Cour-Cheverny et Cheverny aiment la musique

Avant la Révolution, dans les villes, la musique était liée aux institutions ecclésiastiques et exécutée essentiellement par des musiciens payés par des mécènes. En 1789, la Garde Nationale est constituée. En 1791, la Garde Nationale de Blois s’étoffe d’un « corps de musique », imitée par d’autres communes du département comme Cour-Cheverny, qui crée aussi un corps de gardes nationaux en mars 1793. En février 1814, la Garde nationale de Cour-Cheverny est composée de 40 gardes de Cheverny et de Cour-Cheverny, encadrés par un état-major de sept gradés (un capitaine, un lieutenant, un sergent-major, un sergent, et trois caporaux dont un fourrier (1)). 
Un « corps de musique » est créé au sein de ce corps de la Garde Courchoise. Les cliques (2) naissent de ce mouvement. 
La Lyre de Cheverny et Cour-ChevernyLes premières musiques civiles sont des émanations des musiques militaires. Elles assurent le protocole et s’inspirent de la musique « de la garde » pour le costume, les instruments, la discipline. Les premiers statuts imposent la rigueur militaire au règlement draconien, que chacun doit signer et respecter sous peine de sanctions. La musique évolue : elle n’est plus liée aux habitudes et aux rites religieux mais devient une activité de détente à part entière. Les premières sociétés de musique civile en Loir-et- Cher ont été créées à Blois, puis à Vendôme et à Romorantin avec les sociétés philharmoniques. 

115 sociétés musicales voient le jour en Loir-et-Cher de 1815 à 1914
Les premières sociétés musicales civiles officielles ont été déclarées en Loir-et-Cher, avec dépôt de règlement, après 1880 et au début du XXsiècle : Huisseau-sur-Cosson, Contres et Chémery en 1890 ; Cour-Cheverny et Cheverny ; ensuite Chitenay, Herbault, Fréteval, Cormeray, Faverolles-sur-Cher et Saint-Julien-de-Chédon, Dhuizon. 
Nombreuses sont celles qui n’ont pas survécu aux différents conflits : ces sociétés étant exclusivement masculines, les ordres de mobilisation en 1914 puis 1939 en ont décimé les rangs. Elles ont eu beaucoup de difficultés à reprendre leurs activités à la fin des conflits. Il faudra attendre 1960 pour que les rangs se féminisent et les années 1970 pour que les jeunes filles accèdent au grade de chef d’orchestre comme à la Lyre de Cour-Cheverny où trois jeunes femmes se partageront la direction collégiale en 1988. 
La présence de sociétés musicales accompagnant les cérémonies officielles locales ou nationales est devenue une tradition incontournable, bien ancrée dans la vie sociale. Elles se produisent dans les concerts, les festivals de musique, de plus en plus nombreux. Elles sont surtout l’exemple de formations pérennes intergénérationnelles, regroupant des passionnés d’origines sociales très différentes, pour des moments de convivialité irremplaçables… La célébration de la Sainte Cécile le 21 novembre est la journée festive des musiciens. Elle débute avec le traditionnel concert, suivi de remises de diplômes pour les élèves de l’école de musique et de médailles récompensant les musiciens pour leurs années de pratique au sein de la formation. Et le lancement de la Fête de la Musique en 1982 ne fera qu’amplifier le phénomène ! 
« Les harmonies batteries-fanfares représentent une pratique musicale vivante et populaire dans nos régions de France. Elles rassemblent toutes les générations dans une expérience conviviale de la musique. Animant nos célébrations civiques de villages et de quartiers, présentes dans nos fêtes et dans les formes nouvelles que prennent les arts de la rue, elles ont traversé le temps et les époques. Depuis plusieurs années elles occupent aussi nos salles de concert, acquérant une nouvelle légitimité musicale. Entre patrimoine et émergence de formes musicales nouvelles, ces ensembles interrogent leur identité et les évolutions pour construire l’avenir, tout en revendiquant une place à part entière dans le champ musical (3) ». 
En 2000, on considère que la pratique musicale amateur est la première pratique culturelle française : plus de 5 millions de Français, de 15 ans et plus pratiquent la musique pendant leurs loisirs, que ce soit en groupe vocal ou instrumental, dans les harmonies- fanfares, formations jazz ou classiques. 
Notre département contribue à cette évolution et à cet engouement. Les sociétés musicales sont réparties sur l’ensemble du territoire départemental. Dans les années 2000, le Loir-et-Cher compte une cinquantaine d’harmonies, fanfares et batteries-fanfares, auxquelles s’ajoutent avec bonheur les bandas, qui renouvellent l’intérêt musical et sa pratique, grâce à des prestations très festives. Des ensembles créés au sein des écoles de musique comme les classes d’orchestre, les orchestres juniors ou cadets viennent compléter cette liste. Chaque formation compte en moyenne 30 musiciens mais peut varier de cinq à une soixantaine. 

La formation musicale est assurée par des écoles de musique au sein des différentes structures 
La pratique de la musique représente aussi un enjeu économique : c’est une source d’emplois non négligeable concernant la formation musicale, la formation instrumentale, auxquelles s’ajoutent l’édition musicale et les liens avec les professionnels. Ce préambule historique permet de se remémorer le développement de la musique et de sa pratique dans la société civile, dans le département et à Cour-Cheverny. 

Quelques précisions concernant les dénominations 
La fanfare est un ensemble d’instruments à vent : les cuivres trompettes et cors, auxquels s’ajoutent des saxophones. 
- La batterie-fanfare est un ensemble d’instruments d’ordonnance et de cuivres à sons naturels. Les instruments d’ordonnance sont : le clairon, le clairon basse, le cor, la trompette de cavalerie et la trompette basse. Ils sont dits « naturels » car ils ne peuvent jouer que sur les harmoniques de leur son fondamental. Ils sont complétés par les percussions d’ordonnance : tambour et caisse claire. 
Un orchestre d’harmonie, ou harmonie, est formé d’instruments à vent, à l’exclusion des cordes, bien que l’on conserve parfois les contrebasses et les violoncelles. 
Les recherches entreprises aux Archives départementales nous apprennent la création d’une « Société de Jeunes Gens » à Cour-Cheverny en avril 1877, officielle au 1er mai 1877. Elle est destinée à l’étude de la musique, à « propager le goût de la musique et du chant », comme il est précisé dans le courrier cité et dans les statuts. Cette création est indépendante d’une société musicale.

9 avril 1877 
Un courrier est adressé au préfet en ces termes : « Dans l’intention de propager le goût de la musique et du chant, et aussi dans le but de mettre un certain nombre de jeunes gens de notre commune à l’abri des dangers qu’ils rencontreraient en fréquentant d’autres réunions, nous avons l’intention de fonder pour eux une société dont nous avons l’honneur de vous envoyer les statuts. Nous vous prions de bien vouloir nous accorder l’autorisation qui nous est nécessaire. Nous avons choisi pour présider le bureau dont il est question à l’article 2, Monsieur le curé de la paroisse de Cour-Cheverny : ce serait cet éclésiastique qui obtiendrait l’autorisation que nous sollicitons »

Les Statuts joints à ce courrier, stipulent : 
« Art. 1 - Il est fondé à Cour-Cheverny une « Société de Jeunes Gens » qui se recrutera parmi ceux de la commune ayant atteint leur douzième année. Leur nombre sera d’environ 20 ou 25, 30 au plus. Toutefois, avec l’autorisation des membres du bureau, la société pourra admettre des jeunes gens de la commune de Cheverny se trouvant dans les mêmes conditions. 
La Lyre de Cheverny et Cour-ChevernyArt. 2 - Les réunions auront lieu provisoirement dans une des salles de l’école communale avec l’autorisation de Monsieur le maire. 
Art. 3 - La société est dirigée par un bureau d’administration composé d’un président, d’un vice-président, d’un trésorier et d’un secrétaire. 
Art. 4 - Les associés ne seront admis qu’avec l’assentiment du bureau, lequel aura également le droit d’exclusion en cas de besoin. 
Art. 5 - La bonne tenue des réunions appartient au président ou, en son absence, à celui des membres du bureau qui le remplace. 
Art. 6 - Les réunions auront lieu trois fois par semaine, le dimanche, le lundi et le vendredi : elles ne se prolongeront pas au-delà de dix heures du soir. Les deux dernières seront spécialement consacrées à l’étude de la musique et du chant. 
Celles du dimanche seront employées à d’honnêtes délassements et à d’utiles récréations, à l’exclusion des jeux d’argent et de hasard. 
Art. 7 - Toute discussion politique ou religieuse est formellement interdite dans les réunions de la société »
Suivent les noms et signatures des membres fondateurs : L. Quillon, curé de Cour-Cheverny, G. Sonnet, vicaire de Cour- Cheverny, Monsieur le Comte Louis Honoré de Sèze, propriétaire du Château des Tourelles, messieurs Hermelin E. (gendarme ?) et A. Franchet (naturaliste à Cheverny). 
Un courrier du maire accompagne ces statuts : « Le maire reconnaît les bons résultats que peut produire la société organisée d’après les statuts et la direction sus-énoncés, est d’avis favorable à sa création et prie monsieur le préfet de vouloir bien l’honorer de son approbation »Signé : le maire Bonamy.

Ces statuts ont été approuvés conformément à l’arrêté préfectoral du 1er mai 1877 
Il semble que les objectifs de cette société aient été atteints. Elle a dû dispenser ses apprentissages pendant de nombreuses années, mais aucune trace de son fonctionnement et de sa dissolution ne subsiste. 
C’étaient les prémisses des sociétés musicales « La Lyre de Cour-Cheverny » et « l’Union musicale de Cheverny ». 
La commune de Cour-Cheverny fait figure de privilégiée car la création de cette « Société de Jeunes Gens » est une première, mais aussi parce qu’une seconde formation « La Lyre de Cour-Cheverny » se créée 13 ans plus tard, le 10 janvier 1890. Elle s’apprête à fêter ses 130 ans. Et dans la commune voisine, est créée « l’Union Musicale de Cheverny » le 5 mars 1890. 
Il est raisonnable de penser que les premiers musiciens inscrits à la Lyre de Cour-Cheverny, comme ceux inscrits à l’Union Musicale de Cheverny, ont pu bénéficier de la formation musicale dispensée par la « Société des jeunes gens » créée en 1877 ! Ce qui expliquerait leur excellent niveau musical, au point de désirer se mesurer à d’autres sociétés musicales et d’obtenir d’excellents résultats. En effet, à la lecture des comptes-rendus des assemblées générales de la Lyre dès 1891, il est mentionné l’engagement de la société dans de nombreux concours ou festivals départementaux, régionaux, voire nationaux, où elle obtenait d’excellents classements et était récompensée par des médailles, souvent médailles d’or ou d’argent, tant en exécution qu’en lecture à vue. 
Nous évoquerons l’histoire de ces deux formations courchoises et chevernoises dans les prochains numéros de La Grenouille

Françoise Berrué - La Grenouille n° 42 - Janvier 2019

(1) Fourrier : sous-officier chargé du cantonnement des troupes, des distributions de vivres (Larousse). 
(2) La clique est l’ancien nom de la batterie-fanfare, formée de cuivres et tambours, et ce jusqu’en 1960. 
(3) Jean de Saint-Guilhem, directeur de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles au ministère de la culture et de la communication - 2000. 

Sources : 
- Archives départementales du Loir-et-Cher. 
- Archives de la Lyre de Cour-Cheverny. 
- Exposition « En avant la musique » du Service Culture du Conseil départemental du Loir-et-Cher. 
- Claire Collinet de La Salle - Les Tourelles.

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