Un Courchois part à la conquête de la Nouvelle France

Sous Louis XIV, un Courchois part à la conquête de la Nouvelle France

Sous Louis XIV, un Courchois part à la conquête de la Nouvelle France
Le bulletin municipal de Cour-Cheverny de septembre 2009 a publié un texte rédigé par Jean-Jacques B o u c h e r , président à l’époque de l’association France Québec pour le L o i r - e t - C h e r et aujourd’hui décédé, qui nous indique que « Cour-Cheverny fait partie des quelque trente communes de Loir-et-Cher à avoir participé au peuplement et à la colonisation de cette terre lointaine de Québec appartenant à la Nouvelle-France (1) du XVII e siècle ! »

Nous en publions ici de larges extraits 
« À travers la plaque commémorative offerte par le Conseil général dans le cadre du 400 e anniversaire de la fondation du Québec, Cour-Cheverny se place sur un nouveau lieu de mémoire, un souvenir oublié qui reste bien vivace grâce aux multiples descendants des migrants partis de France, abandonnant leur passé et leurs racines pour s’installer dans une terre inconnue, encore inhospitalière et porteuse d’espoir. 

Quel challenge, dirait-on aujourd’hui ! Mais au fait, qui est donc ce Courchois à avoir tenté l’aventure ? Avant le départ… 
Né en 1621 et baptisé le 31 mai 1621 en l’église Saint-Aignan de Cour-Cheverny, Étienne Pézard est le fils de Claude Pézard et de Michelle Masson, tous deux qualifiés dans les actes de baptême d’honnête homme et honnête femme. Le parrain d’Étienne est Étienne Ragois, de Chambord, valet de chambre de feu le duc d’Anjou, sa marraine est Claude Masson (2).
La famille de Michelle Masson semble originaire de Blois, puisque le père de Michelle est Silvain Masson, de la paroisse Saint-Honoré de Blois. Étienne est l’un des nombreux enfants du couple Pézard […/…]. On peut supposer qu’Étienne est issu d’une famille aisée pour l’époque (bourgeois ou petite noblesse de l’époque) : beaucoup savent signer […/…] ; les parrains et les marraines sont choisis parmi les notables locaux (la fille d’un notaire royal de Blois, Philippe Bernard par exemple), qualifiés d’honorables. Mais les sources restent maigres sur la vie des Pézard, peu de choses pour les années 1640 et 1650. 

Une ascension fulgurante 

Sous Louis XIV, un Courchois part à la conquête de la Nouvelle France
La commune de Champlain, au bord du fleuve
Saint Laurent, compte aujourd'hui 1800 habitants.
Carte Universalis.fr

En 1661, la présence d’Étienne Pézard est attestée au Canada, à Trois-Rivières où il est lieutenant, puis capitaine, de la garnison de cette ville. Il est écuyer, officier dans les armées des Compagnies gérant le Québec, puis à partir de 1663 dans la colonie royale de la Nouvelle-France (lorsque la Couronne prend le contrôle direct de ces territoires).
Lors de son séjour à Trois-Rivières, Étienne aurait aidé Pierre Boucher, gouverneur de la ville, à rédiger son "Histoire véritable… du Canada" (1664). En juin 1664, il assure le commandement de la garnison de Montréal (appelée alors Ville-Marie). C’est là, le 20 juin, qu’il épouse, dans l’église paroissiale Notre-Dame, Madeleine Mullois de la Borde, originaire de Blois. De leur mariage sont nés cinq enfants (Daniel Jacques, décédé à Beauport en 1690 lors d’une bataille contre les Anglais, Madeleine, mariée à Joseph Desjordy de Cabanac, Marie, Thérèse et Étienne, qui a eu neuf enfants).
Ce même 20 juin, Saffray de Mezy, gouverneur de la Nouvelle-France, le nomme gouverneur de Montréal, fonction qu’Étienne n’occupe pas puisque le pouvoir de nomination est entre les mains des seigneurs de Montréal qui lui préfèrent Marie Perrot. En compensation et par reconnaissance des services qu’Étienne Pézard a rendus à la communauté québécoise, Saffray de Mezy lui donne une seigneurie, située au confluent du Saint-Laurent et de la rivière Saint-Maurice. Commence alors pour Étienne une vie de seigneur et de colon, tâches dans lesquelles il s’investit totalement. 

Une installation définitive 
La seigneurie d’Étienne (qu’il dénommera "Seigneurie de Champlain"), un vaste arrière-fief, s’étend, comme le rappelle l’acte de concession, sur "une lieue et demie de terre de front à prendre sur le grand fleuve Saint- Laurent depuis la rivière Champlain (3) en montant sur le dit fleuve vers lesdites Trois- Rivières, sur une lieue de profondeur dans les terres (…). Pour jouir dans cette étendue de terre, de justice tant moyenne que basse et des droits honorifiques ordinaires aux seigneurs de paroisses dans les églises lorsqu’elles sont bâties. Les appellations de la justice que le concessionnaire ou ses héritiers établiront, devant ressortir à la justice royale des Trois-Rivières.
Fait à Québec, le 8 août 1664

Le roi ratifia cet acte en 1689, et il y inséra le droit de "haute, moyenne et basse justice" (4). Dès son installation dans sa seigneurie, Étienne prend son rôle de colon très au sérieux et entreprend un certain nombre de constructions et le développement de son domaine :
• dès 1664, un manoir sur la pointe du rocher à l’embouchure de la rivière Champlain et pour se prémunir contre les attaques des Iroquois, un fort, le fort de la Touche (mentionné dans différents actes notariés, aujourd’hui disparu). Une chapelle lui est même associée, premier lieu de culte pour les colons de Champlain ;
• à partir de 1665, une église, pour attirer les colons, ce qui semble réalisé rapidement puisque cette année-là, Étienne accorde plus de 22 censives (biens appartenant à un seigneur mais laissés à l’usage d’un censitaire en échange d’un loyer, le cens) ;
• en 1669, la fondation de la mission de la Visitation ;
• en 1682, l’ouverture de l’école ;
• en 1684, les autorités religieuses organisent l’érection canonique de la paroisse de Notre- Dame-de-la-Visitation de Champlain, dont le territoire couvre une partie de la seigneurie de Champlain,
• en 1697, la seigneurie de Champlain est augmentée par 3 lieues de profondeur en faveur de la veuve d’Étienne.
Étienne Pézard de la Touche et de Champlain (souvent nommé ainsi) décède entre le 25 janvier 1695 et le 20 novembre 1696 à Champlain. Sur sa seigneurie se développe ce qui deviendra la petite ville de Champlain (5) (au bord du fleuve Saint-Laurent). La seigneurie est restée jusqu’en 1789 dans la famille Pézard. Les descendants d’Étienne ont fait des alliances avec d’autres familles de notables de la Nouvelle-France - comme les Dejordy de Cabanac, les Vallières, les Ross… - et ils sont nombreux à vivre aujourd’hui au Québec »

Sous Louis XIV, un Courchois part à la conquête de la Nouvelle France
Sous Louis XIV, un Courchois part à la conquête de la Nouvelle France

En mémoire de ce notable courchois, deux plaques ont été inaugurées le samedi 13 juin 2009 à la mairie de Cour-Cheverny, en présence de M. Boucher, représentant de France-Québec dans le Loir-et-Cher. 

Merci à l’association France Québec qui nous a autorisés à publier ce texte. 

(1) La Nouvelle-France est un ensemble colonial français d’Amérique du Nord qui a existé de 1534 à 1763 avec le statut de vice-royauté. Sa capitale était Québec. Son territoire était constitué des colonies d’Acadie, du Canada et de la Louisiane (Wikipédia). 
(2) AD Blois, CR 1015, Origine des émigrants du départ du Loir-et-Cher vers l’Acadie et la Vallée du Saint Laurent : actes de baptêmes, XVI e-XVIII e siècles, 1999. 
(3) Samuel Champlain (1567-1635) est un colonisateur français qui donna son nom à la rivière Champlain. Etienne Pézard donnera ensuite le nom de Champlain à sa seigneurie. 
(4) Dictionnaire biographique du Canada en ligne, www.biographi.ca. (5)Prosper Cloutier : Histoire de la paroisse de Champlain, Trois-Rivières, Le Bien Public, 1915, T.I., p. 54-55.

La Grenouille n°51 - avril 2021

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