Continuons à retracer l’histoire de Cour- Cheverny au
travers des délibérations des conseils municipaux. Nous abordons ici une page
d’histoire peu connue : celle de la construction de l’usine à gaz.
Lors
d’une séance extraordinaire du Conseil municipal, le 7 avril 1878, le maire
fait part de la constitution, à Cour-Cheverny, d’une « Société Anonyme pour
l’éclairage au gaz » qui propose à la commune d’établir une usine à gaz
dans l’ancien cimetière situé rue Barberet (cimetière 2 sur plan ci-dessous).
Extrait du cadastre napoléonien de 1813 : Section J 1 - Le bourg de Cour-Cheverny |
Revenons
quelques années en arrière
Au Moyen-âge, le cimetière le plus ancien était
situé près de l’église, à l’endroit où se trouve la place de l’église actuelle,
comme nous pouvons le voir sur le cadastre napoléonien de 1813 (cimetière 1).
Concernant
ce cimetière, très peu de renseignements existent, si ce n’est une délibération
du 25 plûviose An neuf (14 février 1801) intitulée « Plantation d’un mail » qui
relate « qu’un projet, depuis longtemps connu, de faire une plantation
d’arbres sur une partie de la place la plus près de l’église, laquelle servait
autrefois de cimetière, qui a été supprimé et rendu libre vers l’an 1746, vu
qu’il était situé au milieu du bourg et nuisible à la salubrité de l’air, il
fut délibéré à cette époque que le-dit cimetière serait transféré dans un terrain
hors du bourg qui fut acquis des fonds de la commune ». À la place, ce sont
« vingt sept platanes qui seront plantés pour former une place de promenade
publique ».
De 1746 à 1851, le cimetière se trouvait donc entre l’arrière
de l’église et l’actuel monument aux morts inauguré en 1924 (cimetière 2).
En
1851, la commune achète un terrain situé route de Blois, pour y transférer le
cimetière que nous connaissons actuellement, abandonnant ainsi le cimetière 2.
L’usine à gaz clôturée par un mur en maçonnerie. |
Revenons
à l’emplacement de l’usine à gaz
En 1862, « par arrêté préfectoral, le
maire a l’autorisation d’aliéner le cimetière situé derrière l’église qui est
abandonné depuis vingt-sept ans. Il sera mis en vente aux enchères publiques,
avec une mise à prix à 1 000 francs ». Aucun acquéreur ne se manifeste. Par
contre, le maire informe le conseil que Madame Barberet, de Pont-Chardon,
propose de faire un don de 700 francs à la commune, « valeur approximative
de l’ancien cimetière » selon elle, mais elle assortit cette offre des conditions,
disons plutôt des exigences, suivantes :
1) « La commune conserverait la
pleine propriété et jouissance de cet ancien cimetière, mais, sauf ce qui sera
dit ci-après, la commune ne pourra, pendant 50 ans à partir de la réalisation
de la donation, vendre ce cimetière. Elle ne pourra non plus y apporter aucun changement
ni modification. Elle n’en jouira que pour la récolte des herbes qui y poussent
chaque année, sans pouvoir remuer la terre, y laisser pacager les bestiaux, ni
y faire des plantations d’aucune nature, sans l’agrément de Mme Barberet.
Enfin, jusqu’à l’expiration des 50 années, le terrain serait laissé dans l’état
où il est actuellement et la commune n’en jouirait que de la manière qu’elle
l’a fait depuis la fermeture de ce cimetière.
2) Après l’expiration des 50 ans,
la commune reprendra la libre disposition de la propriété et jouissance du
terrain, pour en disposer à son gré, ainsi que de toutes choses qui
existeraient dessus par suite de plantations ou de constructions qu’il aurait
plu à Mme Barberet d’y faire faire.
3) Nonobstant ce qui vient d’être dit
ci-dessus, la commune aurait le droit de réduire le terrain au long de la route
de Contres à Bracieux, pour le limiter, pour l’alignement de cette route qui serait
donné par la voirie, à charge pour la commune de le tenir constamment renfermé,
au long de la route, par une nouvelle clôture qu’elle construirait, en
récupérant les matériaux du mur existant longeant cette route. »
Le conseil
« accepte à l’unanimité cette offre généreuse » car « il n’y a nulle
charge pour la commune et tout avantage pour elle ». M. le maire est chargé
de remettre à Mme Barberet « une copie de la délibération comme témoignage de
ses sentiments de respectueuse reconnaissance, et il devra solliciter de M. le préfet
l’autorisation d’accepter cette proposition ».
De plus, le Conseil prie
aussi M. le maire, de demander à Mme Barberet si, en raison de l’état de gêne
où se trouve la commune par suite des nombreux travaux qu’elle a faits et des
charges qu’elle s’est créées pour l’embellissement du bourg*, si elle voulait
bien faire clore elle-même l’ancien cimetière au long de la route, par un mur
en maçonnerie ; si elle voulait bien aussi restreindre la durée pendant
laquelle la commune n’aura pas l’entière disposition du terrain. Si, enfin,
elle voulait bien planter le terrain, soit en acacias, soit en autres essences
de bois, car « la vue de l’ancien cimetière dans l’état où il est, rappellera
toujours pour bien des familles, les souvenirs de pertes si douloureuses, et
que le conseil verrait avec une grande satisfaction qu’il changerait d’aspect
par une plantation de bois. »
Cette
proposition est acceptée par l’administration communale et autorisée par le
préfet. Du fait de ces exigences, l’usine à gaz ne pourrait pas être construite
à Cour-Cheverny avant 1912 sur l’emplacement de l’ancien cimetière ! Mais la
Société Anonyme pour l’éclairage au gaz ne l’entendait pas ainsi, souhaitant apporter
à Cour-Cheverny ce nouveau confort moderne de l’éclairage public ! Les
administrateurs de la société se sont alors adressés aux héritiers de Mme
Barberet afin d’obtenir le désistement de la famille sur le temps qui restait -
soit 34 ans ! - pour que le terrain soit rendu à la commune. Non seulement les héritiers
ont consenti à la demande, mais ils ont très vite fait rédiger et signé un acte
de désistement pour rendre à la commune la libre disposition de l’ancien
cimetière afin d’y établir l’usine à gaz ! « Par ce fait, la commune rentre donc
aujourd’hui dans l’entière propriété de l’ancien cimetière ».
L’usine à
gaz clôturée par un mur en maçonnerie.
La société de gaz propose au Conseil
de passer un bail avec la commune pour la location de l’ancien cimetière pour
l’établissement de son usine. La commune afferme l’ancien cimetière à la
Société Anonyme du Gaz, après enquête prescrite par arrêté préfectoral du 10 avril
1878, aux conditions suivantes :
- un bail de 50 ans est consenti à raison de
50 Francs par an ;
- les arbres qu’il serait nécessaire d’abattre seront vendus
au profit de la commune ;
- les murs de clôture seront restaurés par la société
du gaz.
La construction de l’usine est vite réalisée. En Août 1878, le maire
signale au Conseil municipal que la nouvelle école de garçons, construite rue
Martinet en 1876, a reçu l’organisation nécessaire pour l’éclairage au gaz.
Rapidement,
le maire reçoit une pétition de la population réclamant l’éclairage public jusqu’à
onze heures du soir, quelle que soit la saison et chaque fois que l’obscurité
le rendra nécessaire. Ce qui fut adopté.
Dans les mois qui suivent, un crédit
de 350 F est voté pour faire l’acquisition et la pose d’appareils à gaz pour
l’éclairage de l’école de garçons, des rues et des places du bourg. Mais les
perfectionnements et un nombre plus important de lanternes rendent vite les crédits
insuffisants. Un crédit exceptionnel sera voté. Des nouvelles pétitions
réclameront ensuite l’installation de lanternes à gaz rue de Bracieux, rue
Barberet en 1906, rue Nationale en 1907 et au lieu-dit Talcy.
La place de
l’église avec les lanternes à gaz
En 1911, la Société de gaz demande une prolongation
de convention pour 22 ans, ce qui porterait la concession à 40 ans et qui permettrait,
selon eux, de donner l’éclairage électrique à des prix très intéressants et,
tout en continuant la fourniture du gaz, la commune bénéficierait d’une remise de
25 %. L’éclairage actuel sera transformé en éclairage électrique en augmentant
le nombre de becs à des tarifs de faveur. L’éclairage sera assuré 24 h sur 24 ;
enfin le gaz destiné au chauffage sera mis à disposition de la population à
0,30 francs avec des fourneaux et réchauds en location.
Le Conseil pense
accorder au concessionnaire de l’usine à gaz, une prolongation de 22 ans pour
que l’électricité soit fournie à Cour- Cheverny. Mais, après délibération, en
septembre 1911, il considère que les conditions ne sont pas assez avantageuses
et refuse de prolonger le bail qui serait une prolongation de concession
déguisée.
Place de l'Eglise (place Victor Hugo) avec les lanternes à gaz |
En 1916, le maire reçoit la visite du directeur de la Compagnie
électrique du Sud-ouest, qui gère alors l’usine à gaz. Il informe le conseil des
difficultés rencontrées par cette compagnie pour continuer à fournir le gaz
dans le bourg, suite au manque d’approvisionnement et de l’élévation du prix
des charbons. Il propose en remplacement l’installation d‘une distribution d’éclairage
électrique à condition que le Conseil lui accorde une concession de 40 ans, se
réservant le droit d’augmenter les prix fixés à cette concession pendant la
durée de la guerre et les six mois qui suivront la cessation des hostilités,
dans une mesure qui dépendra de la hausse du prix du charbon. Le Conseil, en
raison des conditions actuelles de guerre, ne donne pas suite à la demande.
Les
bâtiments de l’ancienne usine à gaz, les deux pavillons logeant un locataire et
un sous-locataire à titre provisoire, devront être libres de toute servitude
pour le 24 juin 1923, ainsi que le hangar. Ils seront démolis fin 1923, le
Conseil ayant pris la décision de faire ériger sur cette place le monument aux
morts pour la patrie.
Françoise Berrué - La Grenouille n°38 - Janvier 2018
*L’acquisition des terrains (1858)
pour la construction des classes, rue Martinet (1876) et de la mairie- halle
(1879).
Sources :
- Registres des délibérations municipales de 1820 à 1924.
-
Cadastre napoléonien de 1813 : Section J 1 Le Bourg. Sont concernées les
parcelles J 93- J 94 et J 97.
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