Retournement de situation

(Mémoires Comte DUFORT - Episode n° 11)
Le Comte Dufort se trouve donc enfermé aux Carmélites de Blois où il retrouve l’Abbé Boutault, principal du collège de Blois, le Prieur de Cour-Cheverny et un vieil ami, le Marquis de Rancogne. 
Les premières semaines d’incarcération sont pénibles car nul ne sait le sort qui va lui être réservé. La malheureuse épouse du Comte Dufort fait le maximum pour leur apporter un peu de confort de vie, par des visites, en payant les gardiens. Elle réussit un jour à rencontrer le fameux Hezine et son compatriote Duliepvre qui lui confirment qu’on attend les ordres du Tribunal Révolutionnaire de Paris pour récupérer tous leurs biens. En rentrant chez elle, elle est rattrapée par Duliepvre qui lui dit qu’il allait lui confier un secret : Hezine a donné l’ordre de poser des scellés sur la cave du château. 
Quand ces renégats viennent ensuite au domaine et tentent d’accomplir leur basse besogne, le sommelier et les serviteurs réussissent à mettre en déroute Duliepvre et sa soif non étanchée. La nuit suivante, on fait évacuer sur la Maison de Blois, toutes les bonnes bouteilles de la cave du château. 

Mais des choses plus graves sont en préparation : des trois départements de l’est de la France arrivent des convois entiers de prêtres, chanoines et autres ; certains arrivent aux Carmélites de Blois à pied, d’autres dans des charrettes, transportés comme des veaux ! Ils dorment dans la paille et repartent à la pointe du jour en laissant sur les murs de leurs dortoirs la date de leur passage, leur nombre et le nom du député qui les fait assassiner. Chaque jour apporte son lot de nouveaux prisonniers. 

Le Comité de Salut Public fait transférer tous les prisonniers de Pontlevoy aux Carmélites dont le chef des colonies, Jean Batiste du Buc, intendant des Indes, âgé de 78 ans ; aussi, Monsieur Dinocheau, ancien avocat de l’Assemblée Constituante nommé 1er juge criminel du département et procureur de la ville de Blois. Cet homme avait eu le courage de plaider bien des fois la cause des citoyens contre les Jacobins. Il avait empêché, par sa fermeté, de laisser les clubs et les troupes révolutionnaires qui se rendaient en Vendée, de massacrer les meilleurs habitants de la ville ! Il est donc traîné de prison en prison, Carmélites, Ursulines à Orléans, Pontlevoy et retour aux Carmélites ! 

Les arrestations redoublent, on incarcère impitoyablement tous ceux qui n’ont pas de cocardes. Le 8 juin 1794 a lieu à Blois, comme à Paris, la Fête de l’Etre Suprême qui se déroule sur ce que l’on appelle “le pâté de Gaston” (sur le côté du château et nommé aujourd’hui “La butte des Capucins”). Le Comte Dufort y assiste du haut du grenier de sa prison et c’est à cette date précise qu’il fait pleinement connaissance avec M. du Buc, homme de grande culture et d’expérience politique qui attribue tous les maux de la Révolution aux oeuvres qui sont entre les mains du Peuple. Il n’épargne ni les encyclopédistes, ni les économistes, ni Rousseau, ni Montesquieu et encore moins l’Église et la Royauté. 

À cette même époque, Robespierre fait nommer un certain Desmaillot en tant que Commissaire du pouvoir exécutif entre Paris et Blois. L’épouse du Comte Dufort tente, à travers cet homme, de le faire libérer, ainsi que son ami Rancogne, mais rien n’y fait ! Desmaillot rencontre et écoute le procureur Hezine et tous ceux du Comité Révolutionnaire pendant huit jours. À l’issue de ces entretiens, il fait emprisonner Hezine, Arnaud et Velu. 

Hezine est arrêté à Chambord par deux gendarmes pendant son sommeil ! À cinq heures du matin, la rue des Carmélites grouille de monde qui veut voir sortir de prison Hezine et tous ses enragés qui vont être jugés. Tout le monde applaudit quand on les enferme dans la carriole ; les mariniers, sur les quais, parient que l’on ramènerait la tête d’hezine dans moins de huit jours. Les Jacobins se taisent. Les honnêtes gens reprennent alors courage. 
Quant aux habitants de Cour et de Cheverny, ils veulent se lever en masse pour faire libérer le Comte Dufort et M. de Rancogne. Cependant, le Compte Dufort s’y oppose en raison des conséquences que Robespierre avait déjà mises en oeuvre dans des circonstances équivalentes. Ce qui marque alors le plus le Comte Dufort, en cette période, est le zèle de beaucoup d’habitants de Cour et de Cheverny qui lui rendent visite régulièrement à la prison. Il en est très touché et consolé après avoir vu démonter les grilles et les ferronneries de son château, réquisitionnées par la ville de Blois. 

Sources :
  • “Les Chanceliers de Cheverny”, par le comte Henri de Vibraye, éditions Émile Hazan
  • “Mémoires du Comte Dufort de Cheverny : La Révolution”, éditions Plon, 1909 
  • “La terre de Cheverny”, par Paul de Vibraye, éditions Lecesne, Blois 1866
  • “Le Loir-et-Cher de la préhistoire à nos jours”, par Croubois, Denis, Loisel, Sauvage, Vassort, éditions Bordessoules, 1985
Le Colvert  - La Grenouille n°12 - Juillet 2011

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