La saga des Gendrier est essentiellement liée à l'histoire locale de la vigne

Quand on parle viticulture avec la famille Gendrier, il faut se laisser porter par plu­sieurs générations habitées par l’histoire de leur domaine. Marcel, Michel et Alexandre représentent trois générations qui ont su, et savent toujours, faire prospérer l’exploi­tation de leurs vignes et la vinification avec les techniques les plus avancées.

Michel nous rappelle que l’histoire du domaine des Huards, à Cour-Cheverny, est intimement liée au cépage Romorantin, donc à la Bourgogne, et de fait à François 1er.


La saga des Gendrier est essentiellement liée à l'histoire locale de la vigne
Rappel historique

En 1519, François 1er, qui apprécie les blancs de Bourgogne, envisage de planter ces cépages autour de son futur château initia­lement prévu à Romorantin. La peste ayant envahi le Romorantinais, le château sera construit à Chambord. Les 80 000 pieds de vigne venus de Bourgogne sont déjà plan­tés près de Romorantin dans une parcelle baptisée le clos de Beaune. La légende nous dit que cette vigne est à l’origine du cépage Romorantin, légende contestée par un historien qui affirme que les plants venus de Bourgogne étaient du Pinot noir. Cette dernière hypothèse manque de cohérence, le Pinot noir étant déjà présent dans notre vignoble au XIVe siècle.

Très présent au XIXe siècle dans tout le département, peut-être planté tout d’abord aux Murblins, le cépage Romorantin a suivi les projets de François 1er et on le retrouve aujourd’hui presque uniquement dans les communes situées autour de Chambord où il a trouvé son terroir de prédilection, terroir reconnu en AOC Cour-Cheverny avec un cépage exclusif : le Romorantin.

Cheverny et Cour-Cheverny furent durant plusieurs siècles essentiellement tournés vers la vigne avec de nombreuses closeries appar­tenant à des nobles blésois, au clergé ou simplement à des commerçants.

Le XIXe siècle fut celui du démarrage du domaine des Huards, en 1846, avec Pierre Gendrier. C’est aussi la victoire du souffre sur l’oïdium (1), juste avant le phylloxera en 1870.

En 1902, Eugène Magloire Gendrier achète les terres des Huards. Sa soeur Eugénie (2) exploite la ferme de La Borde.


La saga des Gendrier est essentiellement liée à l'histoire locale de la vigne
Marcel Gendrier, 5e génération au domaine des Huards
Marcel Gendrier, né le 4 juillet 1927, perd sa mère à 15 ans. Il est élevé par sa grand-mère et déroule sa scolarité à Cour-Cheverny jusqu’à l’obtention de son certificat d’études primaires en 1940. Il suit des cours d’agriculture par cor­respondance pendant deux ans puis effectue son service militaire au Maroc en 1947-1948. Revenu à Cour-Cheverny, il devient chef d’ex­ploitation en 1951 et épouse Rolande Chéry. Il perd son père Raoul en 1960 et rachète quatre hectares de terres familiales plantées en majo­rité avec le cépage Romorantin.

C’est à cette période, entre 35 et 40 ans, que Marcel Gendrier va s’engager dans diverses fonctions :

- conseiller municipal de Cour-Cheverny puis premier adjoint au maire de 1965 à 1983 ;

- président de la FDSEA (3) de 1968 à 1993 ;

- vice-président de FSV (4) de 1978 à 1995 ;

- président de l’appellation Cheverny de 1974 à 1996 ;

- membre de la Chambre d’agriculture de 1986 à 1994 ;

- membre de la MSA (5) de 1990 à 1995.

Marcel Gendrier ne s’arrêtait jamais de travail­ler, dimanches compris... Il mettait la même ardeur à remplir toutes ces tâches, ce qui avait le don d’exaspérer son fils Michel... avant qu’il ne se fasse « récupérer » lui-même plus tard par les mêmes engagements...

Patrice Duceau, qui a côtoyé Marcel Gendrier, lui demandait un jour son avis concernant un différend entre deux personnes de la commune. Il lui répondit : «Tu sais, sur terre, il y a autant d’individus que de vérités, alors fais au mieux...».

Marcel avait la réputation de ne jamais se mettre en colère : c’était une force tranquille qui montait à l’épaule des sacs de 100 kg au grenier.

Côté distractions, il emmenait ses enfants le dimanche après-midi voir les premières plan­tations de vignes hautes. La voie était donc tracée pour les enfants : il n’y aura pas de pilote d’avion, de chirurgien ou d’avocat aux Huards : il y aura des viticulteurs !


La génération de Michel Gendrier

Michel Gendrier, à son retour du service mili­taire en 1976 et après être passé par l’école viticole de Beaune, trouve sa voie et une grande motivation pour faire évoluer le VDQS Cheverny de l’époque vers l’AOC ainsi que le domaine familial.

À cette époque aux Huards, pas de vacances : la famille se partageait les tâches à la vigne, auprès des clients, aux asperges et auprès des vaches... La comptabilité, le téléphone et les livraisons étaient réservées à « maman Rolande ».

Michel, curieux de tout, ne perd pas de temps : il est présent avec son père Marcel aux discussions du syndicat et chez les confrères. Michel fréquente particulièrement l’un d’eux, voisin d’en face, René Besnard, vétéran de la guerre de 1914-1918 et viticul­teur d’exception. Il lui transmit beaucoup de conseils et d’ouvrages sur le vin et la vigne.

En 1978, Marcel, qui a passé la cinquantaine, crée un GAEC (6) avec ses enfants Michel et Nicole suite à l’achat sur Cheverny du domaine Le Portail à la SAFER (7) (domaine ayant appartenu à la famille Badenier).

Marcel et Rolande vont laisser le domaine des Huards à Michel et à sa future épouse Jocelyne. Ils iront habiter avec leur fille Nicole, devenue Mme Cadoux depuis 1974.

Marcel Gendrier a montré la voie à son fils Michel.


La juste mesure entre tradition et modernité

La prise de risque du changement de méthodes sur le travail de la vigne n’était pas vraiment une révolution pour lui car depuis toujours Michel traitait déjà ses vignes à la bouillie bordelaise à faibles doses. Il y a 30 ans, certains restaient perplexes devant ses arrosages l’hiver pour éviter le gel, lui qui se fiait aussi au calendrier lunaire qui lui ensei­gnait les jours « fruits », les jours « fleurs », les jours « racines », les jours pour travailler la vigne ou les jours de travail en cave...

Cette philosophie, Michel la tire de ses expériences ponctuelles en Suisse en par­ticulier. Il ne s’est pas laissé influencer par les « Marchands du Temple » qui lui proposaient des produits « magiques » pour conduire l’exploitation de ses vignes. On reste pragmatique aux Huards, en respectant la nature. « Renforcer le vivant » avec de la bouse de corne, de la bouse séchée, du silice de corne aide à la recherche d’un équilibre entre les contraintes d’une production qualita­tive et la préservation de la nature.

La saga des Gendrier est essentiellement liée à l'histoire locale de la vigne
son père qui était sur tous les fronts. Depuis, Michel a suivi presque tous les engagements de son père Marcel :
- président du syndicat des vins des AOC Cheverny et Cour-Cheverny ;

- conseiller municipal de Cour-Cheverny de 1983 à 2001 ;

- Association des vignerons indépendants. Il préside la Commission nationale d’environne­ment où il s’est beaucoup investi à Paris pour soutenir leur cause.


La nouvelle génération

La saga des Gendrier est essentiellement liée à l'histoire locale de la vigne
Alexandre Gendrier est né en 1987. Il bouscule un peu certaines habitudes. Si Michel et son père Marcel étaient plutôt des « taiseux », avec beaucoup de retenue et de modération, si le temps avait peu de prise sur eux, le représen­tant de la septième génération des Gendrier a une tête bien faite et un « moteur de Ferrari...». Pas de temps à perdre, le monde change vite. Les consommateurs aussi et il faut s’adapter, s’informer, expliquer...
Les conjointes ont aussi toujours joué un rôle très important aux Huards. Marcel n’est pas allé très loin en 1950 pour trouver l’âme soeur, Rolande Chéry, à quelques kilomètres. Michel a traversé la Loire pour épouser Jocelyne.
Alexandre travaille avec son épouse depuis 2013 au domaine des Huards avec « papa Michel ». La transmission est opérée et la voie tracée. Alexandre a à coeur de pérenniser le travail de fond que son père a mis en oeuvre depuis les années 80.


La saga des Gendrier est essentiellement liée à l'histoire locale de la vigne
P. D.


Domaine des Huards

30 Voie des Huards 

41700 Cour-Cheverny

Tél : 02 54 79 97 90

contact@domainedeshuards.com

Instagram : @domainedeshuards


(1) Oïdium : champignon parasite.

(2) Voir La Grenouille n° 67 « Eugénie née Gendrier à la petite Bourdonnière ».

(3) FDSEA : Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles.

(4) FSV : Fonds de solidarité vieillesse.

(5) MSA : Mutualité sociale agricole.

(6) GAEC : Groupement agricole d’exploitation en commun.

(7) SAFER : Société d’aménagement foncier et d’établissement rural


La Grenouille n°69 - Octobre 2025

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