Nous sommes fin 1793. Les choses commencent à se gâter sur Blois et les environs. Un pseudo pro-conseil du nom de Garnier de Saintes, avocat à Saintes, en charge de l’armée de l’ouest de Vendée, débarque à Blois avec aide de camp, secrétaires… C’est un vrai sans-culotte pour tout, surtout pour les autres, mais excepté pour ce qui lui est personnel.
Voyageant dans une berline magnifique, il se pavane entre Tours et Blois. Ne cherchant qu’à spolier la population blésoise, il se met en tête de “récupérer” la maison de M. De Salaberry qu’il habitait, à côté du château, pour y donner des fêtes et autres amusements. Cela lui est facile car il a déjà réquisitionné l’évêché et, surtout, la cave.
Un soir, donc,
décoré de son chapeau à plumes, de son écharpe et de son grand sabre, il prononce,
au «temple de la raison», l’arrestation de tous ceux qui le gênent ou peuvent
le gêner dans le blésois et ainsi, faire enfermer M. De Salaberry aux
Ursulines, lieu dans lequel, avec les Carmélites, sont incarcérés tous les
honnêtes gens de Blois et des environs. Même chose pour le Prieur Curé de Cour-
Cheverny, M. Delarue, maire du village à cette époque.
M. Delarue est un homme
cultivé, travailleur, protégeant l’ordre et la raison de sa commune. S’il a «
la foi du charbonnier », il ne peut cependant rien faire lorsque Robespierre promulgue
une loi pour réquisitionner les cloches des églises de sa paroisse. Il a beaucoup
de mal à en conserver une. Les autres sont descendues des clochers,
transportées à Blois et fondues pour en faire des pièces de deux sols
républicains. Les églises mutent ainsi en « temples de la raison ».
Les
événements s’accélèrent le 10 décembre 1793 car le député de la Sarthe, Le
Vasseur, apprend que les Vendéens arrivent sur Vendôme. Considérant que Blois
est en état de siège, il décide de faire abattre l’arche centrale du pont de Blois
et tous les grands arbres de la promenade des quais de la Loire qui pourraient
éventuellement servir à l’ennemi pour la reconstruire. L’alerte est générale ;
ordre est donné aux gardes nationaux de se lever et de marcher sur Blois en renfort,
avec quatre jours de vivres. Les faubourgs de Vienne sont envahis par une meute
de gens plongés dans une grande détresse en raison de la famine qui règne sur
la Sologne.
Pendant ce temps, à Cheverny, le Comte Dufort tente de se préserver
de la grêle révolutionnaire qui tombe autour de lui ; une grande partie de ses relations
et de ses amis sont en prison, s’attendant au pire. Il reste cloîtré au château
avec son épouse et son fils et ce, pendant plus de six mois. Le Marquis de Romé
est accusé d’avoir voulu vendre Blois aux Vendéens ; il est conduit à la cathédrale
transformée depuis peu en «temple de la raison» ; il y est jugé par tous les
démagogues du coin. Dinocheau était le procureur de la ville ; absent de la
séance il est destitué et incarcéré sur ordre de Gaimberteau. Après trois semaines
de garde, le Marquis de Romé est condamné, en deux heures de temps, par Fouquet-Tinville
qu’il apostrophe ainsi : “vous me condamnez injustement, c’est du parti
pris, comme le mien est pris de mourir ; vous retardez l’exécution à demain
mais je vois que déjà la charrette est prête ; épargnez-moi cette attente.”
Il périt donc le 14 novembre, digne, comme il l’avait toujours été !
C’est
aussi en cette fin d’année 1793, à quelques jours de Noël, qu’un nommé Lepetit
vient remplir d’effroi toute la population blésoise. Il est chargé par le député
de la Sarthe de convoyer tous les prisonniers de la région vers Orléans. Il
s’agit de beaucoup d’habitants de Saumur, environ huit cents. On dénombra 600
morts sur le trajet, morts de fatigue, morts de faim, morts de noyade, de fusillades
ou massacrés ! Et le 8 décembre, les quelques survivants arrivent à Blois. Le
procureur-syndic Hezine reçoit Lepetit sur les marches de la mairie et lui dit
: «demain matin on leur donnera une bonne correction et nous ferons voir à la
population comment on les arrange !» Le lendemain, Hezine fait fusiller 13
personnes pour donner l’exemple au peuple en précisant qu’on commencera par les
paysans pour finir par les prêtres. Quatre paysans sont exécutés et jetés dans
la Loire, puis cinq prêtres sont amenés et fusillés. Leurs dépouilles sont
partagées, exposées. Les exécuteurs font part de leur joie à tous ceux qu’ils
rencontrent.
Le silence tombe sur la ville. La terreur s’installe.
A suivre…
Sources :
- “Les Chanceliers
de Cheverny”, par le comte Henri de Vibraye, éditions Émile Hazan
- “Mémoires du
Comte Dufort de Cheverny : La Révolution”, éditions Plon, 1909
- “La terre de
Cheverny”, par Paul de Vibraye, éditions Lecesne, Blois 1866
- “Le Loir-et-Cher
de la préhistoire à nos jours”, par Croubois, Denis, Loisel, Sauvage,
Vassort, éditions Bordessoules, 1985
Le Colvert - La Grenouille n°10 - Janvier 2011
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