A l’aube du
20e siècle, en 1905, Cour-Cheverny comptait officiellement 2 222 habitants.
L’activité économique était diversifée : agriculture, viticulture, élevage,
artisanat, qui contribuaient à un commerce dynamique et varié, en particulier
les commerces de bouche.
La
construction de l’abattoir
L'abattoir de Cour-Cheverny |
En mai 1905,
un grand nombre de Courchois réclame au maire, M. Mahoudeau, dans un souci
d’hygiène et de salubrité, la construction d’un abattoir municipal afin de
répondre aux besoins des commerçants. La commune comptait alors 7 tueries
particulières, indépendamment des boucheries foraines, ce qui justifiait cette
demande. On comptait sur la commune 3 bouchers et 7 charcutiers en exercice.
La quantité de bestiaux abattus annuellement était impressionnante : 156
vaches, 312 veaux, 572 moutons.
Le Conseil
municipal décide à l’unanimité la construction de l’abattoir le 28 mai 1905.
L’emplacement
est choisi en août 1905 sur un terrain situé à Vollet, appartenant au comte
Maxime de Vibraye, propriétaire à Blois. Le Conseil considère que l’emplacement
remplit les conditions requises pour une telle installation. La promesse de
vente est approuvée.
En juin
1906, le maire soumet au Conseil municipal, lors d’une séance extraordinaire,
les plans, devis et cahier des charges relatifs à la construction de
l’abattoir, dressés par M. Montprofit, architecte à Blois. Un emprunt de 40 000
francs est voté, remboursable en 30 ans à partir de 1907. Une imposition
extraordinaire de 9,60 F additionnelle au principal des quatre contributions
directes est votée.
L'abattoir de Cour-Cheverny - Inauguration du 23 août 1908 |
En septembre
1907, les sols sont cimentés. La réception des travaux a lieu 24 mai 1908 et
l’inauguration a lieu le 23 août : elle est l’occasion d’une fête grandiose
mobilisant la population tout entière qui a réalisé un impressionnant travail
de décoration florale sur toutes les vitrines et maisons particulières, dans
toutes les rues de la commune et la construction d’arcs de triomphe. La journée
a été animée par un Festival de musique de la Lyre de Cour- Cheverny.
Aménagements
et modernisation
- En 1923, un
branchement électrique est demandé pour « l’installation d’un moteur prêt à
fonctionner » afin d’évacuer les eaux de l’abattoir, en cas de crue du
Conon.
- En 1953, des travaux
de maçonnerie de réfection du brûloir sont effectués.
- En 1958, un appareil
à propane est installé pour « le grillage des porcs », dans le but
d’interdire le grillage à la paille dans les locaux de l’abattoir.
L’eau est
fournie par les puits équipés de pompes entretenues régulièrement.
Des travaux
complémentaires sont engagés pour « l’installation d’un service d’eau en
pression pour desservir tous les services de l’abattoir et le service
incendie ».
Le
bombardement de juin 1940
Le
bombardement de juin 1940 sur Cour-Cheverny a détérioré une partie des
bâtiments de l’abattoir et fait une victime civile qui travaillait dans les
champs. Le moulin de Vollet, tout proche, a aussi subi des dégâts ; l’étable a
été bombardée et les vaches laitières tuées. En avril 1943, le maire obtient
une subvention qui rembourse 50 % des frais de réparations occasionnés par le
bombardement de l’abattoir.
- En mai
1943 a lieu la réfection du logement du préposé, le nettoyage et le
travail d’aménagement à la pompe et au puits pour l’installation de l’eau.
- En 1956, les travaux
d’adduction d’eau potable commencent dans la commune. Un branchement est
réalisé à l’abattoir en août, se substituant à l’installation existante devenue
inutilisable.
Peu de
gardiens en 60 ans
Dès août
1907, anticipant l’exploitation prochaine, M. Roussel, ex-gardien de la paix
de Paris et garde particulier à Cellettes, propose sa candidature. Il est
recruté pour un traitement annuel de 500 F. M. Veyer lui succède mais, suite à
son décès, c’est sa femme qui assure le remplacement avant de se retirer le 1er avril 1918.
Le Conseil municipal sollicite alors la préfecture pour avoir recours, comme le
stipulait une directive récente, « à un mutilé, à condition que l’homme soit
âgé de 35 à 40 ans, autant que possible du métier pour pouvoir répondre au
personnel quelquefois difficile qui fait usage de cet établissement ».
En mars
1918, Marcel Debout, amputé de la jambe droite, est embauché. Il démissionne le
14 juillet 1940 et est remplacé le 1er septembre par Marcel Audon, désigné
préposé-gardien de l’abattoir.
Le
cimetière s’avérant mal entretenu par les cantonniers, qui nettoient rarement
les allées, le Conseil municipal confie ce travail au gardien de l’abattoir,
qui réside à côté.
Mais en
décembre 1940, Marcel Audon est fait prisonnier de guerre. C’est sa femme qui,
depuis le 1er septembre, assure l’emploi et donne entière satisfaction. Le
Conseil la nomme, par arrêté, gardien-receveur de l’abattoir jusqu’au retour de
son mari.
Marcel
Audon, rapatrié en 1945, est nommé gardien « du commando de travailleurs prisonniers
ennemis (1) » à partir du 29 septembre 1945. En 1947, il accepte de s’occuper
du cimetière en plus de l’abattoir. Marie-Thérèse Audon reste préposée de
l’abattoir.
Le commando
dissous, Marcel Audon reprend son emploi de préposé à l’abattoir. Depuis peu,
il a été assermenté par le juge de paix de Contres.
À la
réunion municipale du 10 décembre 1960, le maire expose au Conseil qu’une
lettre du préfet du 20 août 1960 confirme le nouveau plan d’équipement du
département en abattoirs et prévoit que celui de Cour-Cheverny sera supprimé
dans un délai de quelques années. 11
Le Conseil municipal décide d’élever une protestation contre la
réalisation des mesures projetées et demande que l’abattoir communal de
Cour-Cheverny soit maintenu en raison des services qu’il rend localement, et
que les bouchers et charcutiers locaux ne soient pas tenus d’aller abattre à
Blois.
Le 7 juin
1961, le maire lit au Conseil la lettre du préfet de Loir-et-Cher du 19
mai 1961, fixant le périmètre de l’abattoir de Blois. Il élabore sa réponse :
« Le
Conseil après délibération, considérant :
- Qu’il
n’existe pas de tueries particulières sur le territoire de la commune, elles
ont été supprimées et interdites lors de la création de l’abattoir communal,
par arrêté en date du 21 février 1908,
- Que les
commerçants de la profession et les agriculteurs fournisseurs de bétail sur le
territoire de la commune désirent le maintien de l’état actuel,
- Que
l’abattoir communal a fait récemment l’objet d’une inspection des services
compétents, qui ont paru être satisfaits par ce qu’ils ont vu au cours de leur
visite,
- Que le
fonctionnement de l’abattoir communal ne peut présenter une rentabilité
relative que s’il a un nombre suffisant d’utilisateurs qui, pour Cour-Cheverny,
sont actuellement au nombre de : deux bouchers, deux bouchers charcutiers dont
un de Cormeray, deux charcutiers qui abattent chaque année un nombre d’animaux
correspondant à 100 tonnes environ de viande,
- Décide à
l’unanimité d’émettre un avis défavorable à l’inclusion de l’abattoir de
Blois,
- De
demander, pour des raisons d’équilibre financier, qu’il soit permis à M. Moreau,
boucher-charcutier à Cormeray, de continuer à venir abattre régulièrement à
l’abattoir de Cour-Cheverny, ce dernier étant plus près de Cormeray que celui
de Blois ».
En 1968, le maire
fait état au Conseil municipal de la circulaire préfectorale d’octobre 1968
relative à la mise en oeuvre du plan d’équipement en abattoirs publics et le
projet d’arrêté préfectoral qui inclut la commune de Cour-Cheverny dans le
périmètre d’action de l’abattoir de Blois.
Le Conseil
n’élève, cette fois, aucune objection. À cette époque, les quantités de viande
produites à l’abattoir municipal diminuent de façon continue. 50 % des viandes
vendues au détail à Cour-Cheverny sont des viandes foraines. Les redevances
perçues par la commune diminuent régulièrement, tandis que des nouvelles
charges apparaissent.
Le Conseil,
considérant le peu d’utilité que présente désormais l’existence d’un abattoir
municipal et d’autre part l’intérêt matériel et financier de la commune, décide
à l’unanimité la cessation de fonctionnement et la fermeture de l’abattoir
municipal au 31 décembre 1969.
Si la
commune n’a pas décidé de fermer l’abattoir au 1er juin 1968,
c’est en réalité à cause de la situation du gardien préposé, Marcel Audon, eu
égard à la proximité de sa retraite au 2 février 1970.
Quelle
utilisation des locaux de l’ancien abattoir ?
En 1969, de
nouvelles attributions des locaux de l’abattoir ont été décidées : à droite de
l’entrée : le logement du gardien et du fossoyeur, puis d’employés communaux
et enfin des activités de diverses associations courchoises. Le bâtiment des
cases d’abattage, le grilloir et la moitié de la cour sont convertis en locaux
de stockage et de rangement du matériel communal, et de garage des véhicules
automobiles. Le bâtiment des étables avec l’autre moitié de la cour est réservé
pour une utilisation éventuelle lors de l’agrandissement de la Maison de
retraite. En attendant, il abritera le corbillard.
La cession
à la Maison de retraite
En mai
1999, le Conseil municipal cède les bâtiments de l’ex-abattoir à la
Maison de retraite pour 500 000 F. La commune accorde, pour la durée totale des
prêts consentis à la Maison de retraite destinés à financer les travaux ainsi
que l’équipement, sa garantie de remboursement à hauteur de 50 %. En contrepartie,
la Maison de retraite devra réserver des lits pour accueillir, en priorité, des
habitants de Cour-Cheverny. Le droit de réservation s’exercera sur la durée de
la garantie des emprunts consentie par la commune (ceci est toujours en
vigueur). Enfin, la commune maintient une réserve de servitude pour le passage
et l’entretien des canalisations des eaux usées et pluviales appartenant à la
commune et au syndicat d’assainissement. Lors de la réunion du Conseil
municipal de juillet 1999, il est décidé que « la cession fera l’objet d’une
vente moyennant la somme de un franc, cette opération pouvant être considérée
d’intérêt général permettant l’hébergement des personnes âgées ».
Démolition de l'abattoir en 1999 |
La même
année, afin de libérer le terrain pour la construction de nouveaux locaux, les
bâtiments de l’abattoir sont démolis. Seuls ont été conservés les deux
pavillons qui marquaient l’entrée de l’abattoir qui sont utilisés comme logements.
Ils font maintenant partie intégrante des locaux de la Maison de retraite.
Fonctionnement
et vie de l’abattoir au quotidien
Bertrand
Château témoigne du fonctionnement de l’abattoir où, enfant, il accompagnait
son père, boucher à Cour-Cheverny, comme son grand-père l’était et lui-même le
deviendra par la suite. Les animaux provenaient des fermes ou élevages locaux.
Les bouchers et charcutiers courchois ont utilisé l’établissement jusqu’à sa
fermeture : MM Douet, Château, Arnoult, bouchers et Moreau de Cormeray, MM
Géniès et Vadé, charcutiers. L’abattoir comprenait 4 cases d’abattage, une 5e case «
l’échaudoir ». Une grande marmite servait à échauder les tripes et les
fraises de veau, pour ensuite les nettoyer ainsi que les boyaux. Les abattages
avaient lieu le lundi, la viande ressuait toute la nuit, et le mardi elle était
mise aux frigos. Le vétérinaire contrôlait le mardi matin. Chaque utilisateur
avait sa case. Quand il y avait beaucoup de veaux dans les fermes, le surplus
était tué à l’abattoir, et il fallait les livrer chez un transporteur (M.
Raquin) à Romorantin, qui assurait le transport à La Villette, en région
parisienne. Un équarisseur passait deux fois par semaine pour ramasser les os,
les cornes et déchets divers. Une 6e case servait au stockage
des peaux/cuirs qui étaient repliés et salés, puis ramassés deux fois par an.
Les porcs étaient abattus dans un bâtiment à part, au fond de la cour et
grillés dans le bâtiment. Peu de particuliers amenaient des vaches à
l’abattage, et rarement des chevaux qui allaient à Bracieux. Au fond de la cour
se trouvait « la fumière » pour entreposer la paille retirée des
véhicules, ou l’herbe sortie des panses des bêtes. Le gardien cultivait son
jardin potager au fond du terrain, près de la rivière.
Françoise
Berrué.
(1) Le commando
des prisonniers : lors de la séance du 20 novembre 1945, le maire précise au
Conseil que, « sur l’offre faite par l’administration militaire suivant les
instructions préfectorales, en vue de l’emploi de prisonniers de guerre
allemands pour le besoin des communes, il a décidé, d’accord avec le Conseil,
de profiter de cette main d’oeuvre pour l’utiliser à l’extraction de pierres
dans la carrière communale « des Prés Martin » et qu’il a organisé en
septembre 1945 un commando de 10 prisonniers allemands. Il expose que les frais
d’aménagement du commando ainsi que de garde et la nourriture des prisonniers
de guerre étant à la charge de la commune, il envisage de faire supporter ces
dépenses par les crédits des chemins du fait que ces pierres sont destinées à
l’entretien des chemins vicinaux et ruraux de la commune… ». Le Conseil
approuve la création de ce commando et autorise le maire à payer ces dépenses
sur les crédits des chemins vicinaux à concurrence de 50 000 F.
Sources :
documents registres de délibérations municipales de 1905 à 2010.
Remerciements à Bernard Billot, Gilbert
Desnoues, Jean- Marie Antigny, Christiane Sieffert, Joël Hochart, Bertrand
Château.
La Grenouille n°39 - Avril 2018
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