à Mer, dont elle a tiré gloire en rem­portant un premier prix de lecture à vue et un premier prix ex-aequo d’exécution.
La Lyre de Cheverny et Cour-Cheverny : une centenaire alerte

« Encouragés par ce succès et pleins d’es­poir dans l’avenir, nous avons cru devoir rehausser la situation instrumentale de notre société en achetant à la Maison Besson un jeu de quatre saxophones. La bonne fortune a amené dans nos rangs M. Bailly sachant parfaitement le saxophone, instrument difficile et long à apprendre et, grâce à lui, deux de nos membres exécutants ont raffermi leurs connaissances… et un quatrième élève est en train de se former… Nous avons pensé qu’un si précieux concours et un zèle si dévoué, désignait tout naturellement M. Bailly à une distinction toute particulière et, modifiant nos statuts muets sur ce point, nous avons, le conseil d’administration et les membres exé­cutants réunis, nommé sauf votre approbation, M. Bailly sous-chef de musique… ».
Le président ajoute que les membres exécu­tants se réunissent quatre fois par semaine, répétant suivant leurs instruments, et travail­lant depuis 8 heures du soir parfois jusqu’à 10 heures…
- À l’initiative du chef de musique est soumise l’idée de donner des concerts de bienfaisance suite à l’hiver rigoureux subi. Il est décidé que cette première fête de bienfaisance au profit des pauvres, qui sera suivie d’un bal dont les entrées s’ajouteront aux bénéfices, aura lieu le samedi 21 février. Elle sera organisée sous la halle. Il est précisé que les réunions ont lieu « dans la salle des répétitions à la mairie de Cour-Cheverny ».
Une première photo de La Lyre est réalisée en avril 1894 : « Un photographe de passage ayant fait une photo en groupe de la société, il en sera fait deux épreuves, l’une offerte au président, l’autre sera encadrée et placée dans la salle des répétitions ».

La bannière
Lors de l’Assemblée générale du 22 janvier 1893, l’achat d’une bannière par souscription est évoqué. Mais les membres estiment pré­férable d’attendre car le moment n’est pas propice pour une souscription.
La Lyre de Chevernyy et Cour-Cheverny : une centenaire alerte
Bannière exposée dans la salle
de la Lyre
À l’assemblée générale du 28 décembre 1924, il est décidé d’organiser une souscription parmi les membres honoraires pour procéder à l’achat d’une nouvelle bannière.
Le 27 décembre 1925, sous la présidence du marquis de Vibraye, est évoquée la situation financière de la Lyre par le trésorier :
« En caisse : 113,65 francs ; 1 400 francs sur le livret de Caisse d’Épargne. La société compte 151 membres hono­raires, 30 membres exécutants et 11 élèves. Il est créé un poste d’archiviste afin d’alléger la tâche du directeur dans le classement du répertoire : cet emploi est donné à Monsieur Bellanger ». Il est ensuite donné lecture de la souscription pour l’achat d’une bannière : « 95 membres honoraires ont contribué à la souscription, ce qui a permis de réunir 1 374 francs. Après l’achat, il est resté 348,40 francs qui, avec l’assentiment des membres honoraires présents sont versés à la caisse ».
La Lyre de Chevernyy et Cour-Cheverny : une centenaire alerteCurieusement, dans les comptes-rendus des assemblées générales, il n’est jamais fait mention de ceux qui, quelle que soit la sor­tie, défilent toujours en tête. Voici quelques noms : Messieurs Raymond Puychaffray (1959), Raymond Jouanneau, André Bessé (entre 1970 et 1980), Jean-Claude Mathon, Michel Thomas, Daniel Letohic.
La Lyre réunit à longueur d’années des pas­sionnés qui communiquent leur bonne humeur « Là où est la musique, il n’y a pas de place pour le mal » selon Platon, mais aussi « Sans la musique, la vie serait une erreur » (Nietzsche).
On constate simplement qu’elle « adoucit les moeurs »…

Françoise Berrué

Merci à toutes les familles courchoises qui ont contribué à compléter les recherches concernant les porte-bannière.
Documents : Registres des assemblées générales de La Lyre de 1890 à nos jours.
(1) Repères :
La Grenouille n° 42
Évolution des fanfares dans le département du Loir-et- Cher et création de la « Société des jeunes gens » de Cour-Cheverny en avril 1877.
La Grenouille n° 43
Création de l’Union musicale de Cheverny par autorisation préfectorale du 5 mars 1890, mais la première assemblée générale ne s’est tenue que le 19 avril 1891.
La Grenouille n° 46
L’Amicale des Joyeux Fantaisistes créée en 1932 se substitue à La Lyre de Cour-Cheverny qui a été mise en sommeil pendant la dernière guerre. La Lyre de Cour- Cheverny reprend ses activités en 1944.
Pendant les dix premières années, de nombreuses sorties dans le dépa

La Grenouille n°47 - Juin 2020

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